Communication des marques de luxe sur les médias sociaux : faire rêver ne suffit plus

IDEE. Le changement du marché du luxe, porté par plusieurs tendances de fond comme l’importance croissante des « millennials », contraint les marques à revoir leurs pratiques. Par Hajer Kefi, PSB Paris School of Business – UGEI et Daniel Maar, PSB Paris School of Business – UGEI
(Crédits : Reuters)

Le marché du luxe a profondément changé ces 20 dernières années. Le chiffre d'affaires mondial du luxe a plus que triplé entre 1995 et 2016 et devrait atteindre les 390 milliards d'euros à l'horizon 2025.

Cette accélération est portée par plusieurs tendances de fond. La première est bien sûr liée à l'ouverture du marché vers les pays émergents et notamment la Chine. La seconde concerne la nette augmentation des ventes réalisées sur Internet. On note ensuite un rajeunissement du profil du consommateur moyen avec l'entrée en scène de la génération Y dite aussi génération des millénaires ou « millennials » (18-35 ans). Enfin les nouvelles pratiques du masstige (Chandon et coll., 2016) combinant communication de masse et expérience client de prestige empreignent la dernière tendance en date.

Ces pratiques comprennent le marketing d'influence, avec le rôle grandissant des influenceurs, et la prolifération des pages officielles des marques de luxe sur les médias sociaux. Sur Facebook, la page officielle de la marque Louis Vuitton compte plus de 23 millions d'utilisateurs ; Chanel en comprend plus de 28 millions sur Instagram.

Luxe : au-delà du rêve...

La recherche s'intéresse particulièrement aux pratiques des utilisateurs de ces pages sur les réseaux sociaux et leurs impacts sur le comportement d'achat en magasin physique et en ligne (Lee & Watkins, 2016).

Dans une recherche menée sur la marque Louis Vuitton, nous avons développé un modèle explicatif et prédictif qui relie le type de contenu consommé sur le réseau social de la marque (qui fonctionne comme une communauté virtuelle), le type d'engagement de l'utilisateur et enfin les impacts de cet engagement sur la confiance, l'affection et la loyauté envers la marque (Albert et coll., 2013).

Lorsqu'il s'agit de produits de luxe, deux types de contenus sont déployés sur les médias sociaux : un contenu esthétique qui évoque l'univers de la marque et suscite le rêve et l'imaginaire ; et un contenu informatif qui décrit les produits et services offerts et qui traite de considérations plus matérielles, telles que le prix, les points de vente physiques et surtout les spécificités des produits et services associés.

Pour ce qui est du type d'usage, la recherche mentionne deux catégories : un usage passif(consommer du contenu) et un usage actif (participer à en créer et à en diffuser) (Gerson et coll., 2017).

Nous avons mené une enquête en ligne auprès des abonnés des pages officielles de Louis Vuitton sur les réseaux sociaux, et qui possèdent en outre au moins un produit authentique de cette marque. Environ 80 % de l'ensemble des répondants sont des femmes et près de 77 % de notre échantillon appartient à la génération des millennials ; le reste des répondants étant des représentants des générations X et baby-boomers.

Nos analyses aboutissent à plusieurs résultats visiblement contre-intuitifs : le premier concerne l'importance du contenu informatif qui génère tout autant d'engagement des utilisateurs que le contenu esthétique. Le second démontre le rôle significatif que jouent les utilisateurs passifs dans le développement et le maintien du capital affectif et de la loyauté de la communauté envers la marque de luxe.

Il s'avère donc que les marques de luxe ne doivent pas se contenter de susciter le rêve et d'évoquer leurs actions de mécénat, en soutenant des actions culturelles et artistiques par exemple, mais il est aussi important de développer un contenu réaliste plus à même de convaincre les millénaires de casser leur tirelire et passer à l'acte d'achat.

En recherche, nous préconisons davantage de travaux qui décryptent par le biais des techniques analytiques du big data les comportements dits passifs et le profil de leurs protagonistes. La difficulté étant que ces derniers, dans leur usage du lèche-vitrine virtuel, sont parfaitement invisibles dans la communauté de la marque.

The Conversation ________

Par Hajer KefiFull Professor, PSB Paris School of Business - UGEI et Daniel MaarAssociate Professor in Marketing, PSB Paris School of Business - UGEI

 La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation

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