À l'Elysée, au coin du haut fourneau

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Nicolas Sarkozy a reçu mardi 29 février à l'Elysée le président du groupe ArcelorMittal pour l'entretenir du site de Florange qui agite la classe politique depuis plusieurs jours. Un témoin de cette réunion au sommet a bien voulu nous raconter les moments forts de ce petit exercice de politique industrielle bien de chez nous. Extraits.

- Comment vas-tu Lakshmi ?

- Monsieur le Président...

- Bon, écoute, Lakshmi, je vais être direct. Est-ce que tu crois que je peux laisser cette histoire pourrir la campagne ? Non, bien sûr. Est-ce que Mittal peut abandonner un site aussi symbolique alors que tout le monde s'étripe sur cette histoire de désindustrialisation ? Evidemment hors de question. Et puis tu sais que les milliardaires sont dans le collimateur en ce moment. Tu peux laisser ton image se salir comme ça ? Je pense que ce n'est pas le moment.

- Vous savez, mon image, monsieur le Président, ce n'est pas vraiment...

- Il faut trouver une solution, Lakshmi. C'est quand même un magnifique site industriel. Tu le sais, les ouvriers français sont des gens formidables. Quand la reprise va arriver, tu verras, ça va être bingo. Et je peux t'assurer que nos constructeurs automobiles français prendront des engagements pour se fournir chez toi. J'en fais mon affaire. Après tout ce que j'ai fait pour eux.

- Oui, mais vous savez, monsieur le Président, qu'on ne peut pas non plus artificiellement maintenir des sites qui ne sont plus compétitifs. Mes actionnaires, la concurrence...

- Oui, oui, je sais tout ça Lakshmi. Mais enfin, ArcelorMittal c'est pas encore Creusot- Loire que je sache.

(Nicolas Sarkozy s'est levé, un rien agacé)

- Qu'est-ce qu'en dit Eric ?

(Le directeur du cabinet du ministre de l'Industrie tente d'aller à l'essentiel)

- Et bien, monsieur le Président, on a vu les collaborateurs de monsieur Mittal. La difficulté, c'est le redémarrage. Cela prend du temps. Et cela coûte.

- Combien ?

- A peu près deux millions d'euros.

- Okay, okay.

- Ensuite, il faut au moins 8 millions d'euros pour développer de nouveaux produits et 7 millions pour le gazomètre de...

- Le gazomètre, c'est quoi ce truc ?

- Il faut un gazomètre pour la cokerie qui va permettre de...

- Bon d'accord, va pour le gazomètre. Si je comprends bien ça fait 17 millions. Pour 2600 emplois, c'est rien. Tu l'avais acheté combien ta maison de Kensington à Londres ? C'était au moins 100 millions d'euros, non.

- Monsieur le Président, je ne vois pas.

- Allez, allez ... Je plaisantais, Lakshmi. Non, tu vois, je pense que c'est une très bonne opération. Tu as vu que Bernard (Arnault, le président de LVMH, Ndlr.) m'avait aidé pour Lejaby ; même Shell, et tu sais que c'est pas des faciles les Dutch, a joué le jeu pour Petroplus. Tu es dans la même catégorie. Ce ne serait pas bien que l'on sache que tu t'es défilé.

Le téléphone sonne.

- Excuse-moi, Lakshmi, j'attends un appel important.

(Nicolas Sarkozy décroche)

- Ah ... Non, je croyais que c'était Angela. Bon, d'accord passez-le moi.... Salut Henri [Proglio, le président d'EDF qui a accepté, à la demande du président de la République de secourir Photowatt, le leader français du photovoltaïque installé dans l'Isère, NDLR]. Ca va ?

(Un temps)


- Oui, ... oui je sais Henri. Je sais que c'est un dossier pas facile... Ah, bon ? A ce point-là ? Bon, écoute. Je ne t'en avais pas parlé à la semaine dernière parce que ça n'était pas mûr. Je prépare un plan énergies renouvelables avec les Allemands et l'on va notamment revenir sur ces histoires de prix de rachat par les distributeurs de l'électricité produite par le solaire. Il faut faire vite parce qu'on est en train de foutre en l'air toute la filière européenne...

(Un temps)

- Bien sûr que j'aurais dû t'en parler. Mais les Allemands voulaient le plus grand secret.

(Un temps)

- Ah ben oui, bien sûr, ça aura un coût pour EDF. Mais enfin, EDF c'est pas Creusot- Loire, si ? Bon, Henri, je te laisse, je suis en rendez-vous. Je te rappelle. Faut qu'on reparle de Jean-Louis [Borloo, qui a été un moment en piste pour la présidence de Véolia, l'ancienne maison d'Henri Proglio, NDLR].

(Nicolas Sarkozy se rasseoit et consulte son smartphone. Un sourire)

- Qu'est-ce qu'elle est mignonne ! Bon, okay Lakshmi. On fait comme ça ?

(Le directeur de cabinet d'Eric Besson ose une précision)

- Si je peux me permettre... Il faut quand même vous dire que même si on agit vite, le haut fourneau ne pourra pas redémarrer avant le second semestre.

- Ben oui, et alors ?

(Lakshmi Mittal resserre son n?ud de cravate et s'apprête à se lever, un rien tendu)

- Comment on fait pour l'annonce Lashmik, pardon Lakshmi. Je suis à France Inter demain matin. Je peux en parler et vous complétez après ?

(Nicolas Sarkozy prend le président d'ArcelorMittal par les épaules en le raccompagnant)

- Ca m'a fait plaisir de te voir.... Et puis je compte sur toi pour nos Rafale en Inde. Me dis pas que, toi, tu ne peux rien faire. Allez salut.

(Se tournant vers le directeur de cabinet du ministre de l'Industrie)

- Au fait, vous direz à Eric que ça y est, j'ai réglé avec Varin [le patron de PSA, NDLR] l'histoire de l'usine Citroën d'Aulnay. Il n'annoncera rien avant la fin de l'année. Il a déjà fait assez de conneries dans son deal avec GM. Bon allez, salut.

(Lakshmi Mittal et le directeur de cabinet du ministre descendent l'escalier d'honneur de l'Elysée)

- Vous vous en êtes pas trop mal tiré, non ?

(Lakshmi Mittal esquisse une moue)

- Oui, c'est vrai.

(Un temps)

- Votre président est vraiment très énergique.

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Commentaire 1
à écrit le 01/03/2012 à 19:32
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