[Article publié le jeudi 17 février 2022 à 19:11, mis à jour le 18.02 à 8:30]
À l'occasion de la présentation de ses résultats ce vendredi matin, EDF (détenu à près de 84% par l'État) a dévoilé le contenu d'un projet d'augmentation de capital attendu. Cette augmentation de capital sera d'environ 2,5 milliards d'euros, et l'État y participera à hauteur de 2,1 milliards, a notamment précisé vendredi matin le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, au micro de RTL.
Les résultats publiés par le groupe EDF au titre de l'exercice 2021 sont en forte hausse aidés par un rebond de la demande et des prix, avec un bénéfice net multiplié par 8 l'an dernier à 5,1 milliards d'euros, profitant notamment d'une bonne production nucléaire en France.
Pour autant, le PDG Jean-Bernard Lévy, a prévenu que l'année 2022 serait difficile :
"Nous rencontrons des difficultés depuis le début 2022", ce qui nécessitera "un plan d'actions", a-t-il dit à des journalistes.
La recapitalisation annoncée de matin va servir à renforcer les finances de l'énergéticien affligé d'une dette nette de 43 milliards d'euros à la fin de l'année dernière, et alors qu'il doit faire face à d'importants investissements (le projet présidentiel des 6 EPR), mais aussi aux problèmes de production nucléaire, et également, pour amortir les mesures du gouvernement visant à limiter la hausse des factures d'électricité.
Le "plan d'actions" d'EDF comprend deux autres piliers: une option de versement en actions (et non en numéraire) des dividendes au titre des exercices 2022 et 2023; et enfin, des cessions d'environ 3 milliards d'euros en cumul sur les années 2022-2023-2024.
Un sujet sensible à deux mois de l'élection présidentielle
À moins de deux mois du premier tour de l'élection présidentielle, les difficultés d'EDF sont un sujet extrêmement sensible pour le presque candidat Emmanuel Macron, qui doit composer avec une flambée historique des prix de l'énergie. Et pour cause, alors que le chef de l'Etat a annoncé la semaine dernière son intention de construire six réacteurs EPR sur le sol français, plus huit posés en option sur le long terme, la situation financière d'EDF interroge sur sa capacité réelle à relever ce « chantier du siècle ».
Car malgré cette commande colossale, le groupe traverse une période douloureuse, à la suite d'un enchaînement de mauvaises nouvelles. Le fournisseur historique subit notamment la décision de l'exécutif d'augmenter le volume d'électricité qu'il devra vendre à prix cassé à ses concurrents en 2022 afin de plafonner les factures des Français. Surtout, il se trouve confronté à une chute sans précédent du niveau de disponibilité de son parc nucléaire, du fait d'un défaut de corrosion identifié dans plusieurs installations, et dont les causes restent inconnues. De quoi renforcer ses difficultés à emprunter sur les marchés, après que Fitch a abaissé d'un cran sa note de crédit, et que Moody's l'a placé sur une perspective négative.
Face à cette mauvaise passe, l'État, qui détient pas moins de 84 % du capital de l'énergéticien, a donc tranché en faveur d'un renforcement rapide des fonds propres du groupe d'environ 2,5 milliards dont 2,1 milliards d'euros apportés par l'État.
Il était temps: hier, dans l'attente de la réunion du conseil d'administration de l'entreprise qui devait se prononcer sur cette proposition de l'État, l'action EDF avait dévissé de 32% à 8,24 euros à la Bourse de Paris.
7,5% du capital du groupe
Avant-hier, le ministre de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire, avait déjà assuré que toutes les options étaient sur la table concernant l'avenir d'EDF, y compris une nationalisation totale. Pour rappel, le groupe avait été introduit en bourse en 2005, passant à l'époque d'un établissement public de caractère industriel et commercial à une société anonyme de droit privé.
« Si toutes les options sont sur la table, elles sont toutes sur la table », a ainsi insisté Bruno Le Maire mardi sur BFM Business.
Après avoir appelé EDF en renfort pour faire face à la crise de l'énergie et geler les prix de l'électricité, l'exécutif semble donc plutôt se tourner vers une capitalisation, d'un montant représentant environ 7,5% du capital du groupe.
Effet d'aubaine
Pourtant, le fournisseur d'électricité avait lui communiqué sur un impact de près de 8 milliards d'euros sur son EBITDA 2022 après les annonces de Bercy. Mais depuis plusieurs semaines, Bruno Le Maire accuse EDF de charger la barque de ses pertes, et martèle que les difficultés d'EDF ne découlent pas de la fameuse décision du gouvernement.
Fin janvier, une source ministérielle assurait ainsi à La Tribune que le groupe « ne sera pas aussi perdant qu'il l'affirme », puisqu'il pourra compenser par un gain réalisé l'année dernière du fait d'un « effet d'aubaine ». En effet, alors que les prix spot explosaient déjà sur le marché de l'électricité, le fournisseur a pu « vendre beaucoup et plus cher » que prévu au deuxième semestre 2021. A tel point que selon plusieurs observateurs, les résultats financiers de l'année dernière montreront que le groupe n'est pas aussi affaibli qu'il le prétend.
« Il y a des effets d'aubaine partout. La particularité avec EDF, c'est qu'on leur a simplement dit qu'il n'était plus possible d'en profiter étant donné la situation, car c'est une entreprise publique », précisait alors la source en question.
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