Bataille du rail : Emmanuel Macron en jeu

11 mois après sa victoire, Emmanuel Macron devrait donc faire face, enfin diront certains, à son premier grand conflit social. On peut même dire qu'il s'agit là de son premier véritable test politique d'ampleur malgré l'absence d'un quelconque lien entre le mouvement cheminot et les forces d'opposition politique ! Par Jean-Christophe Gallien, professeur associé à l'Université de Paris 1 La Sorbonne, président de j c g a.
(Crédits : DR)

Il se pourrait que cette bataille du rail, qu'il a choisi de déclencher et qu'il assume, devienne, en cas de reddition syndicale, un formidable accélérateur de destin politique. La victoire, même lente, confirmerait les pouvoirs inédits du mage Macron. Quelle serait ensuite la limite de son ambition ? Quelle part d'audience resterait à l'opposition politique ? Nul doute que le Super Président des ruptures choisirait de tout bousculer en version Président bulldozer : retraites, fonction publique, université, ...

Il se pourrait aussi que les fantômes de 1995 réapparaissent. Un recul trop conséquent et surtout trop visible et Emmanuel Macron serait durablement affaibli. En France et en Europe, il perdrait le contrôle de ce destin politique, personnel aussi, qui ne semble connaître que la gagne.

Habile stratège, Emmanuel Macron a, pour l'instant, déserté le champ de cette bataille du rail. Ce we Pascal, si on l'a croisé médiatiquement jouant au tennis au Touquet, c'est son Premier ministre qui pilote et pilonne avec Elizabeth Borne, la ministre des Transports et la majorité parlementaire. Comme en 1995 ...

Les batailles sociales sont devenues des combats d'opinion et Édouard Philippe et ses troupes ont préparé et accompagné le terrain de la négociation en bombardant, par le haut, médiatiquement, très lourdement la SNCF. Dramatisant sa situation, ses résultats, critiquant ses services, ses employés et lui prédisant un destin funeste si rien ne changeait. Surtout le Gouvernement a misé sur une narration du peuple pris en otage par les privilégiés. Edouard Philippe et ses troupes jettent, dans le conflit, des Français qui, selon lui, vont souffrir des agissements inacceptables des grévistes et qui paient directement de leurs poches, depuis trop longtemps, les errances et abus de ceux qui ne veulent rien changer.

Le « en même temps » macronien est pourtant lui aussi à l'oeuvre. Plus ou moins discrètement le Gouvernement a déjà bougé les lignes et lâché du lest. Renoncement partiel aux ordonnances, ralentissement du calendrier, portabilité des droits sociaux dans de futures sociétés de droit privé, ... là encore en prenant l'opinion à témoin de sa détermination ferme mais éclairée et bienveillante.

La bataille du rail 2.0 se joue donc entre combat médiatique et conflit de terrain. Les syndicats tentent de s'adapter à cette exigence et à leurs capacités réelles de mobilisation. Ils inventent une stratégie d'un nouveau genre, asymétrique. Une sorte de guérilla annoncée. Elle aussi hybride et pensée pour durer le plus longtemps possible, ouvrir ainsi la possibilité d'association avec d'autres luttes spécifiques ou catégorielles et plus loin emporter par proximité d'enjeu ou de situation l'adhésion d'une opinion publique pour l'instant plutôt partagée. On aimerait leur rappeler qu'ils auraient pu, dans le contexte spécifique de la bataille du rail, intégrer la grève du contrôle et gagner immédiatement et jusqu'au bout les soutiens de tous les publics usagers ou non !

Les syndicats jouent une ultime bataille avant, s'ils la perdent, de disparaître inexorablement. Ils ont le champ libre pour tenter de se refaire ... politiquement tant les forces des gauches et d'opposition semblent dépassées, inaudibles voire comme Jean Luc Mélenchon hier, repoussées.

Bien sûr l'enjeu de cette bataille, qui encore une fois sera longue, concerne d'abord le futur de la SNCF. Changement de statut ? de gouvernance ? Reprise de la dette ? Privatisation ? Mais il se joue beaucoup plus dans ce conflit. C'est le destin de la méthode Macron et donc celui du Président de la République. L'évaluation de son efficacité réelle. Trop de reculs, rupture au rabais et Emmanuel Macron ouvrira la porte au retour des alternatives voire à une crise politique. Victoire, même à la Pyrrhus, et il aura fait un grand pas vers un prochain mandat. Feuilleton à suivre.

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Par Jean-Christophe Gallien

Professeur associé à l'Université de Paris 1-La Sorbonne
Président de j c g a, et vice président de ZENON7 Public Affairs
Membre de la SEAP, Society of European Affairs Professionals

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Commentaires 21
à écrit le 05/04/2018 à 9:29
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JEan-Christophe Gallien, adorateur du mac. Au début je pensais que c'était purement formel mais en fait non, votre amour pour le personnage vous aveugle et du coup nous induit en erreur. Passion n'est pas raison, vos papiers sont insipides.

à écrit le 04/04/2018 à 22:21
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Macron n'a rien à voir la dedans .C'est un conflit patron /syndicat,avec un patron qui est l'Etat dont la Ministre est le représentant ,un syndicat qui défend des acquis sociaux,L'A.N. qui améliore l'interêt national à M.T.par la loi .Hollande a en ...

