Economie collaborative : dépasser le rapport Terrasse

Comment la fiscalité doit-elle appréhender l'économie collaborative? Le rapport Terrasse suggère des pistes, mais il faut aller plus loin. Philippe Schmidt, associé, et Jean Barrouillet, collaborateur du cabinet Schmidt Brunet Litzler.
Jean Barrouillet et Philippe Schmidt

Le député Pascal Terrasse a remis le 8 février 2016 au Premier ministre son rapport sur l'économie collaborative. Parmi les 19 propositions du rapport, une large part est consacrée au volet fiscal de l'économie collaborative.
Tout d'abord, Pascal Terrasse entend, à juste titre, lutter contre l'idée reçue selon laquelle les revenus occasionnels des particuliers ne sont pas soumis à imposition. En effet, en principe, tout revenu est imposable, et ce dès le 1er euro, qu'il soit réalisé par un professionnel ou par un particulier, via l'économie collaborative ou l'économie classique.

Nombreuses exonérations

Ce principe est souvent méconnu des particuliers, pour diverses raisons. Tout d'abord, de nombreuses exonérations en atténuent la portée. Ainsi, à titre d'exemple, la location par un particulier de sa résidence principale est exonérée à hauteur de 760 euros par an et les ventes occasionnelles de biens, autres que les bijoux et métaux précieux, sont également exonérées d'impôt si le prix de vente est inférieur à 5 000 euros. Ensuite, avant l'explosion de l'économie collaborative, les montants concernés ne représentaient pas un enjeu majeur.

Pas de régime ad hoc

L'objectif premier de ce rapport n'est donc pas de créer de nouvelles taxations mais simplement d'assurer l'imposition effective de revenus qui doivent y être soumis.
Dans cette optique, Pascal Terrasse souhaite que soit respecté le principe de l'équité fiscale entre l'économie collaborative et l'économie classique : il ne s'agit pas de créer un régime ad-hoc applicable uniquement aux plateformes collaboratives, mais d'assurer l'application du cadre fiscal existant.

En cela, le rapport Terrasse se différencie du rapport d'information du Sénat présenté en septembre 2015. Les sénateurs proposaient de mettre en place un abattement de 5 000 euros pour les revenus perçus par des particuliers sur les plateformes Internet. Cette proposition aurait entrainé une imposition différente des revenus des particuliers, selon qu'ils sont perçus ou non via des plateformes collaboratives.

Clarifier les règles existantes

En revanche, pour Pascal Terrasse, afin d'assurer l'imposition de ces revenus, il faut clarifier les règles existantes. Cette clarification doit permettre aux particuliers de mieux connaitre leurs obligations fiscales et sociales, une des clés pour mieux encadrer l'économie collaborative, comme en témoigne l'instauration récente d'une obligation d'information par les plateformes Internet des obligations fiscales et sociales de leurs utilisateurs.

Ainsi, deux points essentiels appellent impérativement une clarification : tout d'abord savoir si l'on est en présence d'un revenu imposable ou d'un partage de frais, ensuite déterminer les règles permettant d'apprécier si un particulier, lorsqu'il perçoit des revenus via les plateformes collaboratives, exerce ou non une activité professionnelle.
Au-delà de l'identification des problématiques actuelles, on peut regretter que ce rapport ne propose pas de solution, se limitant à demander à l'administration fiscale de trouver les solutions adéquates.

Transmission directe à l'administration fiscale

Par ailleurs, le rapport Terrasse propose que les plateformes transmettent directement à l'administration fiscale les revenus perçus par leurs utilisateurs, qui seraient alors pré-indiqués dans les déclarations de revenus annuelles des contribuables, de la même façon que pour les revenus salariés ou les revenus bancaires.
Cette mesure devrait à coup sûr bénéficier à l'Etat en facilitant l'imposition de ces revenus. Elle pourrait également être utile aux utilisateurs des plateformes collaboratives, qui seraient accompagnés dans leurs démarches fiscales.

Faire participer de les plateformes situées à l'étranger?

Cependant, plusieurs difficultés devront être surmontées. Outre la lourdeur administrative imposée aux plateformes collaboratives, l'Etat devra s'assurer de la participation de tous les acteurs concernés, en particulier ceux situées à l'étranger. De plus, cette mesure semble uniquement applicable aux plateformes par lesquelles transitent les paiements entre particuliers : Quid alors du sort par exemple du BonCoin, où les transactions se font directement entre particuliers ?

Il aurait également été intéressant que le rapport envisage, en plus de la transmission des données fiscales, que les plateformes se chargent elles-mêmes de collecter l'impôt, sur le même principe que la taxe de séjour collectée par des plateformes telles que Airbnb. Ce dispositif aurait l'avantage pour l'administration fiscale d'assurer l'imposition de ces revenus, tout en suivant la tendance actuelle à la mise en place de prélèvements d'impôts à la source.

Le 15 février 2016,
Philippe A. Schmidt et Jean Barrouillet

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Commentaires 2
à écrit le 19/02/2016 à 18:53
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marrant terrasse a voté contre la transparence fiscale !

à écrit le 19/02/2016 à 11:10
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"Économie collaborative": On vous jette un os et c'est le plus hargneux et le plus agressif qui mangera à la fin.

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