George Soros : son plan d'urgence pour sauver l'Ukraine

Le 23 octobre, la Tribune publiait un entretien avec George Soros suite à la publication de son essai « Wake Up Europe ». Deux mois et demi plus tard, le philanthrope et financier revient à la charge. Dans un nouveau texte publié ce jeudi par la New York Review of Books et en exclusivité en français sur le site de La Tribune, il demande aux dirigeants européens de changer radicalement le cours de leur politique...

Les sanctions imposées à la Russie par les États-Unis et par l'Europe, qui visaient à interdire aux banques et aux entreprises russes tout accès aux marchés financiers internationaux, ont eu des effets bien plus rapides et bien plus préjudiciables à l'économie du pays que quiconque aurait pu le deviner. Les dégâts se sont trouvés encore accentués par la chute spectaculaire des prix du pétrole, sans laquelle les sanctions se seraient révélées bien moins efficaces - le cours du baril doit en effet se situer aux alentours de 100 dollars (contre 55 dollars environ ces derniers temps) pour que la Russie puisse équilibrer son budget. La conjugaison de la baisse des cours du pétrole et des sanctions occidentales a précipité le pays dans une crise financière d'ores et déjà comparable, à certains égards, à celle de 1998.

En 1998, la Russie a fini par arriver à court de réserves de devises fortes et a cessé d'assurer le service de sa dette, ce qui a perturbé l'ensemble du système financier mondial. Cette fois-ci, le rouble a fondu de moitié, l'inflation s'accélère et les taux d'intérêt sont montés à des niveaux de nature à faire basculer l'économie nationale dans la récession. Le gros avantage de la Russie d'aujourd'hui, par rapport à 1998, réside dans le fait qu'elle possède encore de substantielles réserves de change, ce qui a permis à la banque centrale de faire remonter le rouble de 30 % par rapport à son point bas en y consacrant une centaine de milliards de dollars et en mettant en place un contrat d'échange de devises de 24 milliards de dollars avec son homologue chinoise. Mais, sur l'ensemble des réserves encore existantes, seulement 200 milliards de dollars environ affichent une liquidité suffisante, et la crise n'en est qu'à ses débuts.

Sanctionner la Russie, aider l'Ukraine

Outre la fuite continue des capitaux, le pays doit rembourser plus de 120 milliards de dette extérieure en 2015. Bien que, contrairement à 1998, l'essentiel de la dette russe soit le fait du secteur privé, il ne serait pas surprenant qu'avant son terme cette crise aboutisse à un défaut de paiement de la Russie, soit une issue bien plus grave que celle projetée par les gouvernements de l'Europe et des États-Unis. Venant couronner des pressions déflationnistes sensibles partout dans le monde, mais particulièrement dans la zone euro, ainsi que la montée des tensions militaires telles que le conflit avec l'ISIS, une défaillance russe pourrait perturber considérablement le système financier mondial, et surtout la zone euro, particulièrement vulnérable.

Il est donc urgent de revoir les politiques actuelles de l'Union européenne à l'égard de la Russie et de l'Ukraine. Je me suis exprimé en faveur d'une double approche qui contrebalancerait les sanctions à l'encontre de la Russie par une aide à l'Ukraine dans des proportions bien plus importantes. Il est nécessaire qu'un tel rééquilibrage soit mis en place au premier trimestre 2015, pour les raisons que je vais tenter d'expliquer.

Les sanctions sont un mal nécessaire. Elles sont nécessaires parce que ni l'UE, ni les États-Unis ne veulent courir le risque d'une guerre contre la Russie et que les mesures économiques constituent la seule manière de résister à l'agression de cette dernière. Elle sont un mal, parce qu'elles touchent non seulement le pays visé, mais aussi ceux qui imposent ces mesures. Or, le préjudice s'est avéré bien plus étendu que quiconque aurait pu l'anticiper : la Russie se trouve aujourd'hui au cœur d'une crise financière qui a contribué à faire de la menace déflationniste sur la zone euro une réalité.

