2023 : quels risques macroéconomiques et quelles opportunités politiques pour Emmanuel Macron  ?

CHRONIQUE. Prix de l'énergie, inflation, taux, marché du travail, retraites... Face aux difficultés qui s'annoncent cette année, le président de la République doit faire des choix et mener des réformes nécessaires à la future croissance du pays. Par Marc Guyot et Radu Vranceanu, Professeurs à l'ESSEC.
Marc Guyot et Radu Vranceanu.
Marc Guyot et Radu Vranceanu. (Crédits : Reuters)

En ce début d'année, l'inflation semble se stabiliser en Europe grâce à la diminution du prix de l'énergie, du pétrole et du gaz, ces deux derniers étant descendus en dessous de leur niveau de 2019. Avec un prix du gaz en chute libre, le prix de l'électricité ne va pas tarder à diminuer rapidement. Le prix très élevé de l'électricité a joué son rôle en provoquant une forte baisse de la demande de nos concitoyens et permettant, in fine, d'équilibrer l'offre et la demande sans coupure. Le marché a résisté, s'adaptant aux températures polaires de début décembre et clémentes de fin décembre. Cette épreuve majeure confirme une fois de plus l'efficacité des prix de marché pour réguler l'offre et la demande.

Coûts faramineux des mesures administratives

Le gouvernement français met en avant l'impact favorable que ses mesures de contrôle des prix de l'énergie ont eu pour maintenir l'inflation parmi les plus faibles de l'UE. Toutefois il ne mentionne ni le coût faramineux de ces mesures administratives, ni l'excès de demande d'énergie qu'ils ont généré. Les Allemands ont adopté des mesures fortes de soutien aux revenus tout en laissant le marché fixer librement les prix de l'énergie. Cette méthode permet de protéger le pouvoir d'achat tout en utilisant les prix comme signal d'ajustement, ce qui assure une efficacité économique et sociale maximale.

Après son énorme retard à l'allumage (similaire aux autres banques centrales), la BCE (comme les autres banques centrales) a fini par reconnaitre le caractère persistant de l'inflation et a augmenté fortement ses taux courts. Son taux principal est passé de 0% en juin 2022 à 2,5% fin décembre 2022. En revanche, la BCE reste en retard sur la Fed concernant la réduction de son bilan et de son portefeuille d'obligations. La BCE ne cessera de réinvestir les obligations arrivant à échéance qu'à partir du mois de mars 2023. Malgré cela, les taux longs augmentent rapidement. A ce jour, le taux à 10 ans va de 4,3% pour l'Italie à 2,85% pour la France et 2,3% pour l'Allemagne. Avec l'hypothèse plausible que l'inflation va revenir à 2% d'ici 2 à 3 ans, les taux d'intérêt réels redeviennent enfin positifs et vont bien contraindre l'investissement et la demande globale.

La faillite des entreprises les plus fragiles

Il est probable que cette politique monétaire de contraction de la demande provoque une récession de faible intensité en France début 2023 amenant la faillite des entreprises les plus fragiles.

De son côté, le marché du travail en Europe et en France se porte bien. Le taux de chômage diminue à des niveaux historiquement faibles. Malheureusement, cette baisse s'explique essentiellement par la baisse du salaire réel générant des pénuries de main d'œuvre dans de nombreux secteurs. Lorsque les salaires vont rattraper les prix, la tâche de la BCE va être plus difficile et l'embellie du marché du travail pourrait s'estomper.

De prime abord, un niveau élevé d'inflation serait bénéfique pour les finances publiques des États très endettés comme la France. En effet, à court terme, l'inflation provoque une baisse du poids de la dette en proportion du PIB. Ce phénomène est bien à l'œuvre actuellement pour la plupart des pays de l'UE mais est limité car une partie de la dette est indexée sur l'inflation (11% en France). De surcroît, les nouvelles émissions de dettes sont réalisées avec des taux en hausse, dans un contexte où la dépense publique, de facto indexée sur l'inflation, augmente plus vite que les rentrées fiscales (notamment l'impôt sur le revenu dont les tranches d'imposition sont indexées sur l'inflation). Si l'UE rencontre des difficultés énormes pour retrouver une règle fiscale à même de maintenir les dettes des pays membres dans des limites acceptables, le marché des titres et la hausse des taux d'intérêt, en revanche, vont imposer, à terme, une forte contrainte sur les gouvernements.

Dans ce contexte, le gouvernement français, comme les autres gouvernements européens, n'a pas d'autre option que de faire preuve de courage en se lançant dans la rigueur budgétaire. Le bon sens ainsi que la responsabilité seraient de réorienter les aides en fonction des besoins sociaux et non en fonction de la capacité de blocage. Le contrôle des dépenses publiques passe par une fermeté du gouvernement face aux revendications catégorielles et par une protection du niveau de vie des ménages les plus défavorisés. La diminution rapide des prix du gaz et de l'électricité devrait alléger la facture du bouclier tarifaire. L'État a également le devoir de soutenir les entreprises qui ont des problèmes de liquidité mais sont généralement solvables. La baisse du chômage offre également une fenêtre d'opportunité pour la poursuite de la réforme de l'indemnité de chômage.

Mener une vraie réforme des retraites

S'il veut entrer dans l'histoire par la grande porte, Emmanuel Macron doit avoir le courage politique de mener à bien une vraie réforme des retraites. Certes, il devra faire face à la détermination des syndicats officiels mais la dégradation continue de notre économie va conduire à un authentique effondrement à moyen terme, du fait du fardeau fiscal nettement plus lourd qu'ailleurs. Dans la plupart des pays d'Europe, notamment en Allemagne, l'âge officiel de départ à la retraite est de 67 ans, pour un taux de remplacement du revenu pré-retraite moindre qu'en France. En France, les partis d'opposition et les syndicats s'opposent au principe même d'une évolution même modeste de l'âge légal de la retraite. Le combat sera rude ou n'aura pas lieu si le gouvernement finalement passe la main au gouvernement suivant.

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Commentaires 4
à écrit le 07/01/2023 à 10:08
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L'âge de départ à la retraite est conditionné par le maintien des plus âgés dans le travail et ceci ne peut qu'être le fait des entreprises et des orientations du Medef.

à écrit le 07/01/2023 à 9:54
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Le seul risque, c'est que l'on veuille s'adapter plutôt que de tirer des plans sur la comète ! Il serait ingénieux de s'éloigner de "la politique de l'offre", reconnaissable par ces éternelles publicités, pour éviter de continuer a "pédaler dans la s...

à écrit le 06/01/2023 à 22:58
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Le gros problème du gouvernement, c'est que là où il y aurait le plus de grain à moudre, ce serait de baisser les pensions actuelles, mais ce serait suicidaire vu la proportion de retraités dans son électorat...

à écrit le 06/01/2023 à 19:32
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"S'il veut entrer dans l'histoire par la grande porte,", il y est déjà : en tant qu'un des plus grand traître au peuple français. Fossoyeur de la république dont Sarko et Hollande avaient commencé à creuser la tombe. La France est devenue officiellem...

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