La Cour des comptes pointe les failles du "quoi qu'il en coûte" mené par Emmanuel Macron

"Ciblage déficient", "risques de fraude", "effets d'aubaine'....la Cour des comptes déplore le manque de contrôle des mesures du "quoi qu'il en coûte" dans son volumineux rapport annuel dévoilé ce mercredi. Les magistrats appellent l'administration fiscale à mettre en place des opérations de contrôle à postériori sur les aides versées aux entreprises depuis le printemps 2020.
Grégoire Normand
La Cour des comptes a levé le voile sur son rapport annuel de près de 700 pages.
La Cour des comptes a levé le voile sur son rapport annuel de près de 700 pages. (Crédits : Reuters)

La pandémie continue de donner des sueurs froides aux magistrats financiers de la Cour des comptes. Le virus a pulvérisé les règles de discipline budgétaire inscrites dans les traités européens. En annonçant au printemps 2020 la politique du "quoi qu'il en coûte", Emmanuel Macron a mis sur pause "le sérieux budgétaire". En seulement quelques semaines, l'Etat a déployé un arsenal spectaculaire de mesures visant à amortir le choc d'un effondrement abyssal de l'activité.

160 milliards d'euros pour faire face à la crise et relancer l'économie

Deux ans après, la Cour des comptes, dans son volumineux rapport annuel de près de 700 pages et 20 chapitres dévoilé ce mercredi 16 février a dressé un bilan des actions menées par l'exécutif pour traverser cette tempête. Du point de vue des finances publiques, la dette a augmenté de 16 points par rapport 2019 (115% du PIB) rappelant que les administrations publiques ont encaissé une grande partie du choc.

Sur les deux dernières années, les dépenses pour faire face à la crise et relancer l'économie sont évaluées à environ 160 milliards d'euros (70 milliards d'euros en 2020 et 90 milliards d'euros en 2021). En 2022, le montant anticipé de ces dépenses pourrait considérablement chuter (28,9 milliards d'euros). En Europe, la France serait l'un des pays où la situation des finances publiques est la plus "dégradée". Sans surprise, la juridiction financière, gardienne de l'orthodoxie budgétaire, appelle à une trajectoire de redressement des finances publiques "exigeante et crédible".

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Un contrôle "insuffisant" des mesures du "quoi qu'il en coûte"

Parmi la panoplie de mesures déployées par l'exécutif, les reports de paiement des impôts et l'accélération de remboursement des crédits d'impôts ont permis de soulager une grand nombre de trésorerie d'entreprises sans vraiment provoquer de pertes sur les recettes publiques.

A ces dispositifs s'ajoutent des baisses d'impôts importantes (impôts de production de 10 milliards d'euros) ou l'octroi de prêts garantis par l'Etat. La mise en place rapide de ces aides a été saluée par les fonctionnaires de la Cour des comptes et de nombreux économistes. En revanche, ils pointent des lacunes dans les données de suivi de ces mesures et des contrôle "insuffisants".

Les auteurs du rapport soulignent que les grands groupes qui font plus de 1,5 milliard d'euros de chiffre d'affaire chaque année s'étaient engagés à ne pas verser de dividendes à des actionnaires en France ou à l'étranger en 2020 ou ne pas faire de rachats d'actions. Si les entreprises ne respectaient pas ces engagements, elles devaient payer des pénalités au moment du remboursement des échéances fiscales.

Or, les experts regrettent que "les modalités de contrôle de ces engagements de responsabilité apparaissent insuffisamment définies". "Il importe que l'administration fiscale suive la liste des entreprises liées par ces engagements, ce qui n'est pas le cas pour le moment, et prévoie de contrôler spécifiquement le respect de ces derniers" ajoutent-ils.