À l'inverse, une aide à l'Ukraine n'aurait que des conséquences positives. En donnant à ce pays les moyens de se défendre par lui-même, l'Europe se préserverait aussi elle-même indirectement. En outre, l'envoi d'une aide financière à l'Ukraine contribuerait à stabiliser son économie tout en stimulant l'activité en Europe, de manière indirecte, en encourageant les exportations et les investissements à destination de ce pays. On pourrait alors espérer que les problèmes de la Russie et les progrès de l'Ukraine persuaderaient le président Vladimir Poutine d'abandonner comme une cause perdue ses tentatives de déstabilisation de son voisin.

L'inconscience de l'Europe face au danger russe

Malheureusement, ni l'opinion publique ni les dirigeants européens ne semblent ouverts à de telles considérations. L'Europe apparaît dangereusement inconsciente de son exposition indirecte aux attaques militaires de la Russie et continue de faire comme si de rien n'était. Elle traite l'Ukraine comme s'il s'agissait simplement d'un nouveau pays en quête d'aide financière, mais pas même comme une nation importante pour la stabilité de l'euro telles la Grèce ou l'Irlande.

La vision des choses la plus communément répandue veut que l'Ukraine soit touchée par une crise plus ou moins classique de sa balance des paiements, qui se serait mue en crise bancaire et de la dette publique. Il existe des institutions financières internationales dont la mission consiste à régler de telles crises, mais elles ne sont pas équipées pour faire face aux aspects politiques du cas ukrainien. Pour aider l'économie de l'Ukraine, l'Union européenne avait amorcé en 2007 avec ce pays la mise en place d'un accord d'association, complété en 2012, lorsqu'elle a dû traiter avec le gouvernement de Victor Ianoukovitch. L'UE a mis au point une feuille de route détaillée énumérant les mesures à prendre par le gouvernement ukrainien avant qu'elle ne puisse lui apporter une aide plus étendue. Depuis lors, le pays s'est transformé radicalement et cette feuille de route doit être révisée en conséquence, mais une telle adaptation est rendue impossible par la lourdeur bureaucratique des procédures de fonctionnement de la Commission européenne.

C'est pourquoi les maux de l'Ukraine ont été présentés dans des termes tout à fait conventionnels :

- L'Ukraine a besoin d'une aide internationale car le pays a subi des chocs ayant engendré une crise financière. Ces chocs sont transitoires et, une fois que le pays s'en sera remis, il pourra rembourser ses créanciers. C'est pourquoi le FMI a été chargé d'apporter une aide financière à l'Ukraine.

- Étant donné que l'Ukraine ne fait pas encore partie de l'UE, les institutions communautaires (telles que la Commission ou la Banque centrale européenne) n'ont joué qu'un rôle secondaire dans le dispositif d'assistance. Le FMI a apprécié de pouvoir se passer des complications associées à la surveillance d'une troïka dans laquelle il aurait été associé à l'UE et à la BCE, comme tel avait le cas au moment de statuer sur la Grèce et sur d'autres. Cette nouvelle configuration explique également pourquoi l'aide apportée par le FMI a été calculée sur la base de prévisions excessivement optimistes et pourquoi les quelque 17 milliards de dollars en numéraire apportés par le Fonds à l'Ukraine dépassent tellement la dizaine de milliards de dollars des différentes interventions associées à l'UE, sans parler des montants encore inférieurs consentis par les États-Unis.

- Sachant que les programmes d'aide dont l'Ukraine a déjà bénéficié de la part du FMI n'ont pas exactement connu la réussite escomptée, les créanciers officiels ont insisté pour que le pays ne perçoive une aide qu'en échange de réformes structurelles sérieuses avérées, et non comme une incitation à prendre de telles mesures.

- De ce point de vue conventionnel, la résistance couronnée de succès du gouvernement Ianoukovitch sur le Maïdan puis, plus tard, l'annexion de la Crimée par la Russie et la formation d'enclaves séparatistes dans l'est de l'Ukraine sont accessoires et considérées comme de simples chocs externes temporaires.

