Défendre notre exception éducative à l’ère numérique

La Fondation Digital New Deal tire la sonnette d’alarme dans son nouveau rapport sur l’éducation*. La France est un nain dans ce secteur clé, phagocyté par les champions chinois et américains de l’edtech. Le point de vue d'Olivier Sichel (président-fondateur) et Arno Pons (délégué général) de la Fondation Digital New Deal.
(Crédits : DR)

L'école française est plus inégalitaire que dans la plupart des pays développés, et le numérique ne permettra pas de résoudre ce problème, pas plus que le solutionnisme numérique proposé par les plateformes américaines ou chinoises. Néanmoins, l'impact systémique du numérique sur la société doit pousser l'éducation nationale à sortir de son immobilité, à amorcer une mutabilité pérenne de l'institution scolaire.

À cet effet, la loi du 8  juillet 2013 pour la refondation de l'école de la République a instauré la création d'un service public du numérique éducatif (section V, article 16). Cette volonté du législateur de faire du numérique éducatif un service public à part entière semblait répondre à deux enjeux fondamentaux afin d'accompagner l'adaptation du système scolaire français à notre époque. D'une part, former les citoyens et les futurs adultes au numérique, dans une société qui a intégré cette pratique à tous les niveaux et, d'autre part, favoriser la réussite des élèves grâce à une transformation intelligente des méthodes d'enseignement, des apprentissages et de l'évaluation, en y ayant recours.

Cette ambition affichée de créer un service public dédié dans le cadre du service public de l'enseignement n'a pourtant pas été accompagnée d'une stratégie de long terme. Le dernier rapport de la Cour des comptes (« Le Service public numérique pour l'éducation », 2019) le souligne très justement : « Pour être à la hauteur de ce choix politique ambitieux, l'État aurait dû élaborer une stratégie fondée sur une analyse rigoureuse de l'existant et des besoins à pourvoir, dans une logique d'harmonisation des équipements, services et offres numériques pour les élèves selon les strates d'enseignement. Il aurait dû surtout se centrer sur les responsabilités qu'il porte en propre, au premier rang desquelles la transformation pédagogique attendue et la formation des enseignants qui doit l'accompagner. » Parmi les constats que dresse ce rapport, l'échec des différents plans d'équipement met principalement en lumière l'absence de vision s'agissant du numérique éducatif.

L'objet de la nouvelle publication du think tank Digital New Deal n'est pas de faire une ode à l'éducation par le numérique ou d'imposer à tout prix la transformation des systèmes d'apprentissage et de formation par le numérique. Son propos vise à replacer l'éducation au centre du débat public pour qu'elle s'adapte à l'ère numérique, à penser une politique éducative contemporaine qui s'inscrive au-delà des jeux électoraux, et à maîtriser nous-mêmes la conduite de ces politiques innovantes, tout particulièrement lorsqu'elles ont trait au numérique.

À mesure que l'école ouvre ses portes aux équipements (hardware) mais également aux logiciels d'accompagnement scolaire (software) d'acteurs privés étrangers, la France renonce aux valeurs humanistes qui font sa spécificité. Elle échoue également à mettre en valeur les entreprises qui se créent, se développent et offrent des alternatives sur notre territoire. En agissant ainsi, l'école s'expose à des risques majeurs, au rang desquels l'imposition d'un langage numérique et le risque de captation des données scolaires apparaissent comme les plus inquiétants.

Souhaitons-nous voir les données de nos enfants être traitées à Seattle ou à Shanghaï  ? Notre singularité culturelle, faite d'esprit critique et d'indépendance, se trouve menacée, aujourd'hui davantage, par l'utilitarisme et le matérialisme des solutions déployées par les Gafa et autres BATX.

La dernière publication de Marie-Christine Levet pour le think tank Digital New Deal, « Préserver notre souveraineté éducative : soutenir l'edtech française » [www.thedigitalnewdeal.org], se fait le porte-voix des passionné-e-s d'éducation, de pédagogie et d'apprentissage, de celles et ceux qui, au quotidien, par les offres éducatives innovantes qu'ils conçoivent et déploient, mettent tout en œuvre pour permettre à nos enfants d'appréhender sereinement les changements auxquels ils feront bientôt face.

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Commentaires 2
à écrit le 08/12/2019 à 11:12
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Et si on arrêtait de pousser les enfants pour en faire...des singes savants, obéissants, compétiteurs, individualistes, des individus programmés pour la performance.Pour atteindre ces objectifs qui ne servent pas l'enfant, mais un système économique ...

à écrit le 06/12/2019 à 10:17
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Et cette inégalité est un facteur majeur de perte de compétitivité de notre pays car celui-ci se refusant, par seule principe oligarchique, de rechercher les meilleurs éléments sur 70 millions d'unités préférant aller chercher les moins mauvais sur 7...

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