François Hollande et le blockbuster mémoriel

Que cache l'accumulation de commémorations "hollandaises" ? Par Jean Christophe Gallien , Professeur associé à l'Université de Paris 1 la Sorbonne, CEO de ZENON7 Public Affairs et Président de j c g a

Avec la stratégie du blockbuster mémoriel, on monte d'un cran dans l'intensité dramatique de la narration de l'exercice du pouvoir par François Hollande. Nous l'avons décrit dans ces colonnes sous le titre « La téléréalité assumée de François Hollande », il confirme et augmente la densité d'une matière proche de celle du spectacle qui depuis plusieurs mois vient nourrir les écrans de "l'infotainment".

Nous sortons à peine des événements de novembre. Le sang des victimes, notre tristesse ou notre rage sont encore presque chauds. Mais personne ne pourra y échapper. La vague de la commémoration des terribles attentats de janvier 2015 sera trop grosse. Prolongée par complicité gourmande en images sensationnelle et en audience comme dans une "parismatchisation" du politique parfaite pour tous les médias en quête de matière vendeuse. Tous les espaces seront impactés nourris en profondeur.
Très efficace tactique politique d'occupation totale de l'espace public et politique, de contrôle de l'agenda, de mise en scène du leader, ça n'est plus un acte de résistance à l'érosion politique mais davantage un acte de conquête qui ouvre, dans la puissance médiatique, l'année politique décisive 2016.

La critique réduite au silence

Le teasing médiatique, les actes de célébrations et leurs commentaires politiques et médiatiques offrent a minima une bonne quinzaine de jours de domination politique à François Hollande. La critique sera réduite au silence avant la prochaine séquence événementielle. Personne ne peut se mettre en travers de cette grosse vague d'émotion programmée dans ses moindres détails et dans ses différentes manifestations. Aucun parti, aucune voix, aucun leader ne pourront venir perturber encore moins gâcher cette narration mise en scène par les habiles scénaristes de l'Elysée. Et soyons certains qu'il en restera même des traces positives chez certains électeurs, au delà des chiffres de la vraie vie, au moment du choix de 2017. Les images impriment durablement, les mots aussi.

Une tentative de manipulation d'émotions sincères


Il y a juste un bug, la France du réel, celle de 2016, n'est pas la France qui s'unit dans l'émotion programmée et obligatoire. En particulier la France qui ne s'est pas retrouvée dans les « Je suis Charlie » pour des raisons diverses, plus ou moins légitimes, plus ou moins acceptables. Pour l'autre France, celle qui va peut-être communier collectivement ou individuellement dans la commémoration, on peut évoquer une tentative de manipulation d'émotions sincères. Ces moments tous médiatisés nous font frissonner de tristesse mais aussi trembler de peur.

On nous dit à répétition combien nous sommes menacés, combien nous devons rester vigilants, combien nos ennemis sont actifs. On nous rassure avec des : « nous sommes mobilisés pour vous protéger, nous déjouons sans cesse des attaques », mais on nous rappelle sans cesse ouvertement ou par litotes multipliées que l'horreur peut revenir à tout moment. Ce voile brumeux à la fois protecteur et inquiétant voudrait presque nous faire oublier que d'autres dangers sont bien vivants et qu'ils nous frappent quotidiennement économiquement, socialement, fiscalement ... inlassablement et pour l'instant sans riposte efficace.

Une magnifique caisse de résonance pour les criminels

Enfin quelle magnifique caisse de résonance pour les criminels et leurs chefs ou donneurs d'ordre de France ou d'ailleurs. Quelles récompense incroyable pour ceux-là mêmes qui veulent instaurer une atmosphère de terreur et de guerre civile et qui sans agir, sans risque aucun, vont voir leurs faits d'armes racontés, analysés, revisités, détaillés, et leur gloire renaitre auprès de leurs nombreux fans d'ici et d'ailleurs. Nous serons à nouveau les communicants de nos bourreaux. Les acteurs complices, malgré nous, de leur storytelling de la terreur.

Jean Christophe Gallien , Professeur associé à l'Université de Paris 1 la Sorbonne
CEO de ZENON7 Public Affairs et Président de j c g a
Membre de la SEAP, Society of European Affairs Professionals

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Commentaire 1
à écrit le 06/01/2016 à 19:39
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Effectivement, tout ceci me dégoûte profondément.

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