Le basculement mondial des classes moyennes

La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui, le basculement mondial des classes moyennes
Olivier Passet, directeur des synthèses économiques de Xerfi. / DR

Les classes moyennes des pays riches ont été depuis l'après-guerre le moteur de la demande mondiale. Derrière cette dynamique : le compromis fordiste fondé sur l'accès au salariat, à l'emploi stable et à la protection sociale.

Et c'est ce compromis qui s'effrite un peu partout dans le monde développé, sous les coups de la mondialisation et du progrès technique mais face à cela, il y a l'eldorado annoncé de l'explosion des classes moyennes des pays émergents. La promesse d'une déferlante de nouveaux hyper-consommateurs potentiels. Fissurer le compromis fordiste pour accéder à ce nouveau potentiel de demande considérable, le jeu en valait bien la chandelle pour les entreprises.

Les symptômes de cette démoyennisation dans les économies avancées, on reprend ici le terme de Julien Damon, sont de plusieurs ordres et se sont aggravés avec la crise.

Il y a d'abord cette tendance longue de stagnation du pouvoir d'achat de la classe moyenne mise à jour par Emmanuel Saez et Thomas Piketty aux États-Unis et la montée concomitante des riches et ultra-riches dans le revenu total. Cet écartèlement de la distribution, on l'observe un peu partout à des degrés divers. Et même en France, qui fait pourtant office d'exception, on note que la masse des revenus des 20% les plus riches rapportée à la masse des revenus des 20% les plus pauvres a nettement  progressé depuis le milieu des années 2000.

Il y a ensuite la déstabilisation des qualifications intermédiaires dans l'emploi. Car ce sont aujourd'hui les ouvriers qualifiés et les employés, qui sont les plus fragilisés par les transformations de l'appareil productif à la fois par l'accélération de la désindustrialisation, et les opportunités liées à la robotisation pour les premiers par les possibilités accrus de numérisation des tâches de gestion, de contrôle et d'administration pour les seconds.

La baisse de la part de l'emploi de qualification intermédiaire et la polarisation aux extrêmes entre les non qualifiés aux emplois dégradés et les qualifiés bénéficiant de la dynamique des secteurs porteurs est manifeste dans tous les pays d'Europe. Cette polarisation accroît le risque de déclassement et les pressions salariales pour les professions intermédiaires.

Face à cela, l'eldorado des classes moyennes des pays émergents est sur les starting-blocks pour rejouer la scène du rush sur l'automobile et de l'équipement domestique qui avait fait les heures heureuses des trente glorieuses en Occident. En 2009, on comptait 1,8 milliards d'individus appartenant à la classe moyenne, dont près de 60% vivaient en Europe ou en Amérique du Nord. L'OCDE en projette 3,2 milliards en 2020 et 4,9 milliards en 2030. Une progression tirée essentiellement par l'Asie.

En gros, la crise de demande mondiale que génère le serrage de ceinture des classes moyennes occidentales ne serait qu'un mauvais moment à passer. A cela près que le rattrapage inexorable des pays émergents apparaît aujourd'hui comme un scénario bien moins lisse que prévu. Il n'est certes pas remis en cause. Ce jeu de bascule gagnant qui nous est promis, ne se fera pas sans désordres et turbulences. C'est le problème de la plupart des transitions de régime de croissance et c'est précisément en plein cœur de l'une d'elle que nous sommes plongés aujourd'hui.

>> Plus de vidéo sur le site Xerfi Canal, le médiateur du monde économique

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Commentaires 13
à écrit le 11/10/2014 à 11:16
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On nous parle de promotions à l'ancienneté dans la bureaucratie française qui seraient terminées... mais quelle est la définition pour mérite républicain? Les fonctionnaires bénéficient de promotion et les diplômés sont exclus de la vie active. Est...

à écrit le 11/10/2014 à 10:53
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On nous dit dans la presse: perspectives négatives... donc nous avons une austérité qui vient. Avec 50% de diplômés chômeurs et une industrie à pédales sans robots... voila le sabotage de l'économie française par des terroristes d'Etat à statut privi...

à écrit le 10/10/2014 à 21:21
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Le monde de demain sera le Bresil des années 80. Quelques ultra riches $ ultra libéraux $ et le reste de pauvres ou d'esclaves. Le problème c'est que le Bresil était alors un pays sous développé. Il va donc se faire à l'idée de la décroissance pou...

le 11/10/2014 à 7:39
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Voui! voui! tout à fait exact!

le 11/10/2014 à 11:19
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C'est déjà le cas!!!

à écrit le 10/10/2014 à 20:17
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Mon évaluation est différente: la peur du communisme a disparu et l arrogance capitaliste réapparait (le danger d explosion s est éloigné). Ce capitalisme n a aucune sensibilité et va rendre les gens des esclaves comme la nature humaine le veut. Donc...

à écrit le 10/10/2014 à 17:55
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Que l'on arrête de jeter la pierre sur le progrès technique, si on vous écoutait on aurait encore des chaises à porteur et non des voitures motorisées !! Il faut voir plus loin... Les gens ne sont pas nés pour travailler comme des bœufs, c'est toute...

le 11/10/2014 à 10:06
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Voiture à porteurs = 4 emplois !

à écrit le 10/10/2014 à 16:14
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Ils essaient de nous préparer psychologiquement et financièrement à la prolongation de la chute de nos revenus du à la politique éminemment pourri de nos gouvernants incompétent en gestion économique et budgetaire

à écrit le 10/10/2014 à 13:01
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Je vous colle mon billet qu' il ne s' agit pas d' une transition malheureusement ! la productivité va plus vite que la demande. Aujourd'hui une seulle usine dans le monde produit toutes les Nike, Reebock, Puma, Addidas, Asics et autres chaussures !...

le 10/10/2014 à 15:55
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Malheureusement, tous les clignotants indiquent que vous avez raison. La machine sans pilote dévore tout sur son passage.....

le 10/10/2014 à 16:10
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Il ne faut pas recommencer à vouloir détruire les machine de Jacquart. La productivité augmente et c'est un énorme bienfait pour tous. Mais il faut veiller à ce que les revenus engendrés soient répartis de façon homogène dans la société (pas l'entrep...

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