Poutine, tsar de la Sainte Russie

Or, c'est un point de vue qu'il faut revoir. La naissance d'une nouvelle Ukraine et l'agression russe ne sont pas de simples chocs temporaires, mais bien des événements historiques. Au lieu de faire face aux vestiges d'une Union soviétique moribonde, l'Union européenne est confrontée à une Russie renaissante qui, de partenaire stratégique, s'est mue en opposant stratégique. À la place du communisme, le président Poutine a fait se développer une idéologie nationaliste reposant sur des bases ethniques, sur le conservatisme social et sur la foi religieuse - fraternité des peuples slaves, homophobie et Sainte Russie. Il a désigné ce qu'il appelle la domination anglo-saxonne du monde comme l'ennemi de la Russie... et du reste de la planète. Vladimir Poutine a tiré de nombreuses leçons de la guerre menée contre la Géorgie du président Mikheil Saakachvili en 2008, remportée par la Russie sur le plan militaire mais moins efficace sur le terrain de la propagande. Vladimir Poutine a mis au point une stratégie entièrement nouvelle qui s'appuie dans une très large mesure sur le recours à la fois aux forces spéciales et à la propagande.

L'ambition de Vladimir Poutine de ressusciter l'empire russe a contribué involontairement à la création d'une nouvelle Ukraine, opposée à la Russie et qui vise à prendre le contre-pied de l'ancienne Ukraine, avec sa corruption endémique et son gouvernement inefficace. La nouvelle Ukraine est dirigée par la crème de la société civile : des gens jeunes, dont beaucoup ont étudié à l'étranger et qui ont refusé de rejoindre le gouvernement comme le monde des affaires à leur retour, les jugeant aussi répugnants l'un que l'autre. Nombre de ces personnes ont trouvé leur place au sein de l'université, de groupes de réflexion ou d'organisations non gouvernementales. Un mouvement de volontaires à l'écho très large, d'une portée et d'une puissance sans précédents dans les autres pays, a aidé l'Ukraine à résister à l'agression russe. Les membres de ce mouvement étaient prêts à risquer leurs vies sur le Maïdan au nom d'un avenir plus radieux et ils sont déterminés à ne pas répéter les erreurs du passé, notamment les luttes intestines de la classe politique qui ont miné la Révolution orange. Une société civile engagée politiquement constitue la meilleure assurance contre un retour de l'ancienne Ukraine : les activistes reviendraient manifester sur le Maïdan si les politiques s'engageaient dans le genre de querelles mesquines et d'actes de corruption qui ont ruiné leur nation.

Que veulent les réformistes ukrainiens ?

Les réformistes de la nouvelle Ukraine défendent un programme de réformes radicales extrêmement spectaculaire censé avoir un effet formidable sur l'opinion publique. Ce programme vise à faire sauter le joug de la corruption en réduisant la bureaucratie, tout en augmentant le traitement des fonctionnaires restants et en démantelant Naftogaz, le monopole gazier qui constitue la principale source de la corruption et des déficits budgétaires de l'Ukraine.

Cependant, l'ancienne Ukraine est loin d'être morte. C'est elle domine l'administration et la magistrature, et qui reste très présente dans les secteurs privés (oligarchiques et kleptocratiques) de l'économie. Pourquoi les fonctionnaires travailleraient-ils pour des rémunérations quasiment nulles s'ils ne peuvent utiliser leur position pour obtenir des pots-de-vin ? Et comment un secteur privé biberonné à la corruption et aux commissions illicites pourrait-il fonctionner sans ses avantages ? Ces éléments rétrogrades sont dans le viseur de la bataille menée par les réformistes.

Le nouveau gouvernement a la lourde tâche de réduire drastiquement le nombre de fonctionnaires tout en augmentant leur traitement. Les défenseurs d'une réforme radicale font valoir qu'il serait à la fois possible et désirable de réduire la taille des ministères à une petite partie de ce qu'elle est actuellement, à condition que la population n'en souffre pas à travers une amputation de son niveau de vie. Cette option permettrait aux ex-fonctionnaires de trouver des emplois dans le secteur privé, tandis que ceux restant en poste toucheraient des salaires plus élevés. Nombre d'obstacles à l'activité économique seraient supprimés, mais cela ne pourrait se faire sans une aide financière et technique substantielle de la part de l'UE. Sans ce concours, les réformes radicales et fondamentales requises en Ukraine ne pourront aboutir. De fait, la simple perspective d'un échec pourrait même décourager le gouvernement de proposer de telles réformes.

