
En décidant de mettre aux enchères des suffixes d'adresse internet en .vin et .wine, l'ICANN (Internet corporation for Assigned Names and Numbers) lance un défi redoutable au secteur viticole français. Les futurs suffixes posent d'abord un problème juridique évident, puisque le plus offrant pourra aussi déposer à volonté des noms de sous-domaine tels que pauillac.vin ou bordeaux.vin pourtant protégés par une appellation d'origine contrôlée (AOC) précisément inventée pour empêcher ce qui revient, au fond, à de la pure contrefaçon. Si les producteurs de vins possédant l'AOC dénoncent un « racket », l'enjeu pour le secteur nous paraît bien plus considérable.
Un bouleversement des règles du marketing sur le marché du vin
Fondamentalement, et sans préjuger du résultat des probables batailles judiciaires qui vont s'engager, cet événement risque de bouleverser les règles marketing sur lesquelles le marché du vin s'appuyait jusque-là.
Dans un marché parfait, il faut le rappeler, la transparence complète des offres (connaissance intégrale et partagée des caractéristiques des produits proposés) permet un choix optimal des consommateurs et une concurrence non faussée entre offreurs. Nul ne peut en particulier abuser le consommateur en offrant des produits de moins bonne qualité mais perçus comme équivalents. Mais dans la pratique le marché est quasiment toujours imparfait, c'est-à-dire que l'information est soit cachée soit inégalement répartie. La marque a été inventée pour remédier autant que possible à cette imperfection : elle est censée agir comme signal de qualité permettant la discrimination entre les offres.
Deux logiques fondamentales
Deux logiques fondamentalement différentes s'opposent pourtant concernant la marque. Dans le cas des produits industriels réplicables à volonté, indépendants du lieu de production et dont la qualité réelle n'est pas aisément perceptible, la marque peut devenir relativement indépendante du produit qui s'y réfère. Il s'agit d'une subversion de la logique originelle de la marque : cette dernière devient première et le produit qui lui fait référence devient fondamentalement interchangeable, presque sans importance.
Dans les secteurs du vin, en revanche, la marque a généralement conservé son rôle originel : en plus d'être l'expression distinctive de la spécificité d'un terroir et d'un domaine, elle est un signal de qualité, la garantie d'un certain degré d'excellence fondé sur la transmission rigoureuse de pratiques exigeantes ne cédant pas à la facilité des artifices et du moins-disant. La dimension symbolique (en l'occurrence le prestige), qui existe évidemment, n'est pas une fin en soi mais la conséquence de la qualité, exactement comme, dit le poète, « la beauté est la fleur de la vertu ».
Assimiler le vin à une pure construction marketing...
Or l'attribution de suffixes viticoles au plus offrant assimile implicitement le vin à une pure construction marketing, comme n'importe quel produit de grande consommation. Cette logique cherche à dénouer le lien intime qui existe entre le travail du vigneron, sa terre et la marque qui en est l'expression et la promesse. Elle crée les conditions d'une usurpation massive de réputation, d'un détournement manifeste de tout l'historique d'excellence jusque-là contenu dans nos marques, en particulier les plus prestigieuses d'entre elles : imaginons que demain, derrières des sites arborant les mots « Latour », « Yquem » ou « Branaire-Ducru » par exemple, le consommateur peu averti pourra acheter des vins de très piètre qualité en croyant faire l'acquisition de grandes bouteilles.
Une trahison de la promesse de qualité
Ce n'est pas seulement catastrophique car cela entame potentiellement les ventes des vignobles authentiques, mais surtout cela constitue une trahison de la promesse de qualité, une rupture du contrat implicite qui lie un vigneron et ses consommateurs. En assimilant de force les marques de vin à celle d'un produit interchangeable, on mine la base même du mécanisme qui permettait aux consommateur de discriminer les offres, et on retourne le système de la marque pour en faire une fin et non un moyen, faisant du vin lui-même un moyen et non une fin.
Les pièges de la neutralité du net
Au moment où notre secteur viticole fait face à de nombreuses contraintes (contrefaçons, changements climatiques, passage nécessaire mais coûteux à une production plus respectueuse de l'environnement, concurrence internationale féroce, etc.), l'arrivée des nouveaux suffixes offerts aux plus offrants constitue une menace dont il faut être conscient. Il est significatif que les concurrents étrangers, qui approuvent massivement cette décision (à travers le Wine Institute par exemple), y voient une arme de conquête. Ce dossier illustre finalement de façon inquiétante les pièges que peuvent cacher l'invocation trop simpliste de la « neutralité du Net » par laquelle l'ICANN justifie sa décision.
Lorsqu'on assemble plusieurs cépages de piquette étiquetés "Bordeaux" et que l'on refourgue son domaine à des spéculateurs chinois, cela ressemble beaucoup à une construction marketing...
Cet article me fait bondir... Tout d'abord, il ne faudrait pas assimiler le vin a un produit marketing comme un autre? C'est faire offense a beaucoup de viticulteur qui se démènent pour vendre leur vin à coup d'étiquettes colorées ou de bouteilles particulières. Vous semblez aussi oublier le beaujolais qui a tout fait (et tout réussi) au niveau marketing pour écouler des quantités de vin que ne boirait pas mon chien...
En quoi le vin est-il un produit différent d'un autre? Certes le viticulteur est attaché à son terroir et son produit mais en quoi est-ce différent de n'importe quel artisan ou industriel respectueux de son client?
Ensuite, vous vous insurgez sur la possibilité de créer de faux noms de domaines pour usurper les noms des grands crus et autres... Vous sortez de 20 ans de sommeil? Cela existe depuis longtemps sur internet, et vous pouvez vous en protéger grâces aux marques déposées ou autres. Je viens de faire le test, et rien ne me retiens aujourd'hui d'enregistrer un domaine "yquem-vin.com" et d'y vendre de la javel... La tromperie existera toujours, ce n'est pas nouveau et ça continuera, ce n'est pas la création de .vin ou .wine qui va l'amplifier ou la stopper.
Ce qui me fait rire au final, c'est votre conclusion. Vous nous expliquez en début d'article votre vision d'un marché parfait: transparence, concurrence non faussée et vous vous insurgez contre la neutralité du net (qui véhicule ces principes) parce que cela va permettre à vos concurrents étranger d'apparaitre plus facilement là ou ils ne sont pas... Auriez-vous peur que les grands vins français hors de prix soient surestimés et qu'un jour le consommateur s'en rende compte?
La multiplication des extensions de 1er niveau n'a quasiment rien à voir avec la neutralité du net. Merci de ne pas tout confondre.
Continuez à penser comme cela y compris pour le vin et d'ici quelques années, quand le monde aura un peu tourné sans vous, vous viendrez vous plaindre de l'immobilisme de la profession, des pouvoirs publics...
Votre article ne sert a rien, c'est ss doute un resume de vos ecrits academiques... de la theorie bidon... Le .com reste la reference sur le marche, tout le monde le sait, ces domaines n'impacteront que marginalement une industrie ou les acheteurs sont avertis et savent faire la difference... Comme nombre d'academiciens, il me semble que tout est bon a ecrire du moment que ca vous fait de la pub.
N'importe quoi et surtout la perte de mon temps!
Nos dirigeants font preuve d'une incroyable naïveté ou complicité depuis des dizaines d'années sur ces questions.