Bourse : l'essor des méga-capitalisations

[OPINION] La montée en puissance des "méga-capitalisations" d'Amazon, Apple et autres Alphabet (Google) peut fasciner par la dimension stratosphérique des performances, mais elle interpelle aussi quant à leur impact sur les élections, les salaires, une possible baisse de la productivité consécutive à la disparition de pans entiers de main-d’œuvre, ou encore sur la volatilité des marchés financiers. Par Paul Flood, gérant de portefeuille Multi-Asset chez Newton Investment Management (BNY Mellon IM).
Paul Flood, Newton Investment Management (BNY Mellon IM).
Paul Flood, Newton Investment Management (BNY Mellon IM). (Crédits : DR)

Alors qu'Amazon se joint à Apple dans le club stratosphérique des valorisations frôlant les 1.000 milliards de dollars, sommes-nous prêts à faire face à un groupe d'entreprises qui laissent derrière elles de grosses, voire des méga-capitalisations ? Quels sont les enjeux pour les marchés et en termes de choix d'investissement ?

Impact sur les élections, la volatilité des marchés, les salaires...

L'immensité de ces sociétés va au-delà de leur capitalisation boursière, qui fait couler tant d'encre. Elles ont un impact important sur les élections, sur les salaires mais aussi sur la productivité. Amazon, par exemple, est massivement productif, mais est aussi en train d'anéantir une grande partie de la main-d'œuvre d'autres secteurs. Cela conduit-il à une baisse de la productivité dans l'économie américaine au sens large ?

Au fur et à mesure que ces sociétés « giga » deviennent de plus en plus importantes au sein des indices, elles sont susceptibles de créer une volatilité accrue sur les marchés, car leur poids cumulé domine les mouvements des indices. Les investisseurs en ETF qui suivent ces indices verront de plus en plus leur rendement dépendre d'un petit nombre de grandes sociétés.

Ayant récolté les fruits d'une génération entière qui a grandi avec la technologie, qui la connaît mieux et qui l'utilise de façon plus innovatrice, ces entreprises sont fermement à l'avant-garde. Pour ce qui est de savoir s'il s'agit d'une nouvelle aube pour les entreprises à l'extérieur du secteur technologique, c'est difficile à voir, mais certaines leçons seront tirées de leur montée en puissance.

Le revirement phénoménal d'Apple, en quasi faillite il y a vingt ans

Il faut se rappeler qu'Apple a failli faire faillite il y a 20 ans et qu'il s'agit maintenant de la première société valorisée à 1.000 milliards de dollars. C'est un revirement phénoménal, mais pour chaque « Apple » qui connaît un énorme succès, il y en aura beaucoup d'autres qui vont faire faillite.

La comparaison avec la fable « Le lièvre et la tortue », pour faire référence au rythme de croissance d'Apple par rapport à celui d'Amazon pour atteindre sa capitalisation boursière de 1.000 milliards de dollars, semble un peu facile. Selon Reuters, il a fallu 38 ans à Apple pour atteindre ce cap, contre 21 ans pour Amazon. Avec Microsoft et Alphabet sur leurs talons, l'analogie pourrait se répéter.

Une croissance qui a bénéficié de quelques coups de pouce

Amazon s'est montrée douée pour laisser tourner des projets. Si l'analyse de rentabilité s'avère utile, elle permet à l'entreprise de continuer à fonctionner. Si elle ne fonctionne pas, elle met fin au projet, ce qui lui a permis d'appliquer un bon modèle commercial à cet égard.

L'émergence des deux géants qui entrent dans une nouvelle classification de capitalisation est préoccupante car ils se trouvent dans un secteur où la réglementation a pris du retard. Ces entreprises ont bénéficié de l'incapacité de la réglementation à suivre le rythme rapide de l'évolution du secteur technologique. Un rééquilibrage est à prévoir.

Par ailleurs, autre sujet de préoccupation : la croissance observée pour atteindre de tels sommets de valorisation repose en partie sur un coup de pouce artificiel donné par des subventions gouvernementales non intentionnelles. Il ne s'agit pas seulement de l'impact fiscal (les deux sociétés ont été confrontées à la controverse au sujet de leurs faibles taux d'imposition et des réductions d'impôts aux États-Unis l'an dernier), mais des annonces récentes selon lesquelles de nombreux employés américains d'Amazon ont reçu des coupons alimentaires.

Si le gouvernement subventionne indirectement ces entreprises, cela serait un risque. Amazon a peut-être une main-d'œuvre importante, mais si le gouvernement finit par verser des prestations à ses employés, il subventionne la rentabilité de l'entreprise. À long terme, la situation ne serait pas viable.

Le virage des services

Beaucoup de chemin a été parcouru, mais Apple peut aller encore plus loin. Il s'agit davantage d'une entreprise de consommation que d'une entreprise de technologie. La société génère beaucoup de revenus fondés sur les services qu'elle n'avait pas avant, ce qui tend à être plus reproductible que le cycle typique d'un téléphone mobile. Le streaming musical et l'Apple Store génèrent beaucoup de revenus, profitant des avantages de sa clientèle plus aisée, qui a tendance à dépenser plus pour des applications.

Après avoir été un leader de l'innovation dans l'espace mobile, le groupe n'a pas encore démontré ses talents dans d'autres secteurs. Les opportunités sont par exemple énormes dans le secteur automobile. Qu'il s'agisse d'un logiciel ou d'une interface, et qu'il s'agisse de véhicules traditionnels ou électriques, les possibilités à exploiter sont innombrables.

Des inquiétudes sur le prix et les données personnelles

En dépit de ses perspectives, des inquiétudes subsistent quant au pouvoir d'Apple en matière de fixation des prix dans le domaine des téléphones portables. Malgré le taux de rétention élevé du produit, son coût présente un risque. Les gens qui possèdent des produits Apple ont tendance à en acheter davantage. Le problème sur ce marché : soit vous payez 1.000 dollars pour un téléphone, soit vous achetez un téléphone d'un fabricant chinois qui a de nombreuses fonctions similaires, potentiellement à moitié prix. L'enjeu ici : les consommateurs demeureront-ils fidèles aux produits Apple ou bien se laisseront-il tenter par d'autres produits ?

L'autre problématique soulevée en ce moment réside dans l'utilisation des données personnelles des consommateurs. Apple a été très clair sur ce point et n'utilise pas les données personnelles de manière inappropriée et ne les vend pas à des tiers. À nos yeux, il serait difficile pour certains concurrents d'affirmer la même chose.

Amazon a quelques similitudes avec Apple : il s'agit en effet d'une entreprise de technologie, mais surtout de vente au détail. Elle a bénéficié de la révolution technologique massive qui a commencé à la fin des années 1990 et cette technologie commence seulement à porter ses fruits.

Dans les pans de l'économie où les marges seront élevées et où fonctionnera le capitalisme, les gens seront attirés pour faire des affaires et pour copier ce qui fonctionne bien. Les marchands traditionnels verront ce qu'Amazon a fait et réagiront en conséquence.

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Commentaires 3
à écrit le 28/10/2018 à 10:42
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Ah toutes ces questions "nouvelles" que l'on se pose bizarrement maintenant avec les GAFA alors qu’elles existaient bien avant déjà, pour les autres multinationales mais que les médias de masse ne posaient jamais concernant BAYER-MONSANTO par exemple...

le 28/10/2018 à 19:58
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Les sociétés que vous citez valent 8-10x moins qu’Apple ...

le 30/10/2018 à 9:42
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" Les sociétés que vous citez valent 8-10x moins qu’Apple ... " ET donc ? Ça justifie quoi le fait que ces multinationales cana historiques ont des méthodes mafieuses ? Vous trollez, si vous n'êtes pas en mesure de valider mon commentaire vou...

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