Wolgang Eder (Voestapline) « L'Europe doit s'orienter vers une production d'acier de haute qualité »

Le président d'Eurofer, Wolgang Eder, qui préside aussi le directoire de l'entreprise sidérurgique autrichienne Voestalpine (voir encadré), analyse les chances de l'acier européen dans un contexte de surproduction de 35 % en Europe et de coûts trop élevés. Selon lui, la bonne stratégie résiderait dans une production d'acier de haute qualité et dans l'innovation technologique.
Pour Wolfgang Eder, le plan d'action acier de la Commission européenne « va dans le bon sens »./ DR

LA TRIBUNE - Le secteur sidérurgique a-t-il encore un avenir en Europe ?
WOLFGANG EDER -
Dans les années 1990, la fin des subventions publiques, le mouvement de privatisation, les nombreuses restructurations ont permis une vague de consolidations nécessaires. Aujourd'hui, l'industrie sidérurgique européenne doit faire face à une situation qui n'est pas sans me rappeler celle qui a donné naissance à ce mouvement : un ralentissement de la demande sur le long terme alors même que nous sommes déjà en surcapacité de production de quelque 35 %, soit près de 30 à 50 millions de tonnes par an.

En France, on ne goûte guère les restructurations. Les mesures gouvernementales ne devraient pas essayer de maintenir des capacités de production inefficaces. Mais devant les difficultés on tente de revenir à des méthodes de nationalisation qui n'ont jamais fait la preuve de leur efficacité. On ne fait que repousser les problèmes.

Quelle doit être la stratégie européenne en termes de sidérurgie ?
À quoi bon investir, comme on veut le faire en France, des millions d'euros dans la production de milliers de tonnes d'acier qui ne se vendront pas, puisque la Russie, l'Ukraine ou la Turquie produisent avec des coûts du travail plus faibles, des matières premières meilleur marché et un prix de l'énergie plus bas ? L'Europe doit s'orienter vers une production d'acier de haute qualité, investir dans l'innovation et mettre l'accent sur la technologie, notamment pour répondre au défi du changement climatique. La bonne méthode est de procéder étape par étape, en faisant appel à des technologies de pointe. Il y a en Europe de nombreux secteurs qui ont besoin d'acier, et d'acier à forte plus-value.

Le succès de votre groupe peut-il inspirer les autres groupes européens ?
Voestalpine a réussi en gérant ses capacités de façon réaliste. Nous avons établi une stratégie de long terme sur quinze ans, avec des clients stables. Les clients qui veulent de l'acier de qualité existent, mais ils exigent d'avoir des fournisseurs fiables. D'autres peuvent donc nous imiter, mais cela prend du temps avant d'enregistrer les premiers succès. Je rappelle également que Voestalpine a procédé dans les années 1990 à une restructuration douloureuse. Les pouvoirs publics locaux et nationaux ont accompagné ce mouvement et n'ont pas cherché à remettre en question les choix de l'entreprise.

Au final, le bilan sur le plan de l'emploi est positif. L'industrie doit faire ses choix seule. Les politiques doivent accompagner socialement les fermetures de sites décidées par l'entreprise. Et il faut agir vite pour donner la possibilité aux employés de choisir rapidement d'autres voies de reconversion. L'argent public est mieux employé dans la reconversion professionnelle des employés que dans le maintien des sites. De ce point de vue, le « plan d'action acier » récemment publié par la Commission européenne va dans la bonne direction. Mais, il est nécessaire que les politiques européens fixent des objectifs raisonnables de réduction des émissions de CO2. Sinon, on mettra le secteur en danger.

Ne subit-on pas les conséquences de la politique chinoise, le pays représentant presque la moitié de la production mondiale d'acier ?
La Chine exerce une pression sur l'ensemble du marché international puisqu'elle continue à augmenter ses capacités, notamment par des petites aciéries peu respectueuses de l'environnement, et alors même qu'elle a déjà le plus important problème de surcapacité au monde. Le gouvernement central se heurte aux réticences des gouvernements locaux, plus soucieux de conserver des emplois et la paix sociale. Même si c'est difficile politiquement, la Chine doit fermer toutes les aciéries illégales.

Le projet d'accord commercial entre l'Europe et l'Amérique est-il favorable à la sidérurgie européenne ?
Nous n'avons pas achevé nos estimations, mais ces accords pourraient être légèrement en faveur de l'industrie européenne. Sur le plan technologique, les Européens sont meilleurs que les Américains. Mais ces derniers disposent d'un coût de l'énergie de 25 % à 30 % plus faible.

De façon générale, et pas seulement dans le secteur de l'acier, l'Europe a un problème de coûts. Le problème principal de l'Europe, c'est le coût élevé de l'État. Il ne s'agit pas de réduire les dépenses dans l'innovation ou l'éducation, pas plus qu'il ne s'agit d'abaisser ce que gagnent les salariés. Mais il faut réduire les impôts en réduisant les coûts liés à l'Administration. Le danger, c'est que le niveau élevé des taxes ne fasse fuir les plus riches, comme le mouvement semble engagé, et les jeunes les plus qualifiés. Nous ne pouvons pas nous permettre de perdre des cerveaux, c'est la clé de l'efficacité future de la production européenne.

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Voestalpine, un sidérurgiste qui gagne de l'argent
Voestalpine, aciériste autrichien, prouve qu'il est possible de gagner de l'argent en produisant de l'acier en Europe. Mais de l'acier de haute qualité, vendu à des secteurs à forte valeur ajoutée tels que les infrastructures ferroviaires ou routières et l'énergie. Pourtant, l'acier ne représente qu'un peu plus de la moitié de l'activité d'un groupe, qui s'est diversifié tous azimuts. Voestalpine, qui vend encore 72 % de sa production dans l'UE, a augmenté ses investissement 2012-2013 de plus 48 % sur l'année précédente. Et malgré un recul de 4,4 % de son CA, à 11,5 Mds ?, son résultat d'exploitation a progressé de 21 %, à 850 M ?. Le tout en maintenant le nombre de ses employés à environ 46.400.

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