Distribution alimentaire : le prix ne fait pas la valeur

Il faut mettre fin à la guerre des prix délétère dans le secteur de l'agro-alimentaire. Comment? Par Albert Ritzenthaler, conseiller du Conseil économique social et environnemental

« Qui est le moins cher ? ». En focalisant sa communication sur le prix, le distributeur de produits alimentaires qui diffuse ce slogan s'inscrit comme acteur principal d'une guerre des prix délétère. L'Observatoire des Prix et des Marges le confirme un peu plus chaque année : pour les distributeurs comme pour leurs fournisseurs des industries agro-alimentaires, les marges sont de plus en plus faibles, de l'ordre de 1 à 2 %. Elles sont très souvent négatives pour les producteurs. La guerre des prix affaiblit les acteurs, réduit l'innovation, freine les investissements et les salariés, comme les producteurs, en constituent la variable d'ajustement. Même si la grande distribution représente plus de 80 % du commerce alimentaire, les consommateurs expriment de plus en plus leur défiance envers un modèle qui ne répond plus à leur demande de proximité, de sens et de valeur que devrait constituer l'alimentation. Le développement des circuits courts illustre ce phénomène.

Pacifier les négociations commerciales

Ce constat est dressé par le Conseil Economique, Social et Environnemental dans son avis sur les circuits de distribution des produits alimentaires. Tous les acteurs concernés y sont représentés et formulent des préconisations qui visent à définir les moyens et conditions d'une responsabilisation partagée.

Le CESE recommande d'abord de dresser le bilan de la loi de modernisation de l'économie de 2008 qui a modifié l'équilibre des relations commerciales. Les négociations commerciales, dont la brutalité est dénoncée chaque année, doivent être pacifiées à travers notamment le renforcement des contrôles, la protection des lanceurs d'alerte, l'accès à la médiation, un lieu neutre comme alternative au « box de négociation » et la transparence sur les implantations commerciales.

Afin de conforter les filières, le rôle des interprofessions doit être renforcé en rénovant leurs procédures de décisions et en encourageant la présence de tous les acteurs. De même, les organisations de producteurs doivent se structurer davantage pour peser. Le label « relations fournisseur responsables » élaboré par les acteurs des circuits de distribution avec l'appui du médiateur des relations commerciales, est à promouvoir, en lien avec les démarches de RSE.

Développer les circuits courts

Le développement des circuits courts répond à la demande conjointe des producteurs et des consommateurs. Pour les structurer, le CESE préconise le développement des projets alimentaires territoriaux soutenus par les régions, en favorisant l'implantation d'outils de proximité (légumeries, abattoirs, ateliers de découpe...). Ils contribueraient à lutter contre le gaspillage alimentaire dès la phase de production, faciliteraient l'approvisionnement de la restauration collective et assureraient aux producteurs un marché suffisant pour assurer leur existence. Une proposition de loi est actuellement débattue en ce sens au parlement.

Règlementer voire interdire les comparateurs qui ne vantent que les prix

Le CESE propose également de réglementer voire interdire les prospectus ou autres comparateurs qui ne vantent que les prix, et de les remplacer par des informations utiles qui visent à la sensibilisation du consommateur. Les signes officiels de qualité et d'origine (SIQO), comme le label rouge ou le label « bio », doivent être distingués des labels marketing par un signe distinctif commun, en référence aux contrôles de l'Etat et aux cahiers des charges qui les caractérisent. Les outils numériques permettent de faciliter l'accès à une information qui pourrait, sur certains produits emblématiques, être affichée clairement en magasin et indiquer la répartition de la valeur intégrant les considérations sociales et environnementales. L'origine des principaux ingrédients de tous les produits préemballés transformés doit également pouvoir être identifiée, et pas uniquement pour les produits carnés et laitiers.

Enfin, le CESE appelle à la constitution, sous la responsabilité de l'Etat, d'un open-data de l'alimentation et la constitution d'un « laboratoire numérique » consacré aux enjeux de l'économie disruptive, et au développement des objets connectés. Parce qu'elle est au cœur des interactions entre l'Homme et la nature, et parce qu'elle constitue un droit fondamental pour tous, l'alimentation n'est pas un prix mais une valeur commune à promouvoir.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 12/05/2016 à 13:40
Signaler
Notre entreprise Le Bonsens, met en relation les producteurs locaux et les restaurants collectifs. Notre objectif et d'introduire des produits locaux dans toutes les cantines de France, en accompagnant la création de plateformes de transformation des...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.