Pire que la bombe atomique

« Vous avez la CNIL, nous avons les GAFA » avait dit le coprésident de Google Europe à Luc Ferry, en octobre 2015. On peut ajouter que le principe de précaution, inscrit dans la Constitution, en février 2005, est une arme de destruction massive qui a instillé cet esprit du frein.

Je suis frappé, lors de réunions de travail en prospective, de constater comment de nombreux champs d'avenir sont refusés par l'esprit injecté par ces deux freins. J'en veux pour preuve trois exemples récents.

Le compteur Linky est une source d'information sur la consommation du foyer en électricité. En conséquence, chacun est libre d'économiser de l'énergie.

Ces derniers jours, la Ligue des droits de l'homme s'insurge contre un compteur recueillant des informations personnelles, confondant le recueil d'informations et la diffusion d'informations. Une crainte non fondée, comme si les millions de Français qui suivent quotidiennement leur compte bancaire sur Internet craignaient que cette information soit diffusée à tous.

Dans la banque, justement, les agrégateurs de compte consolident virtuellement les différents comptes bancaires d'un client, détenus dans un ou plusieurs établissements.

Ils s'orientent naturellement vers de nouvelles offres de services. Vouloir les en empêcher au titre de la connaissance d'informations, c'est manquer une évolution de la banque dans le monde. La directive européenne DSP2 (février 2016) leur ouvre ce marché. Le rapport français à l'argent aurait sans doute freiné les agrégateurs... c'est, en fait, une affaire de génération.

Dernier exemple significatif, la santé

La Cour des comptes demande à la CNIL (avril 2016) d'alléger ses contrôles. En effet, la France possède avec le Sniiram (Système national d'information interrégimes de l'Assurance maladie), le fichier des soins de ville de la CNAM, une richesse unique en Europe. C'est un historique des soins, des traitements, de leur efficacité, donc des maîtrises de dépenses et... de la fraude.

Le Sniiram devrait enrichir le SNDS (Système national des données de santé) voté en décembre dernier. La CNIL craint pour l'identification des personnes. L'ouverture des données est culturellement très difficile : énergie, banque, santé... les possibilités des technologies vont plus vite que les mentalités. Et ces possibilités sont mondiales. Mettre en avant les freins, c'est manquer des étapes et voir des initiatives partir sous d'autres cieux. L'esprit du principe de précaution est une arme de destruction massive d'initiatives, d'entreprises et d'emplois.

Je repars en plongée.

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L'ouvrage le plus récent de Philippe Cahen :
Les Secrets de la prospective par les signaux faibles, Éditions Kawa, 2013

À découvrir aussi sa contribution à l'ouvrage collectif Rupture, vous avez dit disrupture ? Le futur est déjà derrière nous, Éditions Kawa, 2015.

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