« L'objectif de la réforme doit être de détaxer complètement le capital productif »

Christian Saint-Étienne Professeur au Cnam, membre du Conseil d'analyse économique
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Nicolas Sarkozy souhaite que la réforme de la fiscalité du patrimoine soit l'occasion de passer d'une taxation des stocks à celle des flux. Est-ce pour vous une bonne façon de poser le débat ?

C'est une très bonne façon de le poser, à condition de faire une distinction fondamentale : celle du patrimoine productif et de ce que j'appellerai le patrimoine d'agrément. Le premier est investi dans des actions de sociétés industrielles et commerciales, tandis que le second est investi dans l'immobilier ou des oeuvres d'art.

Dans ces conditions, quelle doit être la ligne directrice de la réforme ?

Son objectif doit être de détaxer complètement le capital productif. Les superbes villas du Cap Ferrat et Cap Ferret ne déménageront pas demain, alors que les entreprises oui, et leurs emplois avec ! Jusqu'à présent, la France a fait l'erreur conceptuelle de faire l'inverse de ce qu'il fallait faire : le patrimoine immobilier est partiellement détaxé, la détention d'oeuvres d'art l'est complètement, tandis que le capital productif est, lui, taxé. Cette réforme doit être l'occasion d'expliquer aux Français que si l'on taxe plus encore le capital productif, il s'en va. Les anglo-saxons sont dans cette logique depuis longtemps. Quant aux Allemands, cela fait quarante ans qu'ils privilégient le capital productif.

Si l'on suit cette logique, que faut-il faire de l'impôt sur la fortune ?

Au lieu de détaxer l'art ou d'augmenter l'abattement sur la résidence principale de 30 % à 50 %, mieux vaudrait détaxer le patrimoine industriel et commercial. L'abattement de 30 % pour la résidence principale est un bon niveau. Quant aux oeuvres d'art, moi je considère que les vraies « oeuvres d'art » de ce pays sont les entreprises industrielles et commerciales. Dès lors, pourquoi ne pas instituer un abattement de 50 % sur les actions de sociétés industrielles et commerciales. Dans un premier temps, on pourrait réserver cet abattement aux entreprises non cotées. Ce qui, au passage, permettrait de supprimer les clauses « outil de travail » de l'ISF, qui freinent le développement des PME. Un abattement de 50 % sur les actions de sociétés non cotées aurait un coût d'environ 1 milliard d'euros. Pour compenser - car il faut bien-sûr compenser - je reprendrais volontiers l'idée d'une tranche supplémentaire au barême de l'impôt sur le revenu. Une tranche à 43 % devrait suffire.

Cela ne semble pas être l'intention du gouvernement...

Je crains en effet qu'il continue malheureusement de privilégier le patrimoine immobilier.

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