L'ampleur de l'aide européenne et le zèle réformiste de la nouvelle Ukraine se stimulent mutuellement. Jusqu'ici, les Européens avaient gardé le pays sous étroite surveillance et le gouvernement d'Arseni Iatseniouk n'a pas osé se lancer dans des réformes structurelles radicales. L'ancien ministre de l'Économie Pavlo Cheremeta, qui fait partie des réformistes radicaux, avait proposé de réduire l'effectif de son ministère de 1 200 à 300 personnes, mais il s'est heurté à une telle levée de boucliers de l'appareil bureaucratique qu'il a dû démissionner. Aucune autre tentative de réforme de l'administration n'a vu le jour depuis, alors que la population la réclame à cor et à cri.

Comment financer le redressement de l'Ukraine ?

C'est ici que les autorités européennes pourraient jouer un rôle décisif. En offrant une aide financière et technique proportionnelle à l'ampleur des réformes, elles pourraient inciter le gouvernement ukrainien à prendre des mesures radicales et lui donner une chance de réussir. Malheureusement, une telle initiative est entravée par les règles budgétaires qui lient l'UE et ses États membres. C'est pourquoi l'essentiel des efforts internationaux ont abouti à des sanctions contre la Russie et que l'aide financière à l'Ukraine a été réduite au minimum.

Pour pouvoir mettre l'accent sur l'aide à l'Ukraine, il serait nécessaire de faire passer les négociations du terrain bureaucratique vers la scène politique. Les instances financières européennes ont du mal à rassembler ne serait-ce que les 15 milliards de dollars que le FMI considère comme un minimum absolu. En l'état actuel des choses, l'Union européenne ne pourrait trouver que deux milliards d'euros dans son programme d'aide macro-financière, et ses États membres n'ont aucune envie de contribuer directement au programme. C'est ce qui a incité l'Ukraine à voter le 30 décembre un budget provisoire pour 2015 s'appuyant sur des projections de recettes irréalistes et sur quelques rares et modestes réformes seulement. Ce vote ouvre la voie vers des négociations avec les partenaires internationaux du pays. En fonction de l'aboutissement de ces dernières, la loi autorise à modifier encore le budget jusqu'au 15 février. Les décideurs politiques européens doivent faire appel à l'importante capacité d'emprunt de l'Union elle-même, largement sous-utilisée, et trouver d'autres sources de financement non conventionnelles pour pouvoir offrir à l'Ukraine une aide plus substantielle que celle actuellement envisagée, lui permettant ainsi de lancer des réformes radicales.

J'ai identifié plusieurs sources potentielles de ce type, parmi lesquelles :

1. Le dispositif d'aide à la balance des paiements (qui a déjà servi pour la Hongrie et pour la Roumanie) et le mécanisme européen de stabilité financière (déjà mobilisé pour le Portugal et pour l'Irlande) comptent respectivement 47,5 et environ 15,8 milliards de dollars de fonds inutilisés. Ces deux mécanismes sont actuellement réservés aux États membres de l'UE, mais ils pourraient servir à aider l'Ukraine si une modification de leurs règlements respectifs dans ce sens était votée à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission européenne. Cette dernière pourrait toutefois préférer utiliser et accroître son programme d'aide macro-financière, qui a déjà servi pour l'Ukraine. Les outils techniques à disposition ne manquent pas et le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, devrait suggérer des moyens de faire avancer la question dès que le gouvernement ukrainien aura présenté ses priorités dans le cadre d'un programme convaincant.

2. Une augmentation des financements correspondants apportés par l'Union européenne permettrait au FMI d'accroître de 13 milliards de dollars son prêt à l'Ukraine et de transformer l'accord de confirmation actuellement en vigueur en mécanisme élargi de crédit à plus long terme. e. En conséquence, le programme d'aide du FMI atteindrait en tout 15 fois la quote-part actuelle de l'Ukraine, un multiple exceptionnellement élevé, mais qui n'est pas sans précédent - voir le cas de l'Irlande, par exemple.

3. L'émission d'obligations à projet par la Banque européenne d'investissement pourrait rapporter au moins dix milliards d'euros. Ces fonds serviraient à relier l'Ukraine à un marché européen unifié du gaz et à démanteler son monopole gazier Naftogaz. De tels changements amélioreraient considérablement l'efficacité énergétique de l'Ukraine et produiraient de très importants retours sur investissement. Ils contribueraient à la création d'un marché européen unifié du gaz, tout en réduisant la dépendance de l'Ukraine, certes, mais aussi de l'Europe, envers le gaz russe. L'abolition de Naftogaz constitue la pièce maîtresse des projets de réformes de l'Ukraine.

