Banquiers et maîtresses

Par Eric Albert, correspondant de La Tribune à Londres.
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De quoi parle-t-on à la City ces jours-ci ? De la Libye et du risque de la flambée du pétrole ? De la guerre des monnaies et de la crise de l'euro ? De la régulation financière ? Non, ce qui passionne vraiment dans les couloirs des grandes banques et des hedge funds, du côté de la machine à café, est une question : qui est ce banquier dont l'aventure sentimentale pourrait bientôt apparaître dans les médias ?

Un mystérieux banquier a réussi à bloquer la semaine dernière la publication de son incartade extra-maritale par le Sun, un tabloïd à sensation (trois millions d'exemplaires par jour, quand même). Une cour de justice a interdit au dernier moment la révélation de l'histoire. Le Times, publication qui appartient au même groupe (celui du magnat Rupert Murdoch), s'en est offusqué lors d'un long éditorial, révélant autant qu'il le pouvait de l'affaire. Il s'agit d'un banquier senior qui était marié, sa maîtresse travaillait pour lui, et son institution financière était au coeur de la crise. Bref, cela laisse au maximum quelques dizaines de suspects. On peut prévoir quelques scènes tendues chez certains ménages ces jours-ci...

L'histoire vient confirmer, si besoin était, que les financiers de la City ont un penchant certain pour entretenir des maîtresses de luxe. Quoi de plus facile, avec un salaire très généreux, des horaires flexibles et des voyages à travers la planète en permanence ? Comme toujours à la City, il y a une certaine étiquette à respecter, avec une fine hiérarchie sociale parmi les niveaux de tromperie. Il y a la maîtresse officielle, invitée ouvertement lors de soirées ou d'événements publics. Il y a la maîtresse de deuxième rang, non déclarée en quelque sorte, mais néanmoins régulière. Et il y a les hôtesses de bars, ou call-girls de luxe, qui sont au chômage technique les soirs de Saint-Valentin, chaque banquier se sentant un minimum de responsabilité à inviter sa femme à dîner en cette date symbolique.

Anya Schiffrin, épouse du prix Nobel d'économie Joseph Stiglitz, racontait récemment la guerre des maîtresses dans les coulisses du sommet de Davos. "Souvent, les hommes vont à des dîners de haut niveau auxquels épouses et maîtresses ne sont pas invitées. La maîtresse Davos, fine et magnifiquement habillée, attend généralement quelques minutes autour des auditoriums, accompagnant son homme. Pendant l'attente, elle décortique du regard la salle, cherchant à détruire la concurrence." Pourtant, la City ne rigole pas avec les moeurs. Si les traders de tout poil peuvent se défouler sans crainte, les dirigeants des grandes institutions financières doivent faire très attention. Quand il a été révélé en 2009 qu'Andrew Moss, le patron de la compagnie d'assurances Aviva, entretenait une liaison avec une de ses collègues, celle-ci a immédiatement dû démissionner (avec une généreuse compensation) : il n'était pas question de laisser soupçonner un possible favoritisme.

Le Times, dans son éditorial la semaine dernière, ose même faire valoir qu'il est de l'intérêt général de révéler l'affaire extra-conjugale du banquier car celle-ci soulève potentiellement des risques d'abus de pouvoir ou de traitement préférentiel d'un employé. Puritanisme ou non, les financiers de haut vol devront désormais prendre plus de précautions sur leur vie privée. Déjà conspué par l'opinion publique, moins rémunéré et désormais sous l'oeil des tabloïds et du Web, le banquier voit sa vie s'assombrir à la City.

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