En direct de la COP28 avec Bertrand Piccard : « Macro ou MicrosCOP ? »

LES TOPS ET LES FLOPS DE LA COP. Bertrand Piccard, président de la Fondation Solar Impulse, psychiatre et explorateur, auteur du premier tour du monde en ballon (1999) puis en avion solaire (2015-2016), tient durant cette quinzaine en direct de la COP28 à Dubaï aux Emirats Arabes Unis, une chronique de ce nouveau rendez-vous crucial pour l'avenir de notre planète.
Bertrand Piccard avec la ministre brésilienne
Bertrand Piccard avec la ministre brésilienne (Crédits : DR)

En ce dernier jour de la COP28, le marathon est toujours en cours pour définir la phraséologie d'une déclaration finale acceptable pour toutes les parties. On pressent la ligne d'arrivée dans une ambiance de salles immenses et vides, avec les négociateurs qui s'isolent dans des bureaux fermés pour essayer de s'entendre et les quelque 100.000 participants qui commencent à rentrer chez eux.

Le monde ne jugera cette COP que sur le traitement réservé aux énergies fossiles, mais le langage pouvant faire consensus entre tous les pays du monde n'a pas encore été trouvé à l'heure actuelle. Il est compréhensible qu'un engagement à diminuer, voir abandonner le pétrole et le gaz soit très difficile à prendre pour les pays producteurs. Pourquoi scieraient-ils la branche sur laquelle ils sont confortablement assis ? Dans ce contexte, si l'offre ne peut pas être diminuée, redoublons d'efforts du côté de la demande pour en baisser la consommation, par le déploiement des sources renouvelables devenues beaucoup moins chères et des milliers de solutions qui existent aujourd'hui pour rendre notre société plus efficiente et moins énergivore.

Quelle que soit la forme que prendra la phrase finale, quel bilan peut-on déjà tirer ?

La conférence a commencé fort, en évacuant dès le premier jour la question potentiellement empoisonnée du Fonds « Pertes & Dommages », point crucial pour la justice Nord-Sud que peut et doit garantir la transition écologique. Cette avancée est plus symbolique qu'autre chose. Avec ce fond, on a mis en place un évier, mais deux questions demeurent : qui ouvrira réellement le robinet (les annonces de financement se montent à 700 millions d'euros, autant dire anecdotique au regard des objectifs initiaux), et vers où s'écoulera l'eau, c'est-à-dire quels types de projets devraient être financés, et sous quelles modalités.

Tout au long des deux semaines, les annonces se sont enchaînées et il serait trop long de toutes les lister ici : 63 pays s'engageant à réduire d'ici 2050 leurs émissions liées au secteur de la réfrigération d'au moins 78% par rapport aux niveaux de 2022 ; 130 pays s'engageant à tripler les capacités d'énergies renouvelables et à doubler l'efficience énergétique ; 50 compagnies pétrolières et gazières s'engageant à décarboniser leurs activités d'ici à 2050 ; et au total 83 milliards de dollars annoncés par des gouvernements, entreprises, investisseurs et philanthropes pour l'action climatique. Ce n'est pas rien.

Alors que les négociations se poursuivent, deux remarques me semblent importantes

D'abord, devant l'absence de conclusions fortes d'une part et le foisonnement d'initiatives de petits groupes de l'autre, comment ne pas s'interroger sur la gouvernance internationale ? Chaque pays peut faire capoter l'ambition des autres en fonction de son propre intérêt. Sur un enjeu par définition global, le consensus requis pour les décisions de la COP rime avec plus petit dénominateur commun, ce qui est clairement insuffisant par rapport aux enjeux.

Ensuite, l'attention extrême portée aux COP et à leur conclusion a un effet pervers : cela donne à croire que leur déclarations finales sont notre seul outil pour mener à bien l'action climatique. Or cela ne pourrait pas être plus faux ! Il faut comprendre que chaque minute de l'année, partout sur Terre, est une opportunité pour réduire notre empreinte environnementale, notamment en diminuant l'énergie nécessaire pour faire tourner notre monde. Réduire le gaspillage et l'inefficience qui gangrènent nos processus productifs non seulement ne dépend pas d'un accord fort arraché à la COP, mais représente en plus l'opportunité économique du siècle. Tout cela se décide au niveau local, dans le choix communal de l'éclairage public, la facilité administrative d'installer des panneaux solaires, la décision d'entrer dans une économie circulaire, entre tant d'autres exemples.

Néanmoins, le monde se porterait-il mieux sans les COP ? Je ne le pense pas

Tandis que notre planète est engagée dans une course contre la montre existentielle, quel autre événement rassemble, issus de tous les pays, autant de couches de la société - politiques, secteur privé de toute taille, activistes, médias, ONG ? Cette ébullition donne naissance à de multiples partenariats, et l'action décentralisée est, sinon plus importante, au moins un essentiel complément aux négociations centralisées.

Il faut reconnaître que les temps changent ; que l'action climatique n'est plus aujourd'hui le monopole des activistes. L'urgence climatique à agir se combine à l'opportunité économique que représente l'efficience dans la gestion des ressources. La bascule vers une économie qualitative est inexorable : un nouveau modèle économique et donc sociétal, fondé non sur la quantité de production, mais sur la qualité de l'efficience appliquée à nos produits, systèmes et processus. Indépendamment des COP, mais d'une certaine façon grâce à elles.

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Bertrand Piccard sera à la COP pour :

  • Présenter « Le Nouveau Narratif Climatique », une nouvelle manière, pour les décideurs politiques et économiques, de présenter l'action environnementale, avec l'objectif de convaincre les opposants et autres récalcitrants à la transition écologique et énergétique.
  • Rencontrer ces mêmes leaders politiques et économiques pour pousser le message selon lequel la transition n'est pas seulement bénéfique pour la planète, mais aussi pour l'économie des entreprises, la qualité de vie et les portefeuilles des citoyens.
  • Mettre en avant les solutions efficientes labellisées par la Fondation Solar Impulse à travers discours, rencontres et autres débats tenus sur place. Le déploiement de ces solutions pouvant être une contribution clé aux objectifs climatiques internationaux de renforcement de l'efficience.
  • Il s'exprimera lors du World Leaders Summit face aux chefs d'états de toute la planète lors des premiers jours de la COP28

La Fondation Solar Impulse sera présente :

  • Le 6 décembre, au pavillon UNFCC (Climate Action Zone), pavillon Benelux, pour une soirée en partenariat avec l'UNFCCC, autour du Nouveau Narratif Climatique.
  • Pendant 2 jours à l'espace expositions de l'organisateur UNFCCC, le 8 et le 9 décembre, où elle présentera ses activités aux visiteurs.
  • Pendant 2 semaines à travers la participation à des panels, débats, interviews média et autres évènements politiques et économiques.

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Commentaire 1
à écrit le 12/12/2023 à 18:51
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"que l'action climatique n'est plus aujourd'hui le monopole des activistes" Mais parce que ce n'est pas possible, dès que les véritables gardiens de la nature parlent les marchés financiers tremblent, cela ne peut donc qu'avancer très lentement, trop...

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