Dette : l'aveuglement européen

Par Marc Fiorentino
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Les sommets européens se suivent et se ressemblent. Et les journées sur les marchés de la dette européenne se suivent et se ressemblent. Les dirigeants européens continuent à chercher à colmater des brèches qui n'en finissent pas de s'élargir. Et le marché n'est pas dupe. Chaque jour, les dettes irlandaise, grecque et maintenant portugaise inscrivent de nouveaux records. Jeudi, l'emprunt portugais à 5 ans dépassait les 9,10 % et les 10,70 % pour l'emprunt irlandais. Ces taux deviennent confiscatoires pour les pays concernés.

L'Irlande et la Grèce sont déjà sous perfusion de l'Union européenne et du FMI. Le Portugal, sans gouvernement, résiste mais n'aura pas d'autre solution que de se mettre sous tutelle... à moins que le Brésil ne le sauve, clin d'oeil extraordinaire de l'histoire et nouveau signe, s'il en fallait encore, du phénoménal renversement des relations entre les pays dits développés et les pays émergés.

Les leaders européens s'acharnent à vouloir garantir à 100 % des emprunts des pays dits périphériques qui ne valent plus que 60 ou 70 % de leur valeur. En théorie, il y aurait un moyen simple pour vous et pour moi de faire fortune. Ce serait d'acheter de la dette grecque ou irlandaise au cours actuel, avec une forte décote, et d'attendre trois, quatre ou cinq ans que le pays concerné nous rembourse en totalité du nominal avec l'argent de l'Union européenne et du FMI.

Facile non ? Malheureusement non. Si c'était aussi facile, tous les hedge funds le feraient. Or les hedge funds et autres fonds spéculatifs n'achètent pas ces emprunts périphériques, ils les vendent. Pourquoi ? Parce qu'ils sont persuadés que les pays en difficulté ne pourront pas rembourser leur dette.

C'est toute l'absurdité de la situation actuelle. On prétend à chaque sommet qu'on va éviter la restructuration de la dette des pays périphériques alors que cette restructuration est une évidence pour le marché. Mieux, elle est déjà « pricée ». Le message simple que nous envoient les cours est le suivant : les gouvernements grec, irlandais et portugais vont faire défaut sur leur dette et les prêteurs vont devoir accepter une perte dont on connaît déjà le montant.

Alors pourquoi ne pas se rendre à la raison ? Pourquoi ne pas crever l'abcès une fois pour toutes en convoquant un vrai sommet européen enfin utile, à l'issue duquel on déciderait de ne plus garantir les emprunts déjà émis et on annoncerait le pourcentage de pertes que les investisseurs financiers devront supporter ?

La raison est simple. Les banques européennes ont des dizaines de milliards d'emprunts de pays périphériques sur leurs bilans. Et aujourd'hui, comble de l'absurdité, ces dettes sont comptabilisées non pas à leur valeur de marché mais à leur valeur de remboursement, donc à 100 % de leur valeur nominale.

Si, demain, la restructuration des dettes est actée, il va falloir que toutes les banques européennes fassent des provisions massives qui pèseront sur leurs bilans et les obligeraient sûrement à rechercher à nouveau des capitaux propres auprès des marchés financiers pour les plus saines d'entre elles et auprès de leurs gouvernements pour les faibles.

C'est certes une situation qui serait dommageable mais elle est inévitable.

La restructuration des dettes grecque, irlandaise et portugaise est incontournable. À continuer à faire preuve d'aveuglement ou de mauvaise foi, on ne va faire que provoquer une attaque sur la prochaine victime annoncée : l'Espagne. Le temps est compté. L'issue est certaine. Le front du Nord, l'Allemagne, la Hollande et la Finlande, en est persuadés.

La question n'est plus « si » mais « quand ».

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