Une tarification écologique et solidaire de l'énergie ? C'est possible !

Par Matthieu Orphelin, vice-président de la région Pays de Loire (groupe Europe Ecologie les Verts).
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La catastrophe nipponne en cours nous rappelle que le coût écologique, économique et humain de l'électricité nucléaire est tout simplement inacceptable. Quant au mythe des énergies fossiles abondantes et peu chères, il est définitivement tombé avec un baril de pétrole qui s'installe autour des 100 dollars. Les conséquences pour les consommateurs seront durables et lourdes de conséquences : EDF demande une augmentation de plus de 30% du prix de l'électricité dans les cinq années à venir (il faudra bien, entre autres, payer le démantèlement des réacteurs et le traitement des déchets) ; Gaz de France, malgré 4,6 milliards de bénéfices en 2010, annonce une nouvelle hausse de 5% de ses prix au 1er avril. Pour résoudre la crise écologique sans augmenter les inégalités sociales, il faudra répondre à un double défi : inciter chacun à consommer moins d'énergie - et donc utiliser le signal prix - et protéger ceux qui ont le moins de ressources d'augmentations trop élevées du prix de l'énergie. En effet, en France, 3,5 millions de foyers sont en situation de précarité énergétique et ne peuvent déjà plus se chauffer correctement. Chaque nouvelle hausse du coût de l'énergie propulse des dizaines de milliers de foyers supplémentaires dans cette situation.

Répondre à ce double défi n'est pas chose aisée. Les politiques de lutte contre le changement climatique et la sobriété énergétique s'y cassent régulièrement les dents. Deux exemples récents ? La taxe carbone envisagée l'an dernier a été sacrifiée sur l'autel du pouvoir d'achat, car le système de redistribution proposé ne protégeait pas les moins aisés. Le gouvernement vient de porter un coup d'arrêt au développement du photovoltaïque au prétexte que les coûts répercutés sur les factures d'électricité devenaient trop importants. Il existe pourtant une solution simple : réformer les tarifs de l'énergie domestique et mettre en place, enfin, une tarification écologique et solidaire. La tarification actuelle, avec des prix fixes du kilowatt-heure quelle que soit la quantité consommée, est dépassée et peu équitable. Le kilowattheure a le même prix, qu'il serve à alimenter les ampoules du salon d'un foyer modeste ou le home cinéma d'un trader en mal de loisirs. Le kilowattheure gaz a le même prix, qu'il soit utilisé pour chauffer un petit deux-pièces ou l'eau de la piscine d'un cadre sup bon vivant. Il faut la remplacer par des tarifs progressifs de l'énergie. Le principe est simple : les premières dizaines de kilowattheures consommés, qu'ils soient électriques ou fossiles, doivent être proposées à des tarifs très peu élevés. Il s'agit en effet de répondre aux besoins vitaux : avoir un minimum d'eau chaude sanitaire, s'éclairer, alimenter le réfrigérateur... Ensuite, les prix augmentent par tranches : les consommations intermédiaires sont fixées à des coûts proches des coûts actuels ; enfin, plus on consomme, plus le prix unitaire est élevé.

Un tel tarif serait par nature redistributif et solidaire : les études de l'Insee confirment que les consommations d'énergie augmentent avec le niveau de vie. Il est équitable que ceux qui consomment beaucoup, et en ont les moyens, payent beaucoup plus cher leurs kilowattheures supplémentaires et, par exemple, contribuent ainsi plus que les autres à financer le développement des énergies renouvelables. Il est juste qu'un signal prix plus fort les incite à investir dans l'efficacité énergétique, d'autant qu'ils en ont les moyens et que leurs factures énergétiques ne représentent que 5% de leur revenu, contre près de 15% pour les moins aisés.

Le seul effet pervers concernerait les familles qui ont des faibles revenus mais consomment beaucoup, par exemple parce qu'elles habitent dans des passoires énergétiques. Pour celles-là, quelle que soit la structure tarifaire, il faut leur proposer sans attendre les moyens de réaliser des travaux d'efficacité énergétique. J'entends déjà les partisans de l'immobilisme nous expliquer que tout cela n'est pas possible. Certains pays ou Etats (Japon, Chine, Californie) ont pourtant déjà expérimenté ou mis en place avec succès ce type de tarification. Une initiative commune de l'ensemble des pays européens permettrait d'imposer aux distributeurs d'énergie la forme de ces structures tarifaires. Et même seule, la France pourrait mettre en oeuvre un tel dispositif si la commission de régulation de l'énergie adoptait une position en ce sens. Il ne manque que la volonté politique et j'espère que nous, écologistes, arriverons à imposer de tels changements en 2012.

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