4. Un financement à long terme de la part de la Banque mondiale et de la Banque européenne de reconstruction et de développement, destiné à restructurer le secteur bancaire, pourrait rapporter environ cinq milliards de dollars. L'Initiative de Vienne pour l'Europe de l'Est, créée en 2009 et qui s'est avérée extrêmement performante pour limiter la fuite des capitaux et stabiliser le système bancaire, devrait être étendue à l'Ukraine. Les bases d'une telle extension ont déjà été jetées lors de la première réunion du Forum financier ukrainien, en juin 2014.

5. La restructuration de la dette souveraine de l'Ukraine devrait permettre de libérer plus de quatre milliards de dollars de réserves de change, dont le pays a cruellement besoin. L'Ukraine va devoir rembourser presque huit milliards de dollars de titres de dette souveraine sur les marchés obligataires privés au cours des trois années à venir. Au lieu de se trouver en situation de défaut, ce qui aurait des conséquences catastrophiques, l'Ukraine devrait négocier avec les détenteurs de ses titres (qui se révèlent assez peu nombreux) un arrangement d'échange volontaire contre de nouveaux titres de dette à long terme aux conditions du marché. Pour que l'échange réussisse, il serait indiqué de consacrer une partie de l'aide financière à la mise en place de systèmes de rehaussement de crédit. Le concours étranger requis pour une telle opération dépendrait des conditions fixées par les détenteurs d'obligations ukrainiennes pour leur participation à l'échange, mais nous estimons que cette option pourrait dégager au moins deux fois plus de réserves de devises au cours des trois prochaines années.

6. L'Ukraine doit également faire face à la question des trois milliards de dollars d'obligations rachetées par la Russie qui arriveront à échéance en 2015. La Russie pourrait accepter de renégocier volontairement le calendrier des remboursements par l'Ukraine afin de s'arroger des bons points pour aboutir au final à une levée des sanctions à son encontre. À l'inverse, les titres concernés pourraient être qualifiés de dette d'État à État et restructurés par le groupe de pays officiellement appelé « Club de Paris » en vue d'isoler le reste des obligations ukrainiennes de leurs clauses de défaut croisé (selon lesquelles l'emprunteur se trouve en situation de défaut s'il est dans l'incapacité d'honorer une autre de ses obligations). Les détails juridiques et techniques d'un tel processus restent à élaborer.

Une question de volonté politique

Il ne sera peut-être pas possible de mobiliser intégralement toutes ces sources de financement mais, là où il existe une volonté politique, une solution est envisageable. C'est la chancelière allemande Angela Merkel, qui a prouvé qu'elle était un véritable chef politique européen dans l'affaire avec la Russie et l'Ukraine, qui a les cartes en main. Les sources de financement supplémentaires que j'ai citées devraient suffire à réunir une nouvelle aide d'au moins 50 milliards de dollars. Naturellement, le FMI resterait le seul à tenir les cordons de la bourse, ce qui signifie qu'il n'y aurait aucune perte de contrôle. Cependant, au lieu de réunir péniblement le minimum à eux tous, les créanciers officiels ambitionneraient de promettre le maximum, ce qui changerait la donne. L'Ukraine pourrait ainsi se lancer dans des réformes radicales et, au lieu de vaciller au bord de la faillite, elle deviendrait un pays riche de nouvelles perspectives, qui attirerait les investissements privés.

L'Europe doit se réveiller et prendre conscience qu'elle est actuellement attaquée par la Russie. Aider l'Ukraine devrait donc être considéré comme un investissement de défense par les pays de l'UE. Vus sous cet angle, les montants actuellement envisagés deviennent insignifiants. Si les autorités internationales omettent de présenter un programme d'aide de très grande ampleur en réaction à des projets de réforme ambitieux de la part de l'Ukraine, alors la nouvelle Ukraine a toutes les chances d'échouer. L'Europe ne pourra plus compter que sur elle-même pour se défendre face à l'agression russe, et elle aura abandonné les valeurs et les principes qui avaient présidé à la fondation de l'Union européenne, ce qui constituerait une perte irrémédiable.

