2008-2011 : les vrais faux-semblants

Alors que certains facteurs qui avaient précipité la crise il y a trois ans apparaissent à nouveau aujourd'hui, une répétition du scénario catastrophe est redoutée. Pourtant, s'il y a des similitudes avec 2008, il y a aussi des différences et des marges de manœuvre.
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Un plein d'essence à plus de 100 euros. Un ticket de caisse qui fait sursauter et oblige à se serrer la ceinture. Des taux sur prêts immobiliers un peu moins alléchants. Un banquier qui manie le double langage et rechigne à consentir un misérable crédit, malgré un solide dossier. Un euro à 1,50 dollar... Ça ne vous rappelle rien ? Trois ans plus tard, le printemps 2008 se rappelle à nous avec un air de déjà-vu, et une rafale de questions inquiètes : les mêmes causes produiront-elles les mêmes effets ? Va-t-on déjà vers cette récession qui, en 2008, avait projeté le monde dans le chaos financier ? Et ce, alors que nous n'avons pas encore retrouvé le niveau d'activité d'avant-crise, que la croissance en zone euro comme aux Etats-Unis reste faiblarde malgré des taux au plancher et un déficit public qui atteint encore 7% du PIB, et alors que le commerce mondial caracole à 5% l'an depuis deux ans ! Bref, parler de ralentissement alors que l'économie des pays développés peine à reprendre son envol, et qu'ils ont des tombereaux de dettes publiques à rembourser... Voilà qui fait froid dans le dos.

A peine les vapeurs de la gueule de bois avaient-elles commencé à se dissiper dans les pays développés, que l'addition des matières premières et, en particulier de l'énergie, est venue leur vider les poches : même avec un euro fort, le baril de brent à 124 dollars va nous coûter pas moins de 3,4% du PIB de la zone euro en 2011, et 5,1% du PIB américain, ont calculé Thomas Jaboeuf et Olivier Gasnier chez GDF Suez Trading, contre respectivement, 2,7% et 3,8% en 2010. La ponction de la facture pétrolière va donc être encore plus salée qu'en 2008, sachant qu'elle avait absorbé, des deux côtés de l'Atlantique, 3,1% et 4,9% de la création de richesses. Idem pour les matières premières, dont l'indice général S&P n'est plus qu'à 15% de son pic de juillet 2008.

Bref, redoute Sylvain Broyer chez Natixis, "les prix des importations progressant beaucoup plus vite que ceux des exportations - ce que les économistes appellent une dégradation des termes de l'échange - les pays développés, majoritairement importateurs de matières premières, subissent actuellement une perte sèche de pouvoir d'achat. Or, poursuit-il, l'histoire montre que lorsque le pouvoir d'achat d'une économie baisse, son activité industrielle suit avec six mois de retard". En 2008, la hausse des prix des matières premières avait en effet fait basculer l'activité, du simple ralentissement à la chute, laquelle était passée, après la faillite de Lehman, à un effondrement.

Le ralentissement ? Alors que le climat des affaires a commencé à se tasser dans la zone euro, tous les économistes distingués l'anticipent désormais. Certains le décèlent déjà, d'autres le prédisent pour la deuxième moitié de 2011. Mais la chute d'activité ? Il faudrait un événement exogène pour la déclencher. Aussi, tous les regards se portent-ils sur le bilan des banques - et sur la capacité des États fragiles à honorer leurs dettes dans une économie qui flageole. Selon, Antoine Brunet, économiste indépendant "les montants en jeu étant considérables, l'aggravation de la crise des dettes publiques pourrait avoir le même effet sur l'activité que la crise bancaire en 2008". Mais d'autres événements pourraient tout autant accélérer les choses, comme la sécheresse prolongée en Europe du Nord, aux Etats-Unis comme en Chine, ou encore la dégradation brutale de la note des grandes économies qui se croyaient, jusqu'à peu, protégées par la muraille de leur AAA.

Mais le pire n'étant jamais sûr, le mieux est de s'en tenir au strict jeu des différences. Or il y en a une tout à fait majeure avec 2008, et qui devrait tempérer notre pessimisme par vocation. "Nous sommes aujourd'hui en début de cycle quand nous étions en 2008 en fin de cycle, fin dont on avait vu les prémices dès la mi-2007", dit Véronique Riches-Flores, chez SG. Le fait même que nous n'ayons pas rattrapé l'activité d'avant-crise, et que le chômage commence tout juste à baisser signifie qu'il y a des capacités disponibles partout. En clair, si la hausse des prix à la consommation s'est déjà redressée à 2,8% dans la zone euro à fin mars, il y a de la marge avant que l'inflation importée se transforme en inflation sous-jacente. D'autant que, dans la zone euro, notre pouvoir d'achat collectif est, aujourd'hui, très soutenu par la force de la monnaie unique contre le dollar. Expliquant l'étonnant silence des industriels français qui, d'ordinaire, à ces niveaux de parité, donnent de la voix pour réclamer une politique de change de la part de la Banque centrale européenne. Bref, on est pour l'instant plus dans le mou que dans les brutales forces de rappel qui avaient marqué 2008. Mais il faut se souvenir que les destructions de richesses résultant des crises bancaires sont rarement récupérées, comme l'a montré récemment l'Insee. Et serrer les dents pour que cet équilibre fragile ne bascule dans une nouvelle récession.

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