COP21 Pour un prix de référence du carbone

Tarifer le carbone dans de nombreux pays à la fois n'est pas pas envisageable à court terme. En revanche, il est possible de lui donner un prix de référence. Par Dominique Finon, directeur du Groupement d’intérêt scientifique Laboratoire d’analyse économique des réseaux et des systèmes énergétiques (Larsen).

On est actuellement face à un paradoxe. Les discussions des économistes sur la nécessité d'un prix contraignant du carbone dans l'accord-Climat sont présentes partout comme le montrent les prises de position d'économistes réputés, notre récent prix Nobel d'économie en tête, mais elles sont absentes dans les couloirs de la négociation internationale.

La raison en est l'échec même du protocole de Kyoto basés sur des engagements contraignants. On repart donc sur la base d'engagements volontaires reflétant les choix souverains des États.

Ceci dit, reconnaître dans le futur accord-Climat la nécessité d'un prix de référence du carbone aligné sur la valeur économique et sociale des actions de réduction des émissions ne serait pas vain. Le G77, qui regroupe les pays en développement à l'ONU, vient de prendre position sur l'insertion d'une telle valeur pour faciliter la mobilisation des fonds publics et développer des modes de financements catalysant les financements privés.

L'intérêt d'un prix de référence du carbone

Les agents auraient aussi besoin, pour investir, de se référer à la rentabilité sociale de l'investissement et non pas seulement à sa rentabilité privée. L'existence d'un prix de référence répondrait aussi aux entreprises qui appellent de leurs vœux la mise en place d'un signal-prix du carbone pour orienter leur choix de long terme. Faute de mieux, les plus actives s'autorégulent en se donnant un prix interne du carbone comme incitation dans le choix de leur investissement.

Une telle valeur de référence répondrait aussi aux besoins des administrations pour définir et évaluer des mesures de politiques publiques (normes sur les véhicules, subventions aux renouvelables, etc.) et orienter les investissements publics vers des options bas carbone, comme c'est déjà le cas dans huit pays dont la France. Elle serait utile aussi pour mettre en cohérence les politiques et mesures qui tendent à trop différer en termes de coût marginal des émissions évitées, inciter à adopter ou améliorer les mécanismes de tarification du carbone (taxe, systèmes de permis).

Des mécanismes de financement innovants

Elle permettrait aussi d'asseoir des mécanismes de financement innovants plus efficaces que ceux qui permettraient le partage des risques des investisseurs, seulement proposés par le rapport Canfin-Grandjean de juin parce que ces mécanismes permettraient d'internaliser le supplément de valeur sociale des investissements bas carbone par rapport aux options technologiques habituelles.

L'un d'eux, proposé en particulier par France Stratégie, M. Aglietta du CEPII, et J.C.Hourcade du CIRED, se baserait sur la reconnaissance d'un nouvel actif-carbone par le système financier et bancaire. Il correspondrait aux certificats d'économies de carbone que chaque projet bas carbone recevrait après certification, et dont la valeur serait alignée sur ce prix notionnel du carbone.

L'instauration de ce prix de référence serait complétée par une règle permettant aux emprunteurs de rembourser leurs prêts en partie par ces certificats carbone, par des échanges possibles entre banques et avec les investisseurs institutionnels, et un nouveau mode de refinancement des emprunts accordés auprès des banques centrales en échange de ces certificats carbone. Ce système qui pourrait se mettre en place dans le cadre d'un club de type G20 et après mise en œuvre d'une coordination des banques centrales permettrait d'amplifier les flux financiers privés vers les pays émergents et en développement sans parler des pays développés.

Pourquoi un tel prix de référence du carbone est facilement acceptable

Comme l'usage d'une telle valeur de référence ne pèsera pas sur le capital technique en place et les émissions actuelles, il aura peu d'effets redistributifs et ne heurtera pas de front les intérêts industriels contrairement à la tarification du carbone. Il serait donc facile de s'entendre sur le principe de sa définition dans l'accord. De même, après la COP21, il serait facile de s'entendre sur une valeur qui pourrait être portée bien plus rapidement à un niveau élevé qu'un prix du carbone classique. Étant donné son enjeu pour permettre l'accès des pays en développement à des nouveaux canaux privés de financement, elle est en pleine cohérence avec le jeu coopératif souhaité entre les pays du Nord et du Sud en ce domaine. A ce titre, il faudrait que le principe d'établissement d'un tel prix de référence aligné sur « la valeur économique et sociale des actions d'abattement et de leurs co-bénéfices" soit introduit impérativement dans le futur traité à côté des articles sur le financement.

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