Les sanctions envers la Russie devraient être maintenues après leur arrivée à expiration à partir d'avril 2015, tant que le président Poutine n'aura pas cessé ses opérations de déstabilisation de l'Ukraine ni apporté des preuves convaincantes de sa volonté de se conformer aux règles de conduite généralement acceptables. La crise financière russe et les housses mortuaires en provenance d'Ukraine ont affaibli Vladimir Poutine sur le terrain politique. Le gouvernement ukrainien a d'ailleurs récemment remis l'autorité russe en question en renonçant à ses propres obligations convenues dans le cadre de l'accord de cessez-le-feu de Minsk envers les enclaves séparatistes de l'est du pays, arguant que la Russie n'avait jamais respecté les dispositions de cet accord depuis son entrée en vigueur. Vladimir Poutine a immédiatement cédé et imposé l'interruption des combats aux troupes placées sous son commandement direct, dont on peut s'attendre à ce qu'elles quittent le territoire ukrainien, le cessez-le-feu pouvant ainsi être totalement respecté dans un avenir proche. Ce serait dommage de laisser les sanctions expirer prématurément si leurs effets sont si près de se faire sentir.

Il faut absolument toutefois que l'Ukraine ait lancé d'ici à avril 2015 un programme de réformes radical doté de véritables chances de réussite. Dans le cas contraire, le président Poutine pourra valablement argumenter que les problèmes de la Russie sont imputables à l'hostilité des puissances occidentales. Et même si lui-même perdait le pouvoir, il serait remplacé par un dirigeant encore plus intransigeant, comme Igor Setchine ou quelque démagogue nationaliste.

En revanche, si l'Europe relevait le défi et aidait l'Ukraine non seulement à se défendre, mais à devenir une nation riche de nouvelles perspectives, alors il serait impossible à Vladimir Poutine d'accuser l'Occident des maux de la Russie. C'est lui-même qui en porterait la responsabilité, dans lequel cas il serait contraint soit de changer de cap, soit de rester au pouvoir en menant une répression brutale contraignant la population à la soumission. Quoi qu'il arrive, la Russie de Poutine ne serait plus une menace sérieuse pour l'Europe. La voie effectivement choisie fera toute la différence non seulement pour l'avenir de la Russie et de ses relations avec l'Union européenne, mais également pour l'avenir de l'UE elle-même. En apportant son aide à l'Ukraine, l'Europe pourrait renouer avec les valeurs et principes fondateurs de l'Union européenne, et c'est pour cela que je consacre une telle énergie à faire valoir qu'elle doit absolument revoir sa position. C'est maintenant qu'il faut le faire, car le Conseil du FMI prendra le 18 janvier la résolution qui décidera du sort de l'Ukraine.

George Soros est un financier et philanthrope. Une version complète de cet article est publiée dans le New York Review of Books. (www.nybooks.com)

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Commentaires 40
à écrit le 10/01/2015 à 12:55
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C'est aussi une façon de voir mais la 3ème guerre mondiale est à la porte. Washington est prêt et Moscou ne dort pas.

à écrit le 09/01/2015 à 22:36
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Le programme de M.Soros est très détaillé, cela ne veux pas dire plus réaliste. Il est évident pour tous et bien sur pour M.Soros en premier que l'Europe n'a pas les moyens n'y la volonté d'investir 50 Md d'euros dans le soutien à l'economie Ukrainie...

à écrit le 09/01/2015 à 17:07
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George soros, l'homme qui a fait en sorte que la livre sterling ne se fonde pas dans l'euro. L'homme qui à provoqué la crise asiatique de 1997. Enfin entre autres choses.... Bien entendu, à chaque fois il s'en est mis pleins les poches au passage....

à écrit le 09/01/2015 à 15:10
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Philanthrope et financier, ça ne va pas très bien ensemble. Ou alors il faut préciser : philanthrope avec l'argent des autres, l'UE en l'occurrence. Il nous prend pour qui, ce donneur de leçons, spécialiste des "révolutions de couleur" ?

à écrit le 09/01/2015 à 14:21
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Beurk !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

à écrit le 09/01/2015 à 9:23
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Vivement qu'il claque ce roi de l'ingérence et du profit égoiste

à écrit le 09/01/2015 à 8:21
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Et lui empoche la mise.... Un vieux marié par amour à une jeune qui veut tjrs plus de pognon et de pouvoir pour exister....un politico financier en somme...

