La fonction publique lorgne la génération des "Y"

Par Philippe Mazuel, directeur de recherche à l'IGPDE (Institut de la gestion publique et du développement économique).
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Individualistes, pressés d'occuper un emploi intéressant, affectivement détachés de l'organisation dans laquelle ils travaillent, privilégiant l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée, et surtout "connectés" en permanence sur les réseaux sociaux... Voilà la "génération Y" (1980-1995), ainsi nommée à la fois parce qu'elle succède à la "génération X" (1960-1980) - laquelle avait elle-même suivi les "baby-boomers" (1945-1960) - et parce que "Y", prononcé à l'anglaise, permet un jeu de mots avec "WHY" : ce serait une génération "pourquoi", qui attend de la part de sa hiérarchie des réponses claires et n'hésite pas à les solliciter.

Si les experts dissertent sur la notion de "génération", tous s'accordent à constater que, quel que soit l'âge, les arrivants sur le marché du travail, ayant baigné très jeunes dans Internet et les réseaux sociaux, ne réagissent pas de la même manière, n'ont pas les mêmes attentes, et ne peuvent être gérés tout à fait de la même façon que leurs prédécesseurs. Comme le souligne Benjamin Chaminade, consultant en innovation sociale, la génération Y  "réunit les personnes qui partagent une culture fondée sur quatre tendances de comportement : l'individualisme, avec une nouvelle définition du soi et des autres ("je suis unique mais j'appartiens à une communauté"), l'interconnexion dont Internet est le symbole mais qui se caractérise d'abord par un partage plus facile de l'émotion et un rétrécissement des barrières entre vie professionnelle et privée, l'impatience, marquée par la volonté d'être écouté et pris au sérieux... et l'inventivité (nul besoin de sortir d'une école de journalisme pour avoir son blog)".

Les témoignages émergent dans les entreprises, les administrations, les universités. "Depuis cinq ans, je vois un changement radical de comportement de mes étudiants", raconte Jean-François Fiorina, directeur de l'ESC de Grenoble : "La fracture numérique qui les sépare des plus anciens est réelle et en fait de futurs cadres d'un nouveau genre." Aux États-Unis, la chercheuse Alexandra Levit, spécialiste des ressources humaines, raconte comment, après être entrée dans l'entreprise en 1998 "avec les mêmes valeurs que mes collègues - éthique, respect de la hiérarchie... - ", elle a commencé à « se sentir vieille » en voyant arriver de plus jeunes "iPod sur les oreilles, débordant d'assurance" et exigeant "de diriger la compagnie après quelques mois dans leur poste". "J'ai reçu des e-mails désespérés de managers me demandant comment les gérer."

Deux facteurs, cependant, sont venus tempérer ces premières difficultés de management et de "choc des valeurs". Le premier a été le début de la crise économique, en 2008, puis son aggravation. "Dire le choc que cela leur a causé serait au-dessous de la vérité", raconte Alexandra Levit. "Les moins de 30 ans se sont retrouvés dans les rangs des licenciés et dans les queues des demandeurs d'emploi. Ils ont commencé à se dire qu'avoir un bon travail n'était peut-être pas un dû mais un privilège."

Le second facteur a été l'émergence du besoin, en particulier au sein des administrations, de recruter des agents plus jeunes, du fait du départ en retraite des baby-boomers, et surtout plus à l'aise avec les nouvelles technologies. L'intégration des "Y" devient un enjeu crucial. Elle suppose, de la part de ces organisations souvent fortement hiérarchisées et porteuses de valeurs bien ancrées, de réels efforts pour comprendre les valeurs des jeunes et leurs aspirations afin de les attirer, de les motiver dans la durée, de fidéliser ceux qui vont constituer la colonne vertébrale de la fonction publique de demain.

C'est dans cette perspective que se tiendront les 27 et 28 juin, à Paris, à l'initiative de l'IGPDE (*), les 10es Rencontres internationales de la gestion publique. En présence de François Baroin, ministre de la Fonction publique, elles réuniront chercheurs, responsables d'entreprises et managers publics d'une dizaine de pays, de l'Unesco et de la Commission européenne pour débattre et tenter d'inventer une fonction publique plus flexible, plus en réseau, apte à relever les défis sans cesse renouvelés du service public.

 

Pour s'inscrire : www.igpde.fr (rubrique Séminaires et colloques-Rencontres internationales de la gestion publique).

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