Affaire Cahuzac : une opération "mini-pulite"

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François Hollande avait promis de ne pas gouverner sous l'égide de l'émotion et du court terme. Force est de constater que dans la « panic room » qu'est devenu l'Élysée depuis l'aveu de Jérôme Cahuzac, cette promesse n'a pas été tenue. Mais aurait-il pu en être autrement tant le coup porté par le mensonge de l'ancien ministre du Budget en charge de la lutte contre la fraude fiscale est apparu mortel pour la « République irréprochable » vantée par le candidat socialiste de 2012.

Déstabilisé par une impopularité record qui traduit un rejet de sa politique par son propre camp, François Hollande n'a pas le choix. Il doit rétablir d'urgence la confiance entre le peuple et ses représentants pour éviter la paralysie de son action de réforme, sinon pire encore. Au départ un peu dépassé, il a donc fait des annonces fortes sur la transparence du patrimoine du personnel politique au sens très large (ministres, élus, hauts fonctionnaires) et pour mieux prévenir les conflits d'intérêts.

La transparence sur les patrimoine et les déclarations d'intérêt des ministres sont un symbole nécessaire mais très insuffisant. Ce morceau de viande lâché à l'opinion ne révèle pas grand-chose sinon que, dans la plupart des cas, la fonction politique n'enrichit pas vraiment les gens honnêtes. Surtout depuis la suppression par Lionel Jospin en 2002 des fonds secrets qui permettaient à certains ministres de partir avec des enveloppes de liquide... Connaître le détail des plans d'épargne logement, des voitures de plus de dix ans ou des fauteuils design de tel ou tel flatte le voyeurisme de l'opinion, mais ce déballage ne résout rien. Il ne faut pas oublier qu'à la base de l'affaire Cahuzac il y a une fraude fiscale et une dissimulation. La transparence ne protège pas des menteurs...

Pour être convaincant, François Hollande devra mieux articuler le trio prévention, contrôle et sanction. Prévention en réformant ce qui, dans le système français, est propice à mélanger les affaires publiques et privées. Mais où arrêter le bras ?

Faut-il étendre la transparence du patrimoine aux conjoints des ministres? Revoir les règles de pantouflage des hauts fonctionnaires en les obligeant à démissionner de la fonction publique s'ils rejoignent le privé ? Anticiper dès les élections municipales de 2014 l'application de l'interdiction du cumul des mandats, principale source de corruption en France ?

On est dans un clair-obscur qui masque l'essentiel : le contrôle et les sanctions. Là aussi, les mesures prévues ne doivent pas faire illusion : une haute autorité indépendante chargée de contrôler le patrimoine des élus, un renforcement du parquet financier, l'alourdissement des peines en matière de fraude fiscale et des règles d'inéligibilité, c'est très bien. Mais ces instruments existaient avant et n'ont pas empêché Jérôme Cahuzac de passer à travers les mailles du filet.

On le voit, il y a loin de la coupe aux lèvres. Mais d'un mal peut sortir un bien.

D'abord parce que la combinaison des affaires Cahuzac en France et OffshoreLeaks dans le monde est en train de porter un coup très sévère aux paradis fiscaux. L'Europe passe enfin à la vitesse supérieure pour généraliser l'échange automatisé d'informations fiscales. Ce n'est qu'une question de volonté politique. L'Autriche, le Luxembourg, la Suisse, le Liechtenstein comprennent que les temps changent. Parce que le seuil de douleur fiscal est atteint dans tous les pays du fait de la crise, il est inacceptable que l'impôt de tous soit plus élevé parce que des individus ou des entreprises parviennent à y échapper.

L'autre effet positif que l'on peu espérer, c'est que la transparence de la vie politique entraînera celle de la politique tout court. Or celle de François Hollande est encore pleine de non-dits. Celui qui veut réformer dans la justice peut-il encore, après ce qui vient de se passer, réformer les retraites du secteur privé sans faire de même pour le public ? La perspective d'une réforme du maquis invraisemblable de la formation professionnelle rend aussi plus nécessaire que jamais une réforme du financement des syndicats et du patronat. Alors que la justice piétine à propos des bénéficiaires du trésor secret de l'UIMM sur lequel le couvercle est pudiquement refermé, pourquoi la transparence exigée pour la démocratie politique s'arrêterait aux portes de la démocratie sociale.

Il faut être cohérent. Pour nettoyer les couloirs de la corruption ordinaire en France, François Hollande ne peut pas se contenter de publier le lundi les patrimoines des ministres et ensuite ne plus rien faire. Sinon, cela s'appelle une « opération mini-pulite ».

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Commentaires 20
à écrit le 15/04/2013 à 12:00
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Le président Normal 1er est le premier des fraudeurs, puisque, vivant en concubinage notoire avec qui vous savez, il aurait dû faire une déclaration commune à l'ISF avec cette personne qui parait-il est très fortunée. Le fisc ne récompense-t-il pas c...

