Le mot de la semaine : digital

Incubateurs, accélérateurs, preuves de concept et autres fab labs ont beau pulluler, la transformation numérique a du mal à se concrétiser dans les processus industriels des grandes organisations...
La transformation digitale ne réussit que si les usagers s'approprient l'innovation.
La transformation digitale ne réussit que si les usagers s'approprient l'innovation. (Crédits : Illustration Antoine Silvestri)

Cloud, applications pour smartphones, big data, intelligence artificielle, protection des données personnelles... La transformation digitale a ringardisé l'informatique à papa. Pour être dans le coup, pas question de s'endormir. Mais, au lieu de se transformer, les grandes organisations ont multiplié les verrues structurelles : incubateurs, accélérateurs, Corporate Venture Capital, Open Innovation, living labs, fab labs, coopérations avec les startups... Désormais, les POC (preuves de concept) pullulent à tous les étages. Résultat, les grandes entreprises ne sont toujours pas hyper-digitales ni agiles ni flexibles. Les causes sont connues : manque de gouvernance, dynamique interne en panne, système de décision grippé. Les directions générales ont-elles du mal à actualiser leur logiciel ?

« Les dirigeants du Comex sont très forts pour bien parler des enjeux du digital mais lorsqu'il leur faut orchestrer cette transformation avec les contraintes du Time-to-Market, ce n'est pas évident ! », reconnaît Sylvie Jéhanno, PDG de Dalkia, entreprise de services énergétiques filiale d'EDF.

Summum du gag : après avoir « impulsé » la vision de la transformation numérique de l'entreprise, le DG confie à sa secrétaire le soin d'en router le compte rendu par mail aux membres du Comex.

Changer les pratiques

Et certains PDG de battre leur coulpe. À l'instar de Guillaume Pépy, futur ex-PDG de la SNCF lors d'une conférence du G9+ sur le sujet le 21 octobre dernier à Paris : « En 2014, malgré le succès de Voyage-sncf.com [devenu Oui. sncf en 2017, ndlr], premier site marchand en France, nous nous sommes rendu compte que notre organisation ne portait pas le digital. Notre boîte était couverte de POC mais elle ne changeait pas. C'était à nous de changer nos pratiques. Et c'est là la clé. »

Pendant deux ans, de 2014 à 2016, il confie à Yves Tyrode (depuis passé au groupe BPCE), alors DG de Voyagessncf.com, le poste de Chief Digital Officer. « Les gens avaient des devices [appareils et accessoires pour PC] pourris. Il a fallu équiper nos 140 000 salariés avec des devices aussi bien que ceux qu'ils ont à la maison et en admettre un usage privé », reprend Guillaume Pépy qui a également demandé à reconsidérer la connectivité par rapport aux usages et à la cybersécurité.

Lire aussi : Nickel, Hello bank!, robots : BNP Paribas récolte les fruits de sa digitalisation

S'approprier l'innovation

Dans la foulée, la SNCF a créé l'École numérique qui interconnecte tous les établissements de sorte que les salariés « sentent qu'ils sont dans un réseau qui leur est ouvert ». Ainsi que 574 espaces numériques ouverts à tous les salariés mêlant coworking, showrooms et zones d'expérimentation ainsi que des fabs, à savoir des centres d'expertise dédiés au big data, au design, à l'Internet industriel et à l'Open Innovation...

Reste que la transformation digitale ne réussit que si les usagers s'approprient l'innovation. Pas si simple : « L'innovation n'est pas la propriété d'une seule équipe. Tout le monde peut innover, convient Benoît Grisoni, directeur général de Boursorama. Mais je passe ma journée à dire non à des projets innovants. Je dois toujours les recadrer avec un objectif utilitariste. »

Pour d'autres acteurs, la transformation digitale donne de maigres fruits. « Il y a quatre ou cinq ans, on nous disait : "Vous êtes un intermédiaire ? Vous êtes morts." La question, pour nous, était de savoir comment ne pas nous faire disrupter, confie Alain Roumilhac, président de Manpower France. Comment nous redéfinir avec le digital dans une relation tripartite avec les clients et les collaborateurs ? » Le groupe a scanné 600 startups RH et même embarqué 40 d'entre elles sur son stand de Viva Technology en juin dernier. Elle a fluidifié les processus d'inscription des candidats... mais sans gagner des parts de marché supplémentaires. « Au final, si je vais aussi vite que le décor, cela va m'éviter d'envoyer mes équipes dans le décor », ironise Alain Roumilhac qui innove avec le recrutement programmatique sur Facebook. Morale de l'histoire : « Le rôle du Comex, c'est de "percoler" les méthodes agiles du digital dans les méthodes rigoureuses de l'industrie », synthétise Hélène Jéhanno qui, depuis une semaine, n'a plus de bureau attitré. Désormais, tout son Comex est dans un open space. Décoiffant.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 4
à écrit le 22/11/2019 à 18:03
Signaler
Si la transformation numérique a du mal à se concrétiser, c'est qu'elle n'est pas vue avec plus d'optimisme qu'auparavant et parfois même comme une mise en place d'une bureaucratie numérique!

à écrit le 19/11/2019 à 14:47
Signaler
"La transformation numérique a du mal a se concrétiser" et ... la conclusion voudrait signifier qu'il n'y a pas d'autre alternative! Nous ne pouvons que conclure que l'on subit de la publicité!

à écrit le 19/11/2019 à 13:19
Signaler
Quand on connaît le potentiel hallucinant d'un ordinateur de la génération actuelle et que l'on voit comme notre société marchande la sous exploite, la bride et la ringardise on ne peut que dire avec Machiavel que le commerce est bel et bien l'école ...

à écrit le 19/11/2019 à 10:54
Signaler
Idem sur la transition écologique au demeurant. Quand on se promène sur Linkedin, on est frappé par la quantité de posts auto-congratulants sur le transition numérique, on se remet des prix, on se rencarde dans des colloques, on s'échange des féli...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.