à écrit le 08/01/2015 à 23:55
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Je vois que le parti bleu Marine a délégué tous ses membres pour promouvoir sa politique pro-poutine... ou bien un même troll utilise 25 pseudos !!??!

le 09/01/2015 à 11:33
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Merci. Je me sens moins seul.

le 09/01/2015 à 14:54
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Et oui, sur les forums de la Tribune, les articles qui ont le plus de commentaires sont ceux qui parlent de l'ukraine, de la russie, du dernier prout de Poutine... Il y a des pro FN et surement aussi 2 / 3 gars dans l'ambassade ou en Russie. Quand o...

à écrit le 08/01/2015 à 21:44
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Je pense que celui que vous appelez un "financier philantrope" est un vulgaire individu se prenant pour les no-moins vilgaires père pèlerins.Le plus triste, ce n'est pas la cas de l'ukrainen mais la misère de la pensée humaine que vous relayez bon gr...

à écrit le 08/01/2015 à 21:40
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Arrangement iconoclaste de la pire espèce. Il n'y a pas pas de danger russe... Stanile et Lenine ont été fossilisés par Poutine contrairement à ce que l'on nous laisse croisre dans les medias. Il subsiste néanmoins un atlantisme de plus en plus nausé...

à écrit le 08/01/2015 à 21:32
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Il ne manque pas de toupet ce "philanthrope" américain pour venir ainsi demander aux européens de s'endetter (sic) pour aider un pays non membre de l'UE ! Surtout quand l'on sait qu'il a lui-même financé et fomenté les troubles à l'origine d'environ ...

à écrit le 08/01/2015 à 21:16
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ZERO.

à écrit le 08/01/2015 à 20:46
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Comment un financier milliardaire participant au développement des inégalités partout dans le monde peut-il être qualifié de philanthrope ? Il faudrait plutôt le qualifier de misanthrope lui et ses pareils qui rackettent légalement le monde. Ne pas ...

à écrit le 08/01/2015 à 20:19
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Notez, il est logique que Soros soit pro-otan : elle défend les mêmes intérêts...

à écrit le 08/01/2015 à 19:09
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Les Ukrainiens n'ont pas oublié comment l'empire soviétique les a traité, elle les a affamés, alors que ce pays était un grenier à blé

le 08/01/2015 à 23:04
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@Lennart: Si on étudie mieux la question, on verra que l'image créé par la propagande de l'époque de la guerre froide et des nationalistes ukrainiens n'a rien à voir avec la réalité. De plus étrangement les racines du nationalisme ukrainien actuel so...

le 09/01/2015 à 9:48
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Les Ukrainiens se sont alliés avec les Nazi qui ont fait 8 millions de morts en Russie pendant la seconde guerre mondiale. La Russie a-t-elle déjà fait 8 millions de morts quelque part sur terre ? Les craintes de la Russie sur les intentions bellique...

à écrit le 08/01/2015 à 18:21
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J'ai lu jusqu'à "Les sanctions sont un mal nécessaire. Elles sont nécessaires parce que ni l'UE, ni les États-Unis ne veulent courir le risque d'une guerre contre la Russie et que les mesures économiques constituent la seule manière de résister à l'a...

le 09/01/2015 à 11:30
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Ah bon, la Russie n'a pas envahie la Crimée? La Russie n'arme pas et ne soutient pas des troupes sécessionnistes dans l'est de l'Ukraine? M'aurait-on menti?

à écrit le 08/01/2015 à 18:02
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UN IMMITATEUR CERTAINEMENT

à écrit le 08/01/2015 à 17:48
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2 Soros ne vaudront jamais 1 Vladimir Poutine il faut qu'il en prenne conscience ce monsieur Soros... Honte a ces spéculateurs de pacotille qui font tuer des gens, tout cela on nom de l'argent. A mon avis au moment de dégager il le regrettera (so...

à écrit le 08/01/2015 à 17:21
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Monsieur Soros rêve tout haut... Dans quelques trimestres la population ukrainienne consciente d'avoir été dupée par des démagogues intéressés à ce qu'elle soit juste un bélier agressant la Russie, va culbuter ses dirigeants de pacotille. Par aille...

