Aide à domicile : la politique de l'autonomie ne peut se faire sans les professionnels... Et vite  !

OPINION. La crise de la covid-19 a exposé le manque de reconnaissance des Services d'Aide et d'Accompagnement à Domicile (Saad). Ça ne semble pourtant pas préoccuper les pouvoirs publics. Par Frank Nataf, président et fondateur AUXI'life.
La ministre déléguée à l'autonomie et au handicap Brigitte Bourguignon vient d'annoncer un report sine die de la réforme sur l'autonomie.
La ministre déléguée à l'autonomie et au handicap Brigitte Bourguignon vient d'annoncer un report sine die de la réforme sur "l'autonomie". (Crédits : Reuters)

Ils sont les héros de l'ombre de la pénible année 2020. Dans la France confinée, le personnel des services d'aide et d'accompagnement à domicile (les Saad) a constitué un rempart efficace contre l'isolement des personnes les plus fragiles. Conscients de leur rôle, ils ont quotidiennement procuré un soutien physique et moral aux plus vulnérables, prodiguant les gestes essentiels de la vie et de la dignité, comme l'alimentation ou la toilette. En assurant la veille sur la détérioration de l'état des personnes et en sécurisant les retours d'hospitalisation, ils se sont également affirmés comme les précieux alliés de terrain des services hospitaliers, pris dans la tourmente de l'épidémie.

Et pourtant, tout au long de cette crise, les Saad ont été traités comme des acteurs de second plan : difficultés d'approvisionnement en équipements de protection, directives kafkaïennes, une organisation locale totalement disparate... Cela ne les a pas empêchés de répondre présents, armés de leur sens du devoir et de leur abnégation. Quand bien même, les difficultés ont continué à̀ s'amonceler : revirement du gouvernement sur le versement de la prime COVID, protocole d'intervention inapplicable ou encore, parution extrêmement tardive du décret sur le maintien du versement des participations des départements aux plans d'aide APA et PCH... Ubuesque. La situation prêterait à rire si elle n'était pas si préoccupante.

Les oubliés des politiques publiques

Soyons francs : les professionnels des services d'aide et d'accompagnement à domicile ont souvent, pour ne pas dire toujours, été oubliés des politiques publiques.

Aujourd'hui, la crise de la covid-19 expose cette injustice et démontre leur importance. L'épidémie a touché principalement les personnes fragiles, en particulier les seniors. Or, d'après l'INSEE, la France comptera en 2050 quatre millions de personnes âgées en perte d'autonomie. Cela représente 16,4 % des seniors de 60 ans et plus (contre 15,3 % en 2015).

Notre pays doit par conséquent se préparer à̀ mieux affronter les futures crises sanitaires, les canicules et, surtout, le pic de vieillissement de la population. D'autant que 85% des Français affirment vouloir vieillir à domicile. Quel sujet majeur, aujourd'hui, fait consensus auprès de presque 9 Français sur 10 ? Aucun !

Un grand flou

Depuis le rapport de Dominique Libault posant les bases d'une nouvelle politique de soutien à l'autonomie, le gouvernement annonce comme prioritaire une loi qui devait être votée en 2019, puis avant l'été 2020. Confinement oblige, elle devait ensuite être présentée en Conseil des ministres avant la fin 2020. Puis le Président Emmanuel Macron, en personne, l'a annoncée pour à la fin du premier semestre 2021. Aujourd'hui, la ministre déléguée à l'Autonomie Brigitte Bourguignon affirme toujours la vouloir pour cet été. Mais certains au gouvernement jugent que cette réforme n'est pas un «projet porteur» pour 2022 !

Bref, c'est le grand flou.

Pour l'instant, peu d'éléments sur le contenu de cette loi ont filtré. Mais on sait déjà que la gestion de la cinquième branche de la Sécurité sociale sera confiée à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). Cet organisme avait été créé après la canicule de 2003 afin de gérer notamment les fonds récoltés grâce à la journée de solidarité envers les personnes âgées. On peut se satisfaire de ce pilotage national par la CNSA, néanmoins on s'interroge sur la conservation de la gestion financière par les départements. La prime covid illustre parfaitement ce problème. Versée neuf mois après le pic de l'épidémie, cette aide de l'État a été distribuée par les départements de manière inégale.

La loi «autonomie» doit permettre une véritable société inclusive. Cette loi doit garantir une réponse aux aléas de la vie que sont le grand âge et le handicap. Pour cela, il apparaît impératif que cette loi permette un rééquilibrage budgétaire pour les sociétés domiciliaires, favorisant ainsi la possibilité aux personnes dépendantes de rester chez elles.

Quelles bases?

Le texte doit donc donner corps aux principes d'égalité et de liberté de choix du parcours de vie et du parcours de soin, de liberté d'organisation de l'offre sur les territoires et enfin, de gestion paritaire de la solidarité nationale.

Bref, la future loi doit se construire sur les bases suivantes :

- Sortir d'une compensation de la perte d'autonomie pour entrer dans l'ère de l'accompagnement à l'autonomie s'adressant aux personnes âgées at aux personnes en situation de handicap.

- Réformer en profondeur le secteur de l'aide à domicile (financement et gouvernance). Il est impératif de garantir l'équilibre budgétaire et les capacités d'investissement des Saad. Un tarif horaire de 30 euros dès 2020 avec ticket modérateur et possibilité de reste à charge supralégale doit être revendiqué. Cela représente un investissement supplémentaire de 3,6 milliards d'euros par an.

- Reconnaître et étendre le rôle de l'aide à domicile dans l'accompagnement à l'autonomie.

- Créer une véritable filière économique et professionnelle de l'autonomie et permettre ainsi un recrutement plus conséquent, nécessaire pour faire face à la demande croissante des interventions.
- Garantir le financement des besoins des personnes fragiles,
- Assurer la liberté tarifaire et la liberté de choix des personnes.

Ainsi charpentée, cette loi permettrait de créer une véritable filière du domicile, de revaloriser les rémunérations et garantir les conditions d'une véritable gestion de carrière. L'ambition est de faire du secteur du domicile l'acteur central de la politique de l'autonomie.

Le défi est de taille. Et urgent ! Les décideurs politiques doivent se positionner maintenant. Malheureusement, ce n'est pas le cas. La ministre Brigitte Bourguignon vient d'annoncer un report sine die de la réforme. Il serait pourtant souhaitable d'avancer sans procrastiner. Une loi avant la fin du quinquennat est pourtant impérative. Les héros, mêmes sous-estimés, ne peuvent pas être les otages d'une crise sanitaire.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 3
à écrit le 30/01/2021 à 0:09
Signaler
Auxilife société pour laquelle j'ai travaillé ...de l'esclavage moderne je fesais 8h-19h sans pauses ..et une que on n'a plus besoin de vous au revoir

à écrit le 22/01/2021 à 9:06
Signaler
"Les héros, mêmes sous-estimés, ne peuvent pas être les otages d'une crise sanitaire." La plupart des citoyens du monde sont des otages de cette "crise" sanitaire maintenant il est vrai, le manque cruel de connaissance de la réalité de nos dirige...

à écrit le 21/01/2021 à 21:54
Signaler
Pardon, mais qui est cette dame ? 😁

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.