La diplomatie du ping-pong, toujours là quarante ans après...

Par Federico Rampini, correspondant de La Repubblica à New York.
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Selon un sondage récent du Pew Research Center, 47% des Américains croient que le PIB de la Chine a déjà dépassé celui des Etats-Unis. C'est faux, bien entendu, et c'est révélateur. En réalité, si l'on croit aux projections les plus optimistes sur la croissance future de la Chine, le dépassement aura lieu en 2018. D'autres scénarios plus prudents le situent après 2030.

Mais, quoi qu'il en soit, les perceptions ont un poids et elles influencent le sommet qui s'ouvre demain soir à Washington entre Barack Obama et son homologue Hu Jintao. Qu'ils le veuillent ou non, ils sont considérés comme les deux PDG de la planète, les chefs d'un G2, bien que très problématique et controversé. La perception traduit une évolution spectaculaire. Cette visite de M. Hu à la Maison-Blanche coïncide avec le 40e anniversaire de la diplomatie du ping-pong, lorsque les deux équipes nationales furent utilisées en 1971 pour préparer la rencontre historique entre Nixon et Mao (qui eut lieu l'année suivante).

La Chine de l'époque était un géant pauvre, constamment sous la menace de la famine. Elle ne pouvait servir l'Amérique qu'en tant que contrepoids politique vis-à-vis de l'URSS. La dernière visite d'État d'un président chinois à Washington eut lieu en 1997 : c'était Jiang Zemin qui fut reçu par Bill Clinton. C'était quatre ans avant l'entrée de la Chine dans l'OMC, son impact sur la globalisation à l'époque était encore négligeable. De plus, Pékin était aux prises avec le risque de contagion de la crise financière du Sud-Est asiatique.

Aujourd'hui M. Hu représente un pays qui a atteint 250 milliards de dollars de surplus dans les échanges bilatéraux avec les États-Unis de janvier à novembre 2010. La dette publique des États-Unis à l'étranger est pour 21 % aux mains des investisseurs institutionnels chinois (850 milliards de dollars à eux seuls). Les réserves officielles de la banque centrale chinoise ont atteint 2.850 milliards de dollars, c'est-à-dire 25 % du total mondial.

Les banquiers de Wall Street se bousculent depuis un mois pour faire partie de la liste des invités qui seront au dîner officiel à la Maison-Blanche mercredi soir. Quant à Hu Jintao, il a eu un geste très « impérial » : à la première place dans la liste de ses invités, il a mis deux Californiens, la maire d'Oakland et le maire de San Francisco - ce sont, depuis cette année, les premiers Chinois-Américains à gouverner deux grandes villes des États-Unis !

Le secrétaire au Trésor, Tim Geithner, prévoit que "d'ici à dix ans la Chine sera le premier partenaire commercial des États-Unis, ayant dépassé l'Union européenne". Le dossier économique occupera la partie la plus importante des entretiens Hu-Obama. La sous-évaluation du renminbi reste à l'ordre du jour, bien que Geithner ait reconnu que, depuis juillet 2010, la monnaie chinoise a "gagné 10 % sur base annuelle par rapport au dollar".

Mais d'autres sources de tension deviennent de plus en plus importantes. Washington se plaint du pillage systématique de sa propriété intellectuelle : l'administration chinoise elle-même n'hésiterait pas à utiliser du software piraté, selon Microsoft. Il y a aussi la question des aides d'État, qui faussent la concurrence parmi les entreprises. Les énergies renouvelables sont un secteur très touché aux États-Unis par cette forme de compétition déloyale. Les principaux producteurs américains de panneaux solaires sont en train de fermer leurs usines domestiques pour délocaliser en Chine : dans ce cas, ce n'est pas tellement la différence salariale qui les attire (car la main-d'oeuvre a un poids limité sur le coût total de ces produits), mais les avantages fiscaux et les conditions généreuses de financement qu'offre Pékin.

La doctrine Obama, inaugurée au G20 de Pittsburgh en 2009, préconise que chacun fasse sa part pour réduire les déséquilibres : la Chine doit "stimuler sa consommation, réduire son épargne, augmenter la part des importations sur son PIB". Il faut que cet ajustement soit suffisamment rapide pour que l'Amérique ne se sente pas dupe dans l'équilibre actuel de ce G2. Mais MM. Obama et Geithner sont conscients des risques qu'un accident survienne de l'autre côté du Pacifique : l'explosion de la bulle spéculative immobilière, ou un dérapage inflationniste suivi de conflits sociaux, ou encore une réaction excessive de la politique monétaire qui (sous prétexte de combattre l'inflation) pourrait pénaliser la croissance mondiale. Finalement, dans cette mésentente cordiale qui règne au sein du G2, le statu quo est bien plus rassurant qu'une fuite en avant.

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