Impasse budgétaire  : il est temps de passer à une politique d'offre

OPINION. Malgré quelques mesures visant à freiner les dépenses publiques, les projections de croissance du gouvernement pour faire baisser le poids de la dette souveraine au niveau des exigences des critères de Bruxelles restent trop optimistes. Une option pour le président qui s'est engagé à ne pas augmenter les impôts est de lancer le choc de simplification administrative toujours annoncé mais jamais appliqué. Par Marc Guyot et Radu Vranceanu, professeurs à l'ESSEC.
Marc Guyot et Radu Vranceanu.
Marc Guyot et Radu Vranceanu. (Crédits : Reuters)

Le gouvernement devait transmettre jeudi 18 avril à Bruxelles sa feuille de route budgétaire pour les quatre prochaines années. L'entrée en vigueur fin 2024 de la nouvelle mouture du pacte de stabilité européen se conjugue au dérapage budgétaire massif révélé en mars, pour contraindre le gouvernement à fournir des prévisions budgétaires crédibles et sincères à la Commission. En effet, la caractéristique de la nouvelle formule du pacte de stabilité est que la trajectoire budgétaire est un engagement du gouvernement et non plus une note d'information.

L'aggiornamento du gouvernement

Les données sont simples. La France, comme les autres pays membres de la Zone Euro, doit tracer une route crédible vers un déficit budgétaire inférieur à 3% de son PIB à l'horizon de 4 ans. Le gouvernement s'est exécuté, et sa nouvelle trajectoire budgétaire table sur un déficit de 4,1% en 2025, soit une baisse de 1 point par rapport au 5,1% de 2024, pour atteindre 2,9% en 2027. Cette nouvelle trajectoire est moins optimiste que celle de 2023 dans laquelle le gouvernement s'était engagé à atteindre 2,7% de déficit en 2027 avec une dette à 108,3% du PIB, contre 112% en 2027 dans la nouvelle mouture. Le gouvernement a dû faire un aggiornamento sur ses prévisions très optimistes de croissance. Il tablait sur 1,4% de croissance réelle en 2024, qu'il a ramenée à 1% dernièrement, ce qui reste relativement optimiste. En effet, les dernières prévisions du FMI du 16 avril tablent sur une croissance à 0,7% en France en 2024. La diminution de l'inflation, plus rapide que prévu, est une bonne nouvelle pour les citoyens mais a constitué une mauvaise surprise pour le gouvernement. En effet, à court terme, l'inflation augmente artificiellement la croissance du PIB en valeur ce qui permet d'afficher une baisse du ratio dette sur PIB.

L'exigence d'un retour à l'équilibre budgétaire n'est pas imposée uniquement par les technocrates de Bruxelles, les agences américaines de notation, ou une quelconque conspiration mondiale. L'équilibre budgétaire est maintenant imposé par le marché des obligations d'État. Actuellement, le Trésor emprunte à 10 ans à un taux d'intérêt de 3%. Ce taux fait augmenter de manière vertigineuse le service sur les nouvelles dettes, en remplacement des dettes contractées à taux zéro dans le passé, arrivant à échéance maintenant. En effet, la France devra emprunter environ 285 milliards d'euros en 2024. Selon les calculs du gouvernement, le service de la dette va passer de 39 milliards en 2023 à 72,3 milliards en 2027, soit davantage que le budget de l'éducation nationale. Cette simulation risque de s'avérer optimiste si une prime de risque venait s'ajouter au taux normal. Moins la trajectoire de la dette sera crédible, et plus le coût de son financement sera élevé. C'est une raison objective pour laquelle le gouvernement doit réduire drastiquement les déficits.

Pour atteindre son objectif, le gouvernement va annoncer qu'il compte réaliser 10 milliards supplémentaires d'économies en 2024 en sus de celles de 10 milliards déjà actées. L'effort essentiel est repoussé à l'année prochaine avec 25 milliards d'économies à réaliser en 2025. Il ne s'agit pas de réduire la dépense publique, mais de l'augmenter moins que prévu.

Championne olympique de la dépense

Cette position du gouvernement laisse rêveur quand on la confronte à la part des dépenses publiques en proportion du PIB. Avec 57,5% du PIB en 2023, la France est championne olympique, pour un niveau de service publique qui ne fait plus d'envieux depuis longtemps en termes d'éducation, de santé, de sécurité ou de défense. Le président de la République estime que nous avons un problème de recettes et pas de dépenses. Toutefois, il rejette catégoriquement la perspective d'une augmentation des impôts. Si nous avons un problème de recettes à périmètre fiscal inchangé, c'est l'assiette fiscale qui n'a pas été aussi large que prévue. Le gouvernement tablait sur une croissance de 1,4% en 2024, soit le double de celle prévue par le FMI. Il est donc correct de dire que la France a un problème de recettes publiques, dû à sa croissance insuffisante. La solution semble donc triviale, le gouvernement doit stimuler la croissance sur la période de 4 ans couvrant la trajectoire budgétaire, sans dépenser plus d'argent qu'il n'en a.

Si l'objectif du président est la croissance la plus forte possible, on comprend aisément qu'il ne veuille pas augmenter les impôts. En effet, cela créerait un choc fiscal de nature à ralentir la croissance façon François Hollande première mouture en 2012. Après avoir matraqué les entreprises, le président Hollande a désespérément cherché des moyens de les soutenir, par des mesures aussi alambiquées que le CICE, son plan de crédit d'impôts des sociétés proportionnel à la masse salariale.

Nous suggérons au président actuel et à son gouvernement d'effectuer la même conversion vers l'offre, mais de l'exécuter de façon plus efficace. Cela fait longtemps que dans les colonnes de ce journal, nous appelons à prendre les mesures d'offre qui pourraient, à moyen terme, favoriser la croissance. En premier lieu, il faut décomplexifier et simplifier les règles de fonctionnement du marché du travail. En second lieu, le choc de simplification administrative longtemps annoncé doit maintenant se concrétiser. Enfin, il est temps de simplifier les normes, et d'éviter leur hyperinflation, qui frisent à l'absurde tellement elles tirent à hue et à dia. D'autres mesures structurelles permettraient d'accompagner la transformation de l'économie, comme la réforme du système éducatif, la mise en place d'un environnement plus favorable à l'innovation et la transition climatique mais ces mesures seront efficaces sur un horizon plus long que 4 ans.

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Commentaires 5
à écrit le 20/04/2024 à 9:44
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Oui mais nos multi-milliardaires n'ont plus rien à offrir ne sachant plus que prendre et Nietzsche nous en avait prévenu.

à écrit le 20/04/2024 à 2:21
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Le gros problème, c'est que la politique de l'offre selon les économistes mainstream est adaptée à des pays à la culture économique assez évoluée alors que dans les pays latins, les milieux d'affaires confondent en général politique de l'offre et ren...

à écrit le 19/04/2024 à 13:54
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"Passer à une politique d'offre" signifie t'il de pousser à la consommation via la publicité et d'inutile innovation pour continuer, tel un hamster en cage, à tourner dans sa roue ??

à écrit le 19/04/2024 à 13:52
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"Passer à une politique d'offre" signifie t'il de pousser à la consommation via la publicité et d'inutile innovation pour continer, tel un hamster en cage, à tourner dans sa roue !!?

à écrit le 19/04/2024 à 13:38
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Oui, bon, c'est pas bien de ne pas