Trump adopte le "crony capitalism" comme gouvernance

Le président des Etats-Unis a nommé le président de la compagnie pétrolière Exxon Mobil à la tête du secrétariat d'Etat, confiant à nouveau un poste stratégique de la future administration américaine à une personnalité issue du monde des affaires.
Robert Jules
Rex Tellison, le PDG d'Exxon Mobil, la plus importante major pétrolière privée du monde, va diriger la diplomatie américaine.

Imaginons que François Hollande ait proposé à Patrick Pouyanné, PDG de Total, ou à Philippe Knoche, PDG d'Areva, de diriger le Quai d'Orsay en arguant de sa bonne connaissance de nombreux chefs d'Etat, dont Vladimir Poutine avec qui ils entretiendraient des relations étroites. Nul doute que l'on assisterait à une levée de boucliers faisant valoir des conflits d'intérêt, et un mélange des genres.

C'est pourtant ce que le président des Etats-Unis, Donald Trump, vient de faire en nommant au poste stratégique de secrétaire d'Etat - qui correspond à notre ministère des Affaires étrangères - Rex Tellison, le PDG d'Exxon Mobil, la plus importante major pétrolière privée du monde dont la capitalisation boursière s'élève à plus de 380 milliards de dollars.

Méfiant à l'égard des leaders du parti républicain

Le choix fait par Donald Trump, au détriment d'autres membres du parti républicain qui avaient pourtant davantage le profil, montre que le nouveau président reste toujours méfiant à l'égard des leaders du Grand Old Party, qui l'avaient vivement critiqué durant la campagne.

"Un ami de Vladimir"

Le profil n'est pas non plus à négliger. A la tête d'une des plus importantes sociétés du monde, et qui plus est dans les hydrocarbures, Rex Tellison est reçu comme un chef d'Etat dans nombre de pays. Il entretient d'excellentes relations avec la Russie, en étant « un ami de Vladimir (Poutine) » depuis 20 ans, où Exxon a massivement investi depuis 10 ans.

Par ailleurs, Trump a fréquemment indiqué qu'il souhaitait renforcer ses relations avec la Russie, au grand dam de ceux qui tant chez les républicains que chez les démocrates voient dans Moscou un ennemi. Pour Trump, l'ennemi est davantage la Chine dont il veut contrecarrer la puissance croissante à travers le monde. Dans ce cas, le profil de Tellison paraît un avantage pour faire de Moscou un allié.

Un bon chef d'entreprise peut-il faire un bon responsable politique?

Mais un tel choix montre aussi comment Donald Trump comprend sa gouvernance. Etant devenu milliardaire grâce à sa réussite dans les affaires, il pense que les problèmes politiques et économiques peuvent se régler comme dans le monde du business. Mais un bon chef d'entreprise peut-il faire un bon responsable politique? Oui et non.

Oui, dans le sens où une expérience acquise dans les affaires peut servir en politique à condition que l'on s'adapte au nouveau fonctionnement - on en a un exemple en France en la personne d'Emmanuel Macron, issu de la banque d'affaires et non de la politique.

Non s'il s'agit de gérer de la même façon, l'univers politique des démocraties modernes exigeant d'autres médiations, ayant des codes de fonctionnement différents. La gestion du pouvoir politique répond à d'autres buts que la seule recherche de parts de marché ou de bénéfices. Les citoyens ne sont pas des employés.

Le risque pris par Trump, même si - rappelons le - le président des Etats-Unis concentre moins de pouvoirs que le président français face au parlement, pourrait conduire à une dérive vers le « crony capitalism », le capitalisme de connivence. Déjà, la banque d'investissement Goldman Sachs compte plusieurs membres (anciens ou actuels) responsables dans la future administration.

Trump convaincu que l'intérêt public réside dans les intérêts privés

Le « crony capitalism » caractérise cette connivence entre le monde des affaires et le monde politique, les uns exerçant leur influence sur le second pour favoriser des succès d'entreprises. En résumé, les intérêts privés se servent de l'intérêt public à leur avantage. Ce ne serait pas la première fois que l'on voit ce lien aux Etats-Unis, mais il n'avait jamais autant assumé que par Donald Trump qui semble voir lui convaincu que l'intérêt public réside dans les intérêts privés. Cela va-t-il marcher ?

On pourra sur ce point consulter un classement du « crony capitalism » publié chaque année par l'hebdomadaire The Economist. Les Etats-Unis se trouvaient à la 16e place (18e pour la France) en mai 2016. Il sera intéressant de voir en 2017 s'ils se sont rapprochés de la première place.

Robert Jules

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Commentaires 9
à écrit le 14/12/2016 à 7:42
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"Ce ne serait pas la première fois que l'on voit ce lien aux Etats-Unis, mais il n'avait jamais autant assumé que par Donald Trump qui semble voir lui convaincu que l'intérêt public réside dans les intérêts privés" Euh, c'est un peu du charabia n'es...

à écrit le 13/12/2016 à 21:39
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Le "cronyism", ou népotisme/copinage en français, n'est pas l'apanage de Trump. Hollande a aussi choisi ses potes au gouvernement et Fabius n'a pas été nommé par hasard au Conseil d'État :-)

le 14/12/2016 à 0:33
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N'aurais-je pas dû dire Conseil des tas ?

le 14/12/2016 à 11:33
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cela n'a aucune similitude. En France, tous les chefs d'état chossissent parmi leur famille politique. Rien de plus normal. C'est l'inverse qui serait anormal. Vous n'avez pas compris ce qu'était "cronyism", c'est l'alliance du monde des affaires a...

le 14/12/2016 à 12:55
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en france c est plutot l inverse: les copians politiciens sont bombardes dirigeants de societes: par ex Lauvergeon a Areva ou Royal a la BPI. Bon le resultat ets probablement pas meilleur mais bon

à écrit le 13/12/2016 à 19:28
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Amusant de se poser la question du possible passage du privé au public quand on ne se la pose jamais chaque fois que l'un de nos énarques de cabinet pantoufle dans le privé.

à écrit le 13/12/2016 à 19:27
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Amusant de se poser la question du possible passage du privé au public quand on ne se la pose jamais chaque que l'un de nos énarques de cabinet pantoufle dans le privé.

à écrit le 13/12/2016 à 19:11
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Cette nomination sera sans doute favorable au Kremlin dans la poursuite de son utilisation des énergies fossiles et dans un appui au retrait des sanctions mais pas à terme aux américains ni au monde du fait d'un recul vers les énergies fossiles pour ...

à écrit le 13/12/2016 à 18:31
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C'est amusant que vous citiez un article de "The economist", symbole même du "crony journalism". Ce journal assiste régulièrement aux réunions très fermées du groupe Bilderberg et est controlé par la famille Rothschild aussi membre du Bilderberg. ...

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