à écrit le 08/01/2015 à 17:16
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Donner plus d argent a l Ukraine et il disparaîtra avec les porteurs de valises l Afrique du Sud attend toujours le paiement de son charbon C est vrai que maintenant le gouvernement ukrainien a des ministres américains ..... Tiens on se demande a la ...

à écrit le 08/01/2015 à 16:56
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Incroyable ! le mensonge américain typique ! quand je vois par l'AFP que Mac Caine puis Kerry vont faire des visites privées en Ukraine bien avant Maidan, puiis la colère de Maidan, et le putch qui enterre Maidan, il faut le dire ! les oligarques ont...

le 08/01/2015 à 20:53
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Il y aussi la venue du directeur de la CIA (confirmée par la presse US) à peine 2-3 semaines après le renversement du gouvernement ukrainien. Il y a aussi la nomination du fils du vice-président des USA Biden comme un des dirigeants d'une firme de né...

à écrit le 08/01/2015 à 16:46
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"le philanthrope et financier revient à la charge" : rien qu'à lire cette introduction, j'ai pouffé de rire. Réussir à associer financier et philanthrope dans la même phrase relève de la haute voltige satirique. Charlie est revenu parmi nous :) Cette...

à écrit le 08/01/2015 à 15:50
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Comment le père de ce monsieur a t'il construit sa fortune ...Mr Soros, en s'appuyant sur les neo-nazis de Svoboda n'a fait que répliquer les leçons de son père...comment peut on donner encore la parole à cet individu ?

à écrit le 08/01/2015 à 15:48
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1 : privatisez tout vos actifs 2 : bradez les à des fonds privés anglo-saxons comme le mien 3 : prenez tous les prêts drastiques du FMI 4 : coupez dans les prestations sociales et les salaires, et les retraites 5 : augmentez le budget défense et ...

le 08/01/2015 à 20:49
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Exact. On pourrait même remplacer le point 1 par : 1- Faites des (contre-) réformes, c-à-d privatiser tout vos actifs et mettez à la poubelle le droit du travail.

à écrit le 08/01/2015 à 14:40
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comme M Soros l ecrit lui meme, l europe c est un machin bureaucratique. donc rien a en esperer, surtout avec des dirgeants aussi visionnaire que Hollande (ou meme Merkel qui est loin d avoir l envergure de Kohl). Dommage pour l Ukraine et pour nous...

le 09/01/2015 à 6:10
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cher monsieur , je ne doute pas de votre grandeur d'ame l mais l'Ukraine est un pays TRES corrompu ou les mafias sont aux affaires > Demandez aux gens qui y ont vécu et vous serez edifie HELAS

à écrit le 08/01/2015 à 13:54
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Monsieur Soros qui est aussi un agent d'influence des intérêts US ferait de s'occuper de ses f.... plutôt que de semer la zizanie en Europe . Chacun dans son champ et les vaches ( meme celles aux hormones ) seront bien gardees .

à écrit le 08/01/2015 à 13:31
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le revoilà ! Un de ces personnages qui ne pense qu'à détruire pour s'enrichir encore plus.Cet homme avec son empire financier est à l'origine de la crise grecque car il a spéculé sur le déclin de l'Europe donc l'Ukraine serait-elle son plan B.

à écrit le 08/01/2015 à 13:27
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Ouii, on crève de l'austérité mais on va mettre 50 milliards pour l'Ukraine, ou plutôt celle qui bombarde sa propre population, juste pour que les USA continuent leur jeu stratégique à leur seul avantage et que Soros, l'auto philanthrope, continue à...

à écrit le 08/01/2015 à 12:24
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Soros, un sioniste qui a mis un gouvernement de Nazis à la tête de l'Ukraine ! Plus c'est gros plus ça passe !

à écrit le 08/01/2015 à 12:06
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impayable le Soros , j'en pleure de rire . il ferait mieux de s'adresser à Obama pour obtenir les 50 milliards de $ à donner gratis aux actuels dirigeants ukrainiens ,qui s'empresseront d'en investir une bonne partie pour leur propre compte .... da...

à écrit le 08/01/2015 à 11:39
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Grèce, printemps arabes, et maintenant l'Ukraine...? Non merci...

le 15/01/2015 à 3:14
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j ai honte pour vous elle et belle la france

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