à écrit le 04/04/2018 à 21:32
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Victoire? Election, tout au plus! Quelle rage ont ceux que nous choisissons pour gérer notre Etat de nous déclarer la guerre sous prétexte de "réformes"? Si nous chérissons encore le bon roi Henri (IV), c'est qu'après son départ, les Français d'alors...

à écrit le 04/04/2018 à 21:30
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Tout cela n'est pas une demande des français mais de Bruxelles, une "élite" nous a imposé un "traité" qui a construit une administration hors sol pour nous imposer un dogme et ses réformes!

à écrit le 04/04/2018 à 21:26
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Tout cela n'est pas une demande des français mais de Bruxelles, une "élite" nous a imposé un "traité" qui a construit une administration hors sol pour nous imposer un dogme et ses réformes!

à écrit le 04/04/2018 à 21:13
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Toujours aussi rafraîchissant de lire les commentaires de trolls communistes sur les pages d'un journal économique. Sur le fond ce qui se joue c'est simplement l'adaptation d'une structure archaïque aux réalités du monde moderne.

à écrit le 04/04/2018 à 18:41
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La secte des cheminots doit être dissoute. C'est devenu ne nécessité républicaine. Qu'attend la fameuse Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES) pour donner un avis éclairé.

à écrit le 04/04/2018 à 17:29
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Dans tous les cas il en sortira affaibli.....recule ou pourrissement....soit il ne sera pas "courageux" pour certains, soit cela confirmera son statut de Président des riches qui s'attaque au final aux plus faibles... (que l'on ne viennent pas dire q...

le 04/04/2018 à 21:42
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.... n'est pas Bonaparte qui veut !

à écrit le 04/04/2018 à 16:59
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J'aime votre regard avisé cher Jean Christophe Gallien. Vous devriez diffuser vos analyses via une chaîne vidéo pour plus de diffusion. Maintenant vous restez un peu sur la surface cette fois. Pourquoi ne pas dénoncer l'alliance mortifère des médiocr...

à écrit le 04/04/2018 à 16:51
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TTTB cher Jean Christophe Gallien ! Vous posez, encore une fois, l'enjeu véritable : suite triomphale pour Macron le capitaliste financier ou survie des forces syndicales et d'opposition à ce La Finance En Marche - LFEM -. Il faut en finir avec le "m...

à écrit le 04/04/2018 à 15:57
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Cette antienne de la bataille de l'opinion est un peu stupide .d'abord parce qu'il n'y a pas de questions ,donc pas de réponses.Quand on demande à quelqu'un dans un sondage "pensez -vous que ...primo les gens ne pensent pas ,ou pensent à autre chose ...

le 04/04/2018 à 16:43
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#poloka, merci pour votre appréciation. Il y a bien cependant une prise en otage par les 2 parties des usagers et plus loin de leurs familles et donc d'une partie de l'opinion.

le 04/04/2018 à 21:45
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C'est curieux de constater a l'occasion des grèves que certains sont BEAUCOUP plus indispensables a la société que d'autres ! Et curieusement ce ne sont pas les mieux payés !

à écrit le 04/04/2018 à 15:34
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M. Gallien, en bon gardien du temple confortablement lové dans fauteuil, c'est votre esprit petit bourgeois qui propose de faire la grève du contrôle. La réalité est, hélas, bien différente. Des jurisprudences ont déjà donné tort à cette forme d'act...

le 04/04/2018 à 16:41
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#Alou, pourquoi ce ton, je ne suis pas le seul à imaginer cela, les associations - officielles - des usagers le proposent. En effet la forme de ce type de mouvement est surveillée mais, vous ne pouvez l'ignorer, la pratique est bien réelle et depuis ...

le 04/04/2018 à 17:02
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Alou apprends à respecter les avis des autres même si tu ne les partages pas. Cette possibilité est complexe à mettre en oeuvre mais peut être, comme le propose Gallien, intégrée à un dispositif de type guerilla. Nous l'avons fait et le ferons, sans ...

à écrit le 04/04/2018 à 14:12
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A force de reculer,Macron a déja perdu la bataille,meme si les médias nous disent le contraire. Il fallait le voir dans sa voiture au Touquet,un peu comme De Gaulle partant en 68 pour Baden. Il faut maintenant donner du grain a moudre aux cheminot...

le 04/04/2018 à 16:48
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Rogger vous n'aimez pas les cheminots c'est votre droit. Oui nous possédons des statuts qui, en partie, nous offrent des avantages supérieurs à la moyenne des travailleurs français. Pourquoi vous ne vous intéressez-vous pas aux rémunérations de nos d...

le 04/04/2018 à 17:53
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@KAKA:ce qui est remarquable c'est que vous n'avez meme pas conscience de ruiner les gens plus modestes.Eh oui,quand on a des conditions confortables,on ne sait plus ou est la réalité,tout vous est du,faut que ça tombe,l'état doit aligner.Personne n...

le 05/04/2018 à 6:13
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A Rogger. Le pb majeur de la France, {qui ne date paqs d'hier}, ce sont ses corps. Le pays est malade de ses corporations, et c'est precisement ce point precis qui va le tuer. Le malade est tres mal en point.

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