Chirurgie robotique  : lever les blocages au bénéfice des patients et de la collectivité

OPINION. Comme le soulignait un rapport récent de l'Agence de Santé Ile-de-France, le développement de la chirurgie robotique recèle de bénéfices considérables pour les patients et pour la collectivité. Cependant, l'accès au robot chirurgical demeure très inégal d'un territoire à l'autre. Comment y remédier afin que la robotique chirurgicale soit un atout pour la refondation du système de santé ? La clé réside sans doute dans une collaboration renforcée entre sociétés savantes, industriels, professions médicales et paramédicales. Par Patricia Chesnais, directrice générale France & Benelux de CMR Surgical.
(Crédits : DR)

La chirurgie robotique est née, il y a près de 40 ans, de la volonté d'accroître la précision du geste chirurgical et d'améliorer la dextérité du chirurgien afin de faciliter la mise en œuvre d'une chirurgie mini-invasive, plus précise et plus respectueuse du patient. Les premiers robots chirurgicaux ont fait leur apparition à l'hôpital à partir de 1985, année où le robot américain Puma, dédié à la neurochirurgie, a été installé à la clinique de Long Beach, en Californie. Autre jalon mémorable, dans l'histoire du développement de la chirurgie robotique, dans le domaine de la chirurgie des tissus mous, la prouesse extraordinaire, réalisée en 2001 par le professeur Jacques Marescaux , fondateur de l'IRCAD (institut de formation et de recherche sur la chirurgie mini-invasive). Cet exploit chirurgical et technologique consistait à opérer de la vésicule biliaire une patiente hospitalisée à Strasbourg à partir de New York, grâce à un robot chirurgical connecté. Il ouvrait la porte à ce qui semblait jusqu'alors impossible : accéder à distance à l'expertise d'un chirurgien, abolissant ainsi les inégalités territoriales afin de permettre l'accès de tous, où qu'ils se trouvent, aux meilleurs soins.

Car c'est bien l'idée-force de la robotique chirurgicale : permettre à tous les patients de bénéficier d'une chirurgie de la plus haute qualité, œuvrer pour l'égalité d'accès aux meilleurs soins. La robotique chirurgicale se concentre désormais sur le renforcement des compétences, en permettant à plus de chirurgiens d'accéder à l'excellence des procédures mini-invasives, notamment dans des disciplines comme la chirurgie gynécologique, urologique, digestive ou encore la chirurgie thoracique. Pour ce faire, elle propose des outils qui décuplent les capacités de l'opérateur - grâce à la vision en 3D haute définition de l'anatomie opératoire, qui optimise la précision du geste, ou encore grâce à la possibilité d'articuler des mouvements complexes, ce que les outils longs et droits de la coelioscopie classique, manuelle, ne permettent pas. Avec l'assistance robotique, la chirurgie mini-invasive devient ainsi non seulement plus précise mais aussi potentiellement accessible à tout opérateur ayant reçu une formation de qualité sur le système.

Cette capacité de démocratiser l'accès à la chirurgie mini-invasive est indispensable pour atteindre les objectifs fixés par les tutelles. Aujourd'hui, en France, le taux de chirurgie ouverte demeure, selon les spécialités, entre 25 et 60%, comme mentionné dans le rapport de l'ARS Ile-de-France de 2019. Cette persistance de la chirurgie ouverte, plus invasive et traumatique, constitue un frein au succès du virage ambulatoire, objectif majeur dans la modernisation du parcours de soin, ou encore au développement du parcours de récupération améliorée après chirurgie (RAAC)recommandés par la Haute Autorité de Santé (HAS). La chirurgie robotique ou robot-assistée est donc un atout dans cette évolution.

De même, elle est un atout pour préserver la santé du chirurgien. Assez étrangement, la santé des médecins n'est pas souvent évoquée, alors que dans un contexte où la démographie médicale est un enjeu majeur, il convient d'y prêter particulièrement attention. Il faut savoir que la chirurgie, et particulièrement la chirurgie coelioscopique sans assistance robotique, est très éprouvante pour le corps, du fait de des gestes répétitifs et du maintien prolongé de postures inconfortables potentiellement délétères pour le système musculosquelettique. Une étude publiée en 2022 dans The Journal of robotic surgery, réalisée sur une population de 462 chirurgiens, a ainsi montré que 87% des chirurgiens ressentaient « parfois » une gêne pendant l'opération et que nombre d'entre eux considéraient l'âge comme un frein à leurs performances professionnelles, 18,6% envisageant une retraite anticipée pour des raisons de difficultés physiques et 83 d'entre eux ayant rapporté la survenue de malaises.

Nous, professionnels de la robotique chirurgicale, devons être à l'écoute des chirurgiens et plus généralement de l'ensemble de l'équipe chirurgicale, afin d'améliorer sans cesse l'ergonomie des systèmes que nous développons. Comme nous devons être attentifs à l'impact de nos systèmes sur les organisations, les ressources humaines, les relations interprofessionnelles au sein de l'hôpital. Comment implémenter un projet robotique en respectant au mieux l'organisation des équipes hospitalières ? Comment organiser la formation avec le moins d'impact possible sur la gestion des ressources humaines ? Comment assurer la formation des jeunes chirurgiens qui n'imaginent pas l'avenir sans robotique, mais n'ont, bien souvent, pas l'opportunité de se former pendant leurs études ? Comment apporter la preuve des bénéfices de la robotique chirurgicale pour le patient, pour l'hôpital, pour le système de santé ?

Aujourd'hui, alors que la robotique s'impose comme le modèle de la chirurgie du futur, il est important de discuter des modalités de son évolution, non pas dans une perspective purement technologique, mais dans une dynamique collective, interdisciplinaire, intégrant évaluation, formation, financement.

Une dynamique qui associe, dans une même réflexion, acteurs publics et acteurs privés, industriels et monde académique (centres d'excellence, sociétés savantes, académies, universités), professionnels de la santé, mais aussi de l'économie afin de réfléchir ensemble à l'amélioration des soins et à la durabilité de l'innovation.

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