Gaza : l'après a commencé

CHRONIQUE LE MONDE À L'ENDROIT — Alors que le Qatar parle d'une prolongation durable de la trêve, les Etats-Unis et la France s'interrogent sur le sort de Gaza. Qui en reprendra le contrôle ?
François Clemenceau
Pour François Clemenceau, le Qatar joue avec le feu en tant que complice politique et financier du Hamas et sans avoir forcément les moyens de contrôler l'Iran en cas d'embrasement régional.
Pour François Clemenceau, le Qatar joue avec le feu en tant que complice politique et financier du Hamas et sans avoir forcément les moyens de contrôler l'Iran en cas d'embrasement régional. (Crédits : © DR)

La trêve qui a occasionné la libération de certains des otages du Hamas et permis de faire entrer de l'aide humanitaire à Gaza peut-elle être étendue à un cessez-le-feu digne de ce nom ? Et entraîner parallèlement des négociations sur l'avenir de la Palestine et d'Israël ? Rien n'est moins sûr.

Quarante-neuf jours de cauchemar et autant de nuits d'angoisse pour les familles des otages avant que le Hamas ne consente à relâcher au compte-gouttes certains d'entre eux au terme d'un chantage odieux. Israël explique que les captifs n'auraient pas pu retrouver la liberté sans la pression de son offensive aérienne et terrestre qui a causé des milliers de morts parmi la population civile palestinienne. Mais la vérité est surtout que la trêve humanitaire est le résultat d'une négociation déclenchée quasiment dès le premier jour. C'est en effet sur le modèle de la libération de Judith Raanan et de sa fille Nathalie le 20 octobre, obtenue par le Qatar, que les États-Unis et Israël ont choisi Doha pour poursuivre la médiation qui venait d'être conduite avec succès pour les deux Américaines.

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Reprise de l'offensive israélienne ?

Est-ce qu'à l'issue de la trêve ce partenaire sera maintenu dans son mandat pour la libération des otages restants et la poursuite de l'aide humanitaire à Gaza ? Probablement. Mais à quelles conditions ? Le Premier ministre israélien indique qu'il reprendra l'offensive dès mardi prochain à l'issue de la pause humanitaire alors que le négociateur qatarien parle de sa prolongation et même d'une « trêve durable » avant de s'engager vers « un cessez-le-feu permanent ».

Bien que dans cette médiation le Qatar joue avec le feu en tant que complice politique et financier du Hamas et sans avoir forcément les moyens de contrôler l'Iran en cas d'embrasement régional, les États-Unis et la France ont compris qu'il y avait avec cet intermédiaire et ce calendrier une occasion de mettre fin à la guerre. En utilisant notamment l'arme humanitaire.

« Il est indispensable que la France et l'Union européenne soient mobilisées sur l'aide humanitaire à Gaza par préoccupation sécuritaire », dit-on à Paris.

En clair, plus il y aura de camions à entrer dans Gaza pour soulager la détresse insondable de la population civile gazaouie, plus il y aura de chances d'obtenir d'autres libérations d'otages et donc de faire durer la trêve. Et surtout d'éviter de laisser à l'Iran et ses « proxys » de la faire « partir en vrille ». Il s'agit bien pour Washington et Paris de « casser la dynamique de la violence à l'encontre des populations civiles ».

Rares sont ceux à croire que le Hamas sera définitivement éradiqué

Reste le « jour d'après ». Qui pour reprendre le contrôle de Gaza, quand, comment, et avec quel objectif ? La réponse à cette question qu'ont posée les Américains et les Européens à chacun de leurs entretiens avec les autorités israéliennes, ils ne l'ont jamais obtenue. Rares sont ceux à croire, y compris en Israël, que le Hamas sera définitivement éradiqué et que l'armée israélienne réoccupera Gaza durablement. Lorsque Joe Biden évoque les « leçons du 11-Septembre », c'est bien du retrait chaotique d'Afghanistan, vingt ans après avoir « chassé » Al-Qaïda de Kaboul et de Tora-Bora, qu'il parle. Mais aussi du ratage absolu de la « débaassification » de l'Irak après la chute de Saddam Hussein et qui a conduit les vaincus du parti Baas à se radicaliser aux côtés des adeptes du djihadisme. Évitons la même erreur à Gaza avec le Hamas, résume un expert du dossier pour qui il faudra bien composer avec les restes d'une Administration en état de marche pour faire repartir la vie politique et économique à Gaza. Les coalisés de la lutte anti-Daech savent bien également que, après que le califat de l'État islamique à Mossoul et Raqqa a été défait, l'idéologie de Daech survit encore aujourd'hui en Irak et continue de frapper jusqu'en Europe.

C'est forts de ces retours d'expérience que les alliés d'Israël le pressent de réfléchir au jour d'après, plutôt sans Netanyahou qu'avec lui. N'est-ce pas son adversaire de l'époque, le Premier ministre travailliste Yitzhak Rabin, qui disait vouloir « combattre le terrorisme comme s'il n'y avait pas de négociation mais négocier en même temps comme s'il n'y avait pas de terrorisme » ? Rabin fut assassiné en 1995 par un extrémiste juif jugeant les accords de paix d'Oslo suicidaires pour Israël. En attendant la fin de la trêve et le début d'une hypothétique reprise de dialogue israélo-palestinien, Américains et Français s'activent pour déminer toute tentative de l'Iran de jeter de l'huile sur le feu.

La France fait passer des messages au Hezbollah

C'est le cas en Irak et en Syrie, où les forces américaines ripostent systématiquement aux attaques quasi quotidiennes de roquettes des milices chiites, et pour la première fois cette semaine immédiatement. C'est le cas au Liban, où Emmanuel Macron, Catherine Colonna et Sébastien Lecornu ont fait passer des messages au Hezbollah pour qu'il sache qu'il ne doit pas aller trop loin en tirant sur Israël depuis des positions trop proches des troupes de la Finul, ce qui mettrait celles-ci en danger en cas de riposte israélienne. « Au moindre Casque bleu français touché, la position de la France s'en trouverait changée », menace-t-on à Paris.

François Clemenceau

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Commentaire 1
à écrit le 26/11/2023 à 9:01
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Le mieux serait de les laisser entre les mains des lobbys agro-industriels et pharmaceutiques, ils seraient tous d'accord nos dirigeants du monde ! Bon c'est sûr qu'ensuite ils vont pas rigoler les palestiniens...

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