BOB = Bored of Brexit

OPINION. L'évolution des termes désignant le Brexit (« soft Brexit », « hard Brexit », no deal Brexit »), ont sensiblement modifié son essence et ses modalités qui, de fait, se sont progressivement éloignées de l'idée que pouvaient s'en faire les britanniques au moment de voter cette décision en juin 2016. Résultat : le Brexit actuellement négocié par Theresa May n'a en réalité aucune légitimité populaire. Par Michel Santi, économiste (*).
Michel Santi, économiste. (Crédits : DR)
Michel Santi, économiste. (Crédits : DR) (Crédits : DR)

Alors que le « Brexit-fatigue » s'empare irrésistiblement de nous, tentons de revenir aux sources de la terminologie qui lui est relative. Tandis que le « soft Brexit » voulait que la Grande Bretagne reste dans le marché unique, selon le « modèle norvégien ». Le « hard Brexit », lui, théorisait la sortie sans aucun accord avec l'Union européenne du pays qui signerait par la suite un traité commercial, généralement appelé « modèle canadien ». Pour autant, ce n'est qu'à la faveur du fameux « Brexit means Brexit » prononcé en juillet 2016 par Theresa May que le pays, ses citoyens, ses politiques et ses analystes commencèrent sérieusement à tenter de cerner ce que le Brexit impliquerait réellement !

Depuis, se mirent à fleurir plusieurs versions dont le « no deal Brexit » devenu très populaire et imaginant une Grande-Bretagne claquant la porte de l'Union pour privilégier une série d'accords commerciaux avec l'OMC (Organisation Mondiale du Commerce). Du coup, le « soft Brexit » perdit rapidement du terrain en faveur du « no deal Brexit ».

En conséquence, le « no deal » devenait l'apanage des « hard Brexiteurs », alors que le « hard Brexit » initial était dès lors considéré comme « soft », et que le « soft Brexit » originel revenait... à pas de Brexit du tout. Bref, c'est la distinction même entre « hard » et « soft », et l'intense tapage politico-médiatique autour de ces deux versions du Brexit, qui conféra progressivement sa légitimité au « no deal Brexit » qui émergea à la faveur de la lassitude généralisée.

De la confusion entre « soft Brexit » et « no deal »

Il serait pourtant intéressant de s'interroger sur les intentions de celles et ceux ayant voté le 23 juin 2016 en faveur d'un Brexit qui était à l'époque tout sauf défini, car il y a fort à parier que l'écrasante majorité d'entre eux avaient imaginé un « soft Brexit », à la norvégienne. Le départ unilatéral, pur et simple, de la Grande Bretagne du marché unique n'était en effet très probablement pas la volonté de la plupart de ces 51.89% ayant fait basculer le pays. Le « no deal » est donc à des années lumière des résultats du référendum de 2016 car même les plus farouches partisans du Brexit d'alors étaient partis du principe que non seulement « deal » il y aurait avec l'Union Européenne, mais que celui-ci serait rapide, simple et favorable à leur pays ! A « piece of cake », en somme.

La cinquième économie au monde, partenaire commercial vital pour l'Allemagne et pour ses constructeurs automobiles, n'aurait qu'à se courber légèrement pour négocier un traité que l'Europe lui servirait sur un plateau d'argent, et en quelques semaines. C'est simple, l'écrasante majorité de ces 51.89% était persuadée qu'un accord serait signé avant même le déclenchement de l'Article 50 ! Comme nul n'avait alors imaginé même dans ses cauchemars les plus débridés une sortie sans aucun accord de la Grande Bretagne de l'Union Européenne, le « no deal Brexit » n'a aucune légitimité populaire. En effet, consciemment ou pas, pour les électeurs du "Yes" en 2016, le Brexit était - par définition - « soft ».

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(*) Michel Santi est macro économiste, spécialiste des marchés financiers et des banques centrales. Il est fondateur et directeur général d'Art Trading & Finance.
Il vient de publier "Fauteuil 37" préfacé par Edgar Morin.
Sa page Facebook et son fil Twitter.

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Commentaires 4
à écrit le 25/01/2019 à 10:08
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S'il y a un exerce autant inutile que maladroit c'est bien celui de se mettre dans la peau d'un peuple, composé de millions de gens totalement différents les uns des autres et en plus d'avoir la prétention de connaitre la pensée commune à tous. ...

à écrit le 24/01/2019 à 20:47
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La propagande européiste fonctionne à plein. Frau Merkel voit 25 % de la production automobile totale allemande concernée par son premier marché, le marché anglais et impactée de fait par le Brexit.. Qui peut encore croire qu' un no deal changer...

à écrit le 24/01/2019 à 19:47
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Le problème du Brexit c'est que le camp du remain, le camp du hard brexit et le camp du soft brexit ne sont pas compatibles et aucun camp n'est majoritaire. Donc quelque soit la direction choisie, elle sera impopulaire. Quant aux pro-brexit ils ont...

à écrit le 24/01/2019 à 19:46
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Historique clair et instructif, merci. Un regret cependant : un paragraphe sur les mensonges populistes qui ont trouvé cette courte majorité de Britanniques, aurait été bienvenu. Car ils ont leur part dans l'évolution de cette histoire de fous qui ri...

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