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PGE : un coût encore incertain pour les finances publiques

La distribution des 142 milliards d'euros de prêts garantis par l'Etat (PGE) constitue-t-elle un risque important pour les finances publiques à moyen terme ? A ce stade, il est encore difficile de trancher, répondent les magistrats. La pandémie a déjoué les scénarios de nombreux économistes. Toutes les aides mises en oeuvre depuis deux ans ont clairement fait chuter le nombre de faillites des entreprises françaises à un niveau record.

Les premières estimations et études qui ont passé au crible les possibles fragilités des entreprises sur les PGE font état d'un possible taux de défaut de l'ordre de 5%. De son côté, l'exécutif table sur un scénario optimiste de 3,8%. "Ces estimations sont entourées de nombreuses incertitudes tant au plan macroéconomique, en fonction du rythme et de l'ampleur de la reprise, qu'au plan microéconomique, avec une grande hétérogénéité des situations individuelles", poursuivent les comptables. Si le taux de défaut demeure inférieur à 4%, le coût pour les finances publiques pourrait être d'environ 3 milliards d'euros.

Ce coût final va dépendre en grande partie des capacités des entreprises à faire face à leurs échéances de remboursement. Sur ce point, les répercussions de la pandémie sur l'économie française sont très contrastées.

Si certains secteurs ont pu tirer leur épingle du jeu, d'autres comme l'aéronautique ou l'automobile continuent de souffrir. La Cour des comptes recommande de mettre l'accent sur des outils de détection plus précis afin d'identifier les entreprises les plus fragiles. Dans sa réponse au rapport de la Cour des comptes, Matignon observe que sur les 7.700 entreprises devant faire l'objet d'une surveillance attentive, 2.800 ont souscrit à un PGE.

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Un ciblage déficient du plan "un jeune, une solution"

Les jeunes ont particulièrement souffert de la pandémie. Entre l'interruption des études, la fin des petits boulots et l'absence de perspectives professionnelles durant de longs mois, la jeunesse a payé un lourd tribut durant toutes les périodes de confinement.

Face à ce malaise, le gouvernement a mis en place le plan "1 jeune, 1 solution" dont le montant frôle les 10 milliards d'euros, rapporte le document. Dans leur enquête, les experts de la Cour des comptes brossent un bilan très mitigé de ce dispositif.

"Face aux conséquences potentielles de la crise sanitaire sur l'emploi des jeunes, une intervention des pouvoirs publics était légitime mais celle-ci a parfois été mal proportionnée. Malgré une forte mobilisation pour la mise en oeuvre du plan, son succès est à relativiser", écrivent-ils.

Ils évoquent notamment "un ciblage déficient" qui ne prend pas en compte par exemple les conséquences disparates de la crise en fonction des territoires et des bassins d'emplois. Si le nombre d'embauches d'apprentis a explosé l'année dernière, "surtout au bénéfice des diplômés dont l'insertion sur le marché du travail n'est pas souvent le plus problématique", le résultat sur l'emploi en volume "est donc vraisemblablement faible".

Enfin, la Cour des comptes explique si le chômage des jeunes n'a pas empiré en sortie de crise, la multiplication des dispositifs complique la réalisation des objectifs et peut s'avérer "à un certain degré contre-productif".

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Grégoire Normand
Commentaires 3
à écrit le 16/02/2022 à 13:23
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Tout dépend de ce qui a été négocié entre notre prêteur la Chine et de sa responsabilité dans le désastre Covid l'impactant dans les possibilités d'être remboursé dans les temps. Ces négociations certainement hors de portée pour le grand public.

à écrit le 16/02/2022 à 11:03
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Chaque président de la république depuis Mitterrand augmente la dette. Elle devient abyssale et va hypothéquer l'avenir de nos enfants. C'est le cas de le dire , les masques vont tomber (élection oblige) et le réveil va être douloureux.

le 16/02/2022 à 12:34
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A qui profite la dette à votre avis ? Qui sont les bénéficiaires de l'argent distribué ou non empoché par l'Etat ? Les cabinets de consultants, ORPEA et ses complices, les fraudeurs qui ne sont pas recherchés, les bénéficiaires de l'optimisation fisc...

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