2011-2012, années de tous les dangers

Alors que le monde s'achemine vers une pénurie de pétrole, les autres matières premières voient leurs prix s'envoler, sous l'effet, notamment, de la spéculation. Dans ce contexte, nombre de grandes entreprises, assises sur un matelas de liquidités, refusent d'investir, tandis que les banques spéculent à tout-va.
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Au rythme actuel de croissance de la demande mondiale en pétrole et de celle des capacités de production, les professionnels du secteur considèrent que nous atteindrons une rupture d'approvisionnement à l'horizon 2020. Bien entendu des solutions techniques existent pour répondre au besoin. Mais le prix du pétrole va très fortement augmenter. Selon des spécialistes de la prospective économique, un doublement de sa valeur actuelle à l'horizon 2020 est tout à fait envisageable.

Outre cette augmentation des cours pétroliers, le prix des matières premières a repris sa course à la hausse. Dès lors, avec une inflation importée et un PIB en quasi-stagnation l'Europe est en situation de stagflation. Si rien n'est fait, l'inflation qui avoisine d'ores et déjà 1,8 % pourrait bien atteindre 2,5 à 3 % à fin 2011, alors que la croissance économique sera sans doute en fin d'année bien en deçà de 2 %.

Pour lutter contre cette évolution, la BCE a commencé à relever ses taux d'intérêt et, par conséquent, la valeur de l'euro. Cela a pour effet d'absorber en partie l'augmentation du prix des matières premières. Il en résulte aujourd'hui une baisse des cours du baril et d'autres matières premières. Mais cette situation n'est qu'apparente et de courte durée. La croissance soutenue de la demande intérieure des grands pays en développement et la pression spéculative poussent inévitablement le prix des matières premières à la hausse. L'élévation du cours des monnaies ne fait que masquer ce mouvement de fond. L'augmentation des prix devrait être à nouveau très marquée d'ici à la fin 2011 ou au début 2012.

Pour le consommateur des pays de l'OCDE dont le pouvoir d'achat est grevé par un taux moyen d'endettement particulièrement élevé, la situation va devenir encore plus difficile.

Ainsi, fin 2011 et durant l'année 2012, devrait-on voir monter et s'accumuler le mécontentement politique et la pression sociale en faveur d'une hausse des salaires. Nombre de PME qui, en France, se remettent à peine des conséquences de la crise de 2008 sur leur volume d'activité, vont voir maintenant fondre leur marge unitaire. Il est à craindre que cette situation ne débouche sur un fléchissement significatif de la consommation des ménages, de l'investissement, voire de l'emploi, avec un effet négatif immédiat sur la croissance économique d'un pays comme la France. Ainsi, l'écart entre la hausse des matières premières et croissance du PIB augmenterait et l'économie s'engagerait dans une spirale néfaste.

Les grandes entreprises françaises se sont, elles, reconstitué un matelas important de liquidités. Elles ont aussi tiré les enseignements de la crise en adoptant une gestion surprudentielle de leur trésorerie. Elles conservent sous la main un stock de liquidités qu'elles ne placent qu'avec une grande parcimonie. Elles demeurent cependant sous la pression d'un actionnariat exigeant sur le rendement à court terme des actifs détenus. Ces deux aspects les conduisent à borner leur investissement productif à des opérations d'ampleur limitée et à brève échéance. En d'autres termes, le très confortable matelas de liquidités que se sont prudemment constitué ces entreprises est en grande partie le fruit des investissements qui n'ont pas été engagés.

En ce qui les concerne, les banques ont repris leur course spéculative. Cette activité apparaît, certes, bien plus profitable que leur métier de collecteur-prêteur. Toutefois, la bulle spéculative qui est en train de monter et qui s'appuie cette fois sur les matières premières est une bulle comme les autres, c'est-à-dire avec une chute finale à court ou moyen terme. Cette fois il n'y aura sans doute pas les États pour sauver les banques en difficulté : il leur faudra peut-être choisir entre la Banque de Chine ou la faillite !

Un autre volet de la spéculation concerne les matières premières agricoles. Une rupture d'approvisionnement signifierait un risque élevé de famine dans les pays pauvres ou en développement. Or, il y a deux sujets essentiels sur lesquels la tolérance des consommateurs est très réduite et débouche vite sur des réactions violentes : la nourriture et l'énergie. Les conséquences d'une crise des matières premières agricoles à l'échelle mondiale sont difficiles à apprécier, mais il est clair que nous jouons ici avec le feu.

 

(*) Auteur de « Croissance, crises & mutations économiques », éditions l'Harmattan, mars 2011.

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