En direct de la COP28 avec Bertrand Piccard : « Sommet d'ouverture de la COP, le mirage de l'autorité »

LES TOPS ET LES FLOPS DE LA COP. Bertrand Piccard, président de la Fondation Solar Impulse, psychiatre et explorateur, auteur du premier tour du monde en ballon (1999) puis en avion solaire (2015-2016), tient durant cette quinzaine en direct de la COP28 à Dubaï aux Émirats arabes unis, une chronique de ce nouveau rendez-vous crucial pour l'avenir de notre planète.
(Crédits : DR)

Dans la salle plénière de la COP28, j'écoutais attentivement les interventions officielles des Chefs d'État s'exprimant à l'ouverture du sommet. Et je dois dire que j'ai trouvé cela un peu triste. Quel décalage entre les paroles et la réalité; entre les bonnes intentions et les résultats!

Ils expriment à Dubaï tout ce qu'ils aimeraient faire. Ils mentionnent tout ce qu'ils ont déjà fait. Mais la réalité est que l'on n'en voit pas véritablement les résultats, puisque les émissions de CO2 continuent à augmenter, tout comme la pollution. La pauvreté, elle aussi, a recommencé à croître au niveau mondial.

En fait, ces dirigeants ne sont que des hommes et des femmes qui ont des charges infernales sur les épaules. Certains ont des guerres à leurs portes. Presque tous ont des problèmes financiers, des problèmes économiques, du chômage, de l'inflation... Et ils se retrouvent là, face au monde entier, avec une énième difficulté à traiter : les changements climatiques.

Quand on les voit à l'ouverture de la COP, se succéder à la tribune dans un protocole impeccablement réglé, il en ressort une impression troublante. On pourrait croire qu'ils ont beaucoup de pouvoir. Mais est-ce vraiment le cas? Ils en ont peut-être beaucoup moins qu'on ne le croit, soumis comme ils le sont à tant de vents tourbillonnants. Des écologistes d'un côté, aux intérêts économiques publics et privés de l'autre, sans même parler de l'impératif de plaire pour être réélus. Ainsi, plus que des décideurs impactants, on devine souvent les arbitres d'un match entre plusieurs équipes qui ne suivent pas forcément les règles du jeu.

Du coup, le pouvoir est ailleurs. En discutant avec certains, j'ai compris à quel point ils ont les mains liées et craignent les oppositions, publiques et privées, une fois rentrés chez eux.

Pendant ce temps, le monde ne s'arrête pas

Les problèmes climatiques vont déjà plus vite que les efforts pour y remédier. Si nous continuons ainsi, il n'y a qu'une issue, et pas des plus réjouissantes.

Ironiquement, ceux qui ont parlé de la manière la plus claire au Sommet ne sont pas ceux qui ont le plus de pouvoir, ceux qui sont responsables de la destinée d'un État, aussi grand soit-il. Qui a fait un réquisitoire en règle contre les énergies fossiles? Le Secrétaire général des Nations Unies, écouté, mais peu suivi. Qui a montré l'exemple en interdisant les importations de produits issus de la déforestation ? C'est l'Union européenne qui est une organisation supra-nationale. Qui a parlé franc aux compagnies pétrolières et gazières en leur renvoyant la responsabilité de décarboner ? C'est le président de la COP 28, qui est le patron d'une entreprise fossile.

Si le pouvoir est fragmenté, ce qu'il faut, c'est réunir les morceaux. N'avoir plus qu'une seule équipe à coacher. S'ils souhaitent surmonter la multiplicité des défis auxquels ils sont confrontés, les dirigeants ont besoin d'outils qui fédèrent les forces en présence.

Ces outils existent aujourd'hui

Les énergies renouvelables dont le prix s'est effondré et les technologies propres qui permettent d'énormes économies financières en diminuant le gaspillage. Cela devrait réunir les partis de gauche attachés à la défense des plus démunis et ceux de droite à qui l'on offre de nouvelles opportunités industrielles, sans oublier ceux pour qui la priorité revient à la souveraineté énergétique.

Il reste à utiliser le langage qui permet d'y arriver. En promouvant les avantages de l'action climatique plutôt que seulement son urgence, ils pourront alors rallier les différents pans de la société à la cause commune. En parlant solutions rentables plutôt que problèmes coûteux.

C'est maintenant aux négociateurs d'entrer en jeu, au secteur privé de s'engager, aux institutions à exercer des pressions, et c'est cela, davantage que les discours d'ouverture, qui définira le succès de la Conférence. Nous en reparlerons ces prochains jours, avec les avancées que nous pourrons constater sur le terrain. Et, inlassablement, nous continuerons le plaidoyer en faveur d'une écologie réaliste et efficiente.

En fin de compte, ce furent deux jours que j'ai trouvé plus intéressants sur le plan psychologique que sur le plan purement climatique.

Bertrand Piccard sera à la COP pour :

  • Présenter « Le Nouveau Narratif Climatique », une nouvelle manière, pour les décideurs politiques et économiques, de présenter l'action environnementale, avec l'objectif de convaincre les opposants et autres récalcitrants à la transition écologique et énergétique.
  • Rencontrer ces mêmes leaders politiques et économiques pour pousser le message selon lequel la transition n'est pas seulement bénéfique pour la planète, mais aussi pour l'économie des entreprises, la qualité de vie et les portefeuilles des citoyens.
  • Mettre en avant les solutions efficientes labélisées par la Fondation Solar Impulse à travers discours, rencontres et autres débats tenus sur place. Le déploiement de ces solutions pouvant être une contribution clé aux objectifs climatiques internationaux de renforcement de l'efficience.
  • Il s'exprimera lors du World Leaders Summit face aux chefs d'états de toute la planète lors des premiers jours de la COP28

La Fondation Solar Impulse sera présente :

  • Le 6 décembre, au pavillon UNFCC (Climate Action Zone) pavillon Benelux, pour une soirée en partenariat avec l'UNFCCC, autour du Nouveau Narratif Climatique.
  • Pendant 2 jours à l'espace expositions de l'organisateur UNFCCC, le 8 et le 9 décembre, où elle présentera ses activités aux visiteurs.
  • Pendant 2 semaines à travers la participation à des panels, débats, interview média et autres évènements politiques et économiques.

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Commentaires 2
à écrit le 03/12/2023 à 10:09
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"C'est maintenant aux négociateurs d'entrer en jeu, au secteur privé de s'engager," Ça fait 40 ans qu'ils auraient du le faire et ne l'ont toujours pas fait. Le néolibéralisme n'est qu'un nihilisme qui s'accorde parfaitement avec leur pollution génér...

à écrit le 02/12/2023 à 20:41
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"ce nouveau rendez-vous crucial pour l'avenir de notre planète." : Désolé de vous contredire, mais les réunions COP n'ont rien de crucial pour l'avenir de notre planète

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