à écrit le 15/04/2013 à 4:18
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Finalement les députés gagnent plus que ce qu?il n?y parait, une quarantaine auraient un compte chez UBS. Les salaires à 20000 euros, c?est bien plus que la plupart des patrons choquent la population? alors quand on parle de chasse aux riches et qu?o...

à écrit le 14/04/2013 à 19:45
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Oui et l'autre la qui veut s'attaquer au racolage, c'est de la même eau. Quelqu'un veut parier qu'il est impossible de vérifier toutes les déclarations avant et après mandat, et qu'une grande partie vont magouiller leur déclaration. Déjà que nous app...

à écrit le 14/04/2013 à 16:18
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je crois avoir compris la blague de " mini pulite" à la place de "mani pulite" Mais c'est vraiment un trait d'esprit à deux balles....et ,encore...en étant généreux

à écrit le 14/04/2013 à 15:42
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Je ne comprends pas "mini-pulite". N'est-ce pas plutôt "mani pulite" pour "mains propres" (pulite=nettoyer).

à écrit le 14/04/2013 à 12:18
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Vous voulez VRAIMENT redorer l'image (et pas les comptes en banque) des élus ? alors voici 2 suggestions : - Imcompatibilité d'être à la fois candidat à un poste électif (autre que conseiller municipal) et fonctionnaire : le conflit d'intérêt est vr...

à écrit le 14/04/2013 à 11:39
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J'ai bien peur que l'on s?arrête à la publication du patrimoine des ministres, les députés et les sénateurs seront contre la publication de leur patrimoine, le gouvernement ne pourra rien y faire et tentera de noyer le poisson en s'activant sur le fr...

à écrit le 14/04/2013 à 10:25
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apres la prestation de walls hier soir sur onpc, arrogant comme pas deux, il est clair qu'on aplus rien a faire avec ce gouvernement, on va vers une dictature. o va bientot nous demander quelle st la marque de notre petite culotte. L'evasion fiscale,...

à écrit le 14/04/2013 à 9:31
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Les seules victimes c'est nous, qui sommes enfumé par les médias!

à écrit le 13/04/2013 à 14:23
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Il suffit de comparer le patrimoine déclare de François Hollande avec son patrimoine réel pour comprendre que tout ceci n'est que de l'enfumage ...

à écrit le 13/04/2013 à 14:20
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D'autant plus que les déclarations de patrimoines de certains ministres relèvent plutôt de clowneries et des bisounours!

à écrit le 13/04/2013 à 12:28
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Peu éditorialistes dans les médias sont favorable à la transparence, bravo à vous monsieur, mais la dynamique vertueuse tant voulue ne dépassera pas le stade des ministres. Les députés de droite et de gauche n'accepteront pas de voter une loi qui leu...

à écrit le 13/04/2013 à 9:06
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le sministres peuvent bien révéler leur patrimoine (certains socialistes paient l'impôt sur la fortune ? On n'en a pas fini avec la gauche caviar), ils leurs restent de gros avantages dont on ne parle pas : salaire mirobolant par rapport à leur effic...

à écrit le 13/04/2013 à 8:51
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Lorsque le papier France s'écoulera péniblement sur fonds d'indicateurs macro-économiques de l'hexagone à contre-cycle, que le spread remontera en force et que la spirale déficitaire sera inéxorablement en marche alimentée par un service de la dette ...

à écrit le 13/04/2013 à 7:59
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Très bon article concernant les non-dits et les inégalités que le gouvernement devra avoir le courage de mettre sur la table pour réformer la France, le problème c'est que François Hollande n'est pas courageux et de plus il est incompétent, on a déjà...

le 13/04/2013 à 11:40
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les comportements de madame , on le sens dirige........

à écrit le 13/04/2013 à 6:57
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Ne pas confondre "mani pulite" et "manipulation". Mais, ce qui est sûr, c'est qu'Hollande s'en lave les mains.

le 13/04/2013 à 8:41
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Mani pulite = mains propres en Italien... Mini pulite : ça ne veut rien dire.

à écrit le 13/04/2013 à 6:23
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il est faux de dire qu'on s'attaque aux paradis fiscaux.a qui appartiennent jersey,guernesey.comme avec woerth le gouvernement tente de secouer le cocotier pour faire lacher quelques mains faibles.la suisse et le luxembourg sont bien trop précieux po...

à écrit le 12/04/2013 à 21:23
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Bien vu, sieur Mabille. Le fer est bien porté. Nous verrons bien quels sont les couvercles que le Président n?osera soulever, y compris dans son propre camp. Après tout, il a encore 4 ans pour débusquer certaines « anomalies et dysfonctionnements ». ...

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