Déconfinement, le compte à rebours est lancé

IDEE. Lundi, le président de la République a fixé au 11 mai le déconfinement progressif, indispensable à une reprise de l'activité économique. Mais quels sont les scénarios de cette sortie de crise pour la France dont l'économie sera en récession de 8% cette année, selon Bercy, avec une envolée de la dette publique qui atteindra 115% du PIB ? Par Marc Guyot et Radu Vranceanu, professeurs à l'Essec.
Marc Guyot et Radu Vranceanu.
Marc Guyot et Radu Vranceanu. (Crédits : Reuters)

L'art de gouverner s'exprime essentiellement face à un arbitrage difficile entre deux objectifs opposés. Par exemple, la production de richesses permettant de consommer aujourd'hui génère du carbone qui va peser sur la consommation des générations futures. Les gouvernements sont souvent appelés à faire ce type d'arbitrage.

Le gouvernement français, face à l'épidémie grave et imprévisible du Covid-19, impressionné par la situation dramatique de l'Italie et de l'Espagne, deux pays avec des systèmes de santé plus fragiles, a décidé à la mi-mars de mettre en place un plan de confinement très contraignant pour stopper la propagation de l'épidémie. L'objectif d'endiguer la vitesse de propagation de l'épidémie l'a emporté sur les autres considérations et ce choix semblait logique étant donné l'ensemble des données de la situation, le sous-équipement du système de santé et la nature peu connue de ce virus et des affections qu'il provoque.

Sur le plan sanitaire, la stratégie d'isolement semble avoir atteint l'objectif de maintenir le nombre de patients à l'hôpital en dessous de la limite de tolérance du système de santé, certes, avec des efforts extraordinaires du personnel soignant. Fort de ces résultats, le 13 avril, le président de la République a annoncé la fin du confinement généralisé pour le 11 mai, date à laquelle une période de transition sera engagée.

Dommage collatéral

Depuis le début du confinement le 18 mars, et jusqu'à ce jour, la mise à l'arrêt de l'économie a été présentée comme un dommage collatéral, inévitable sur le moment. Elle s'est accompagnée de mesures de soutien tant des entreprises que des travailleurs avec la promesse de « faire tout ce qu'il faudra pour protéger les revenus et les emplois ». L'engagement était nécessaire pour rassurer les citoyens bien que concrètement la surface budgétaire du gouvernement soit limitée avec un niveau d'endettement de 100% du PIB. Dans son allocution, le Président de la République s'est engagé sur le maintien des mesures de soutien.

La mesure phare de soutien à l'économie pendant le confinement est le chômage partiel. L'intention du gouvernement est de protéger le revenu des salariés et de maintenir la consommation. La mesure étant déclarative, des entreprises sont incitées à arrêter l'activité et renvoyer leurs employés à la maison, alors même qu'elles pourraient fonctionner. En Allemagne, le programme s'applique uniquement après que les autres mesures de réductions du temps de travail soient épuisées (comptes épargne temps et suppression des heures supplémentaires). Aujourd'hui, 8 millions d'employés du privé, soit 1 employé sur 3, sont en chômage partiel pour une longue durée (12 semaines par personne au 1er avril).

La contrepartie de ce confinement strict est une destruction de production et de richesse inégalée en temps de paix. L'OCDE évalue l'impact immédiat du confinement en France a une baisse du PIB de 25%. Selon les calculs de l'INSEE, un mois de confinement coûterait 3% de PIB annuel. Pour les deux mois de confinement actuellement prévus, la perte serait de 6% du PIB, soit 140 milliards d'euros.

En Chine, l'industrie ne retrouve pas son niveau d'avant crise

Le déconfinement général ne va pas être un retour à la situation qui existait début mars en France. On observe qu'en Chine, où le confinement est terminé, l'industrie peine à retrouver son niveau d'avant crise et ne tourne qu'à 80% de ses capacités et fait face à une demande qui reste en berne. Un grand nombre d'entreprises vont disparaître entraînant une augmentation massive du chômage et une baisse de revenus dans notre pays. Pour le ministre de l'Economie, la crise économique qui va déferler sur la France est comparable à celle de 1929. Selon lui, la baisse du PIB, qui devrait atteindre 8%, s'accompagnera d'une augmentation de la hausse de la dette publique qui atteindra 115% du PIB fin 2020. A la fin de cette année, il est à craindre que le taux de chômage atteigne 15% de la population active, vu la baisse attendue du PIB. Il est donc important que les entreprises et les activités qui le peuvent repartent avant le 11 mai, moyennant la mise en place des mesures de sécurité comme la distanciation physique et la désinfection systématique, à l'image de Michelin. Tout point de pourcentage de croissance grapillé est très précieux.

Selon le MEDEF, à la fin du confinement, il sera nécessaire de travailler plus pour augmenter plus vite la production. Cependant, rien ne garantit que la demande, qu'elle soit domestique ou internationale, va revenir rapidement à la normale. Sans débouchés suffisants, travailler davantage sera inutile. Dans les activités se déroulant en « présentiel » comme la restauration ou le spectacle culturel ou sportif, le maintien de la distanciation va réduire le volume maximum d'activité possible. La concurrence internationale post-confinement pour retrouver des parts de marchés sera probablement violente. Certains pays accepteront la dévaluation de leur monnaie ou une dévaluation interne par des baisses de salaires. D'autres refuseront ce choix, et, vu leur faible compétitivité relative, verront le chômage massif post-crise se maintenir dans la durée.

Baisses de salaires et hausses d'impôts

Des sondages d'opinion reflètent une incompréhension fréquente du fonctionnement de l'économie. Les Français se disent majoritairement prêts à « accepter des hausses de prix, pour faire revenir des industries en France ». Ce qu'ils n'ont pas compris, ou ne veulent pas envisager, c'est que le danger est plutôt des baisses de salaires pour que le chômage diminue et des hausses d'impôts pour financer le déficit actuel et ramener la dette vers un niveau acceptable. Avec des baisses de salaires suffisamment fortes, alors, en effet, les entreprises industrielles reviendront en France.

D'un autre côté, la rupture des échanges internationaux va créer des opportunités et il est probable qu'un phénomène de relocalisation va avoir lieu avec un arbitrage différent en faveur de la sécurisation des approvisionnements et de la chaîne logistique et au détriment de la profitabilité.

Par ailleurs, la façon de travailler s'est modifiée avec la mise en œuvre du télétravail et l'accélération du commerce électronique. Il y a là une opportunité pour pérenniser un mode plus efficace de travail avec plus de responsabilités déléguées aux collaborateurs et des opportunités de développement pour toutes les firmes des secteurs allant du traitement des données à l'intelligence artificielle.

La gestion exemplaire de l'Allemagne

En admettant que la mise au point d'un vaccin d'ici à 12 mois permette au monde de tourner la page de cette maladie, cette épidémie aura rebattu les cartes de l'influence mondiale. S'il est trop tôt pour dire ce que sera la position relative de la France, de l'Italie, de l'Espagne, ou du Royaume-Uni, il est évident que le leader incontestable de l'Europe est l'Allemagne, pays qui a su pour l'instant gérer d'une manière exemplaire la crise sanitaire et le maintien de l'activité économique.

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Commentaires 4
à écrit le 15/04/2020 à 11:26
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Tout ce qui est a bannir relève de la politique de l'offre et sa publicité, il faut seulement combler la demande réelle!

à écrit le 14/04/2020 à 17:40
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On peut pratiquer une baisse des salaires dans la plupart des pays (un ajustement se fait rapidement)... sauf évidemment si les conditions des chômeurs sont telles que les sans emplois préfèrent ne pas aller travailler.. et c'est le cas en France, -l...

à écrit le 14/04/2020 à 17:35
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"En Chine, l'industrie ne retrouve pas son niveau d'avant crise" C'est le moment pour les chinois d'être plus rigoureux, cela ne ferait que leur profiter, un bon ménage ne serait pas du luxe au sein d'un pays qui produit n'importe quoi n'importe ...

à écrit le 14/04/2020 à 16:40
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Tout ce qui a bannir relève de la politique de l'offre et sa publicité, il faut seulement combler la demande réelle!

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