En mars, retrouver le sourire et danser avec Bruno

Par Philippe Mabille  |   |  857  mots
(Crédits : Reuters)
VOTRE TRIBUNE DE LA SEMAINE. Moins de Covid, moins de chômeurs, plus de candidats, avec l'entrée prochaine en lice de... Macron (mais si...), plus de discothèques ouvertes et plus d'EPR en nationalisant EDF s'il le faut. Pour la valse des milliards, est-ce la fin du début, ou le début de la fin ?

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Sur le front du Covid, ça va mieux. Sur l'économie et l'emploi, cela ne va pas mal du tout. Bien sûr, la séquence internationale n'est pas si simple : entre le retrait du Mali et les coups de menton de Poutine, le monde reste incertain, relève Marc Endeweld qui pointe la prise d'otage de la Russie sur les intérêts gaziers de TotalEnergies. De la Sibérie au Sahel, Macron doit prendre garde aux pièges russes.

Mais le tout offre un momentum plutôt propice à une déclaration, qui ne devrait plus tarder. Qu'il le dise formellement ou pas (Jospin l'avait fait par fax en 2002, ce qui ne lui avait pas porté chance !), qu'il laisse Laurent Fabius l'annoncer à sa place, en publiant la liste officielle du Conseil constitutionnel, Emmanuel Macron le sait bien, sa campagne sera courte et intense.

Entendre Jean-François Delfraissy dire que si tout continue ainsi, on pourra sans doute enfin vivre sans masque et sans pass au printemps, voilà de quoi redonner le sourire au président dont l'agenda depuis deux ans a été Covid-centré. Retrouver le sourire aussi avec une baisse plus forte que prévu du chômage, celui des jeunes notamment, avec en ligne de mire le plein-emploi, en tout cas un chômage retrouvant ses plus bas, sous les 7% enfin, interroge Grégoire Normand.

Retrouver le sourire parce que la France va enfin sortir ses propres vaccins et que le pays, parmi les plus vaccinés du monde, est en train de sortir de la cinquième vague. Pour de vrai, interroge Florence Pinaud ? On espère en tout cas un répit, pour la première fois depuis mars 2020.

Donc, en mars, retrouver le sourire et danser en discothèque dont la réouverture a été saluée sur Instagram y compris par Bruno Le Maire, dont on ne connaissait pas cette passion pour les boîtes de nuit. C'est le premier jour du disco, chante désormais Juliette Armanet et on veut bien y croire, enfin presque car pour les finances publiques, c'est plutôt le dernier ! Danser, au-dessus du volcan s'il le faut, après tout on s'y est habitués.

La Cour des comptes dans son rapport annuel nous prévient pourtant : la cigale ayant chanté tout l'été, et bien dansez maintenant Mr le président (de la République). Et son jugement est sévère sur les excès du "quoi qu'il en coûte"...

Les magistrats de la rue Cambon, qui ne sont pas des rigolos, invitent les candidats à remettre le masque sur les déficits et la dette. Premier président de la Cour des comptes, qui n'a rien contre les discothèques, Pierre Moscovici, lui-même ancien ministre des Finances, le sait bien. Sauf sur le Titanic, il est risqué de danser jusqu'à ce que la musique s'arrête... C'est vrai que nous nous sommes habitués depuis deux ans à voir valser les milliards, voire les centaines de milliards dans le budget de la France...

La descente d'acide ne sera pas si simple et on comprend mieux pourquoi on ne s'attarde guère pour l'heure sur le chiffrage des programmes électoraux économiques et sociaux. La France sous Covid a perdu le sens de la mesure.

Après avoir retrouvé le sourire sans masque en mars, les Français peuvent craindre qu'à partir d'avril on leur présente la note. Mais on gagne pas une campagne sur du sérieux budgétaire. Donc pour l'instant, tout le monde s'en fout. La semaine passé a pourtant adressé quelques signes que la facture arrive : recapitalisation de 4 milliards d'euros pour Air France/KLM... en dépit de très bons résultats. Recapitalisation de 2 milliards pour EDF, malgré des profits multipliés par 8.... Le contribuable de 2022 a les poches profondes. Heureusement que l'Etat a limité à 4% la hausse des prix de l'électricité. On dit merci qui.... Et pourquoi pas une nationalisation d'EDF d'ailleurs, nous dit Bruno...

C'est vrai qu'on se demande bien ce que fait encore le champion français du nucléaire en Bourse, alors que les besoins énergétiques sont immenses, avec tous ces EPR lancés par le président Pompidou, pardon Macron ! Et qu'il faudra bien payer (à votre avis, qui du consommateur ou du contribuable ?)

Sur ce chantier du siècle, Marine Godelier a interrogé André Merlin, ancien directeur du réseau d'EDF et premier patron de RTE. Et l'ingénieur n'y va pas par quatre chemins. Il faudrait non pas 6, ni même 14 mais 50 EPR d'ici 2060 pour satisfaire les besoins de la transition énergétique. Selon Merlin, le scénario du 100% renouvelable vanté par Jadot et Mélenchon n'est tout simplement pas réaliste. En attendant, le premier EPR2, successeur du 1, celui de Flammanville, qui a essuyé les plâtres, ne devrait voir le jour qu'en 2037, dans quinze ans. Trois quinquennats... On a le temps de retrouver le sourire. Pour EDF, ce sont surtout les deux prochaines années qui seront décisives...