« Construire une nouvelle prospérité compatible avec les limites de notre planète »... Chiche ! On passe aux actes ?

OPINION. Dans une tribune publiée le 26 novembre, 60 présidentes et présidents de grandes entreprises françaises appellent à accélérer la transition écologique. Prenons-les au mot... Par Théophane Le Méné, directeur général d'EcoTree
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COP après COP, tribune après tribune, engagement après engagement, que voit-on ? Depuis des années, à l'approche de chaque Conférence des Parties (COP), un rituel médiatique semble se répéter inlassablement. Les colonnes des journaux se remplissent de mises en garde solennelles et de visions ambitieuses pour l'avenir de notre planète. Des dirigeants d'entreprises y partagent leurs espoirs d'une avancée significative dans la lutte contre le changement climatique, évoquant souvent des idées novatrices et des engagements audacieux.

On continue alors de déplorer la relative inaction de certaines puissances de ce monde. On continue aussi d'appeler la communauté internationale à l'action. Mais en la matière, agir est toujours plus efficace que d'appeler les autres à agir. Et les entreprises se font clairement attendre sur ce terrain-là, malgré une communication qui, elle, a le mérite d'être remarquable.

Et c'est ainsi qu'entre les effets de communication et l'action, les opérateurs du monde de l'impact peuvent témoigner : la dialectique s'interrompt subitement. Cent fois, mille fois, ils ont entendu les entreprises qui, la veille, s'enorgueillissaient de belles promesses leur répondre que la stratégie climat était reportée et le budget de contribution à la préservation et à la restauration des écosystèmes ajourné.

Combien de fois les acteurs dédiés à la restauration des écosystèmes se sont-ils heurtés à la duplicité des entreprises ? Souvent, ces dernières salueront l'importance de telles actions, promettant de considérer leur engagement dans un temps qui n'est clairement pas celui de l'urgence, mais plutôt des calendes grecques - si elles n'optent pas, finalement, pour des prestataires moins coûteux à l'autre bout du monde. Cette pratique de dumping écologique, facilitée par l'absence de suivi rigoureux et des coûts de main-d'œuvre réduits, engendre des conséquences désastreuses : crédits carbone fantômes, plantations d'arbres éphémères et, finalement, une planète moribonde.

Quelle entreprise aura le courage d'ouvrir la voie ?

Quelle entreprise osera prendre les devants pour lutter contre le dérèglement climatique dans un paysage pour le moins corporatif où l'uniformité et la prudence semblent régner en maîtres, où il est de bon ton d'affirmer, un peu moins d'exécuter, où l'on n'avance d'un pas que lorsque le voisin s'y ose aussi ? Le courage de se démarquer, de prendre des initiatives audacieuses et potentiellement isolées est une vertu rare dans le monde des affaires, souvent dominé par la crainte de l'échec ou de l'isolement.

« J'admire beaucoup moins Napoléon depuis que j'ai commandé une coalition », constatait le maréchal Foch en 1918. La capacité à agir de manière décisive et autonome, comme le fit Napoléon dans ses nombreuses victoires, est une qualité exceptionnelle, surtout dans un contexte où l'action collective est de rigueur. Les entreprises, souvent solidaires dans leur communication et leurs actions, se retrouvent paralysées par une sorte d'inertie collective. Cette immobilité est particulièrement préoccupante lorsqu'il s'agit de revoir nos modèles de production et de consommation, des enjeux cruciaux dans la lutte contre le changement climatique.

Dans le rang des chefs d'entreprises engagés dans la lutte contre le dérèglement climatique, nous appelons de nos vœux des « Napoléon de la transition écologique », capables de prendre des décisions risquées, mais nécessaires, capables de transformer seuls le cours de la bataille contre le dérèglement climatique. Même si cela signifie s'aventurer isolés sur des chemins non balisés. Même si cela signifie, en réalité, se taire et entreprendre.

Assez parlé, agissons et tenons parole !

Il n'est plus temps de se payer de mots et de grandes phrases. Le temps de l'action est venu.

Oui, la crise économique frappe durement les entreprises et le réflexe est de faire des provisions pour l'hiver qui vient. Mais s'il n'y avait même pas d'hiver ? Si nous ne tenions pas jusque-là ? À quoi servirait d'avoir cherché à protéger les emplois et la croissance dans un monde devenu inhabitable ?

Nous ne pouvons pas tergiverser en attendant que les États réunis à la COP28 prennent des engagements. Les entreprises ont une responsabilité à l'égard du monde. Une responsabilité au moins aussi importante que les États, car elles sont créatrices de richesse. Gageons qu'à l'avenir, elles ne seront pas créatrices de pauvreté, de réchauffement climatique, de drames écologiques. Parce qu'elles auront investi les budgets nécessaires à temps. Et parce qu'elles auront tenu leurs promesses.

Le mythe de Sisyphe, ancien roi de Corinthe, doit être pour nous tous une mise en garde contre les promesses non tenues. Avide de vie, il avait imploré Hadès de lui permettre un retour sur Terre afin de régler ses affaires mortelles. De retour parmi les vivants, Sisyphe brisa son serment et choisit de ne pas retourner dans l'au-delà. Il fut condamné à un châtiment éternel : pousser un gigantesque rocher jusqu'au sommet d'une colline et le voir invariablement dévaler la pente avant d'atteindre le sommet.

Chers présidentes et présidents de grandes entreprises, vous avez la possibilité de faire que notre planète ne devienne pas le châtiment éternel de nos enfants et de nos petits-enfants. Mais se contenter de le dire ne suffira pas.

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Commentaires 3
à écrit le 29/11/2023 à 10:08
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On peut toujours rever

à écrit le 29/11/2023 à 9:10
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C'est la notion de prospérité qui est à revoir et, la soi-disant "transition écologique" n'est qu'un dogme, qui appellera sans cesse des réformes, sans que nous nous soyons adapté à la réalité !

à écrit le 29/11/2023 à 8:50
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Les investisseurs attendent seulement de capter l'argent public consacré à l'économie durable. Le néolibéralisme n'est qu'un nihilisme, votre enthousiasme est certes beau mais il est tellement éloigné de la réalité d'une économie financière figée et ...

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