CE, délégués du personnel, patrons : STOP à l'affrontement !

S'agissant du dialogue social et de la représentation des salariés, la question des seuils sociaux n'en est pas vraiment une. Ce qu'il faut changer, ce sont les règles du jeu, pour restaurer une confiance qui n'existe plus. Par Gilles Lecointre, entrepreneur, professeur à l'Université de Paris Ouest et enseignant à l'Essec

Sur la question de la représentation du personnel dans l'entreprise, nous restons, comme souvent, à la surface du problème en laissant de côté ses aspects les plus profonds.
En l'espèce, la surface du problème c'est la définition statistique des seuils sociaux. On constate en effet que bon nombre de PME se « contentent » de neuf salariés ou bien de 49 afin d'éviter soit le délégué du personnel, soit le Comité d'entreprise. On en conclut hâtivement que cela bloque l'emploi.

Un entrepreneur "fait avec" son environnement

Comme si un chef d'entreprise arrêtait net tout projet de développement sous prétexte de la perspective mortifère de devoir discuter avec un représentant de son personnel. Ceci n'est pas sérieux car tous les entrepreneurs qui aujourd'hui « font de la croissance» et ont réussi, vous diront qu'ils ne sursoient pas à leur plan du fait d'une règle administrative, fiscale ou sociale « dérangeante ». L'art et la prise de risque de l'entrepreneur innovant et créant de la valeur (et donc de l'emploi) est de « faire avec » son environnement et de trouver les moyens pour surmonter les obstacles d'une organisation sociale complexe.
Ceci ne signifie pas pour autant que le problème n'existe pas. J'ai été près de 30 ans chef d'entreprise et j'ai pu constater que c'est parfois compliqué de dialoguer avec des représentants du personnel ! Mais ces difficultés prennent toujours leur source au même endroit: s'il y a confrontation et non pas échange, s'il y a opposition plutôt que recherche de compromis, s'il y a mauvaise foi des deux côtés de la table, s'il y a grève plutôt que sortie par le haut, c'est que la confiance n'existe pas. Et, sans la confiance, on ne construit rien de solide et de durable.

Le maintien de vieux schémas de pensée...

Mais pourquoi la confiance n'existe-t-elle pas entre employeurs et employés ? Parce que nous sommes encore attachés à de vieux schémas de pensée qui nous ramènent à la lutte des classes, à la méfiance envers ceux qui gagnent de l'argent, à la crainte de tout ce qui est nouveau et peut casser nos traditions et nos habitudes..... Bref pour des raisons historiques et culturelles nous restons allergiques à tout ce qui contribue à la bonne santé d'une économie.

...alimenté par certaines pratiques

Et comble de malchance, dans un pays en difficulté comme le nôtre sur fond de crise mondiale, les faits donnent souvent des arguments chocs à ces vieilles lunes : licenciements « boursiers », rémunérations indécentes de certains patrons, comportements moraux et financiers douteux d'hommes politiques ou de syndicalistes, grèves sauvages et sans vrai motif, séquestration de dirigeants, syndicats très peu représentatifs, salariés qui se cachent et se protègent derrière leur statut d'élu, absence de projets clairs et partagés dans l'entreprise, manque de vision nationale stratégique à long terme nous accrochant sur quelques valeurs et quelques idées motrices et motivantes...... Beaucoup de ces faits objectifs peuvent expliquer des attitudes de repli, de rejet du système et de retour en arrière.

Changer les règles du jeu

Alors comment faire ? Pour restaurer une confiance qui n'existe plus, il faut changer les règles du jeu et construire les bases d'un vrai respect mutuel. La première de ces règles est l'acceptation du temps : il faut du temps pour se rencontrer, se connaître, s'apprécier sur des valeurs communes, rester ensemble, surmonter les moments difficiles, partager une vision d'avenir, répartir équitablement les fruits de la réussite. Ces règles sociales sont les fondements du succès économique.
Or, qui peut prétendre qu'un salarié au SMIC en CDD à horaires flexibles puisse être attaché à l'entreprise qui le paie et associé à son devenir ? Qui peut nier qu'un projet entrepreneurial cela prend au moins cinq ans avant d'être un moteur économique générateur d'emplois pérennes ? Le zapping social et économique détruit le système en conduisant les salariés, au mieux à l'indifférence, au pire à sa contestation radicale. Le manque d'engagement des employés décourage les employeurs, ruine la créativité et entrave la croissance.

Un engagement collectif à long terme

Nous devons donc accepter de nous engager collectivement à long terme pour nous donner une chance d'avoir un destin favorable. Les employeurs et les salariés, mais aussi l'Etat (qui fixe le cadre), sont liés dans cette affaire et doivent donc reconstruire leur rapport dans ce sens.
La deuxième règle pour changer la donne et repartir du bon pied est de proposer des projets mobilisateurs dessinant un avenir meilleur. Combien d'entreprises de toutes tailles, combien d'Etats, sont incapables de discuter, de partager, de mettre en œuvre collectivement une vision et des objectifs auxquels l'ensemble des acteurs économiques adhèrent et acceptent de se mettre en mouvement.

S'affranchir du système financier court-termiste

Tout ceci n'est pas utopique, cela existe dans beaucoup d'organisations en France. Je vois bien aussi qu'une partie grandissante des étudiants souhaitent s'affranchir du système financier court-termiste que leurs bons vieux parents soixante-huitards repentis voudraient leur imposer comme le seul chemin possible. Ils souhaitent aussi, parce qu'ils sont jeunes et qu'ils voyagent, mixer les approches, marier les cultures, pratiquer le dialogue.
Faisons confiance à la jeunesse pour rebâtir quelque chose qui ne fonctionne plus, avec des acteurs usés et qui cherchent à maintenir un système qui leur est favorable et qui les arrange.
Transformons des rapports sociaux minés par la défiance en une force positive au service de la réussite collective. Pour ce faire, changeons la façon de travailler, de se parler, de contractualiser et respectons-nous mieux entre salariés et employeurs. Les instances représentatives qui en découleront auront alors une autre attitude, tournée vers le réalisme et l'envie de réussir ensemble. La forme de ces instances et leurs règles de fonctionnement seront adaptées à la dimension de l'entreprise et de ses problèmes. Les patrons seront alors fiers de leurs salariés et de leurs compétences. Les employés adhéreront au projet de « leur » entreprise parce qu'ils en seront partie prenante.
Inventons la sociale-économie tout de suite !

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Commentaires 2
à écrit le 01/04/2015 à 19:14
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merci pour ces commentaires Ce que j'ai voulu dire: - on a les comités d'entreprise qu'on mérite et à force de diaboliser les syndicats on les renforce dans leur attitude politique et on empêche les salariés responsables de se présenter; - il y a ...

à écrit le 01/04/2015 à 13:30
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Cher auteur, tout d'abord merci pour cet article intéressant. 2 points cependant, les entreprises qui font tout pour ne pas dépasser les 50, en 10 ans seulement d'expérience professionnelle j'ai déjà travaillé pour 2 d'entre elles. Je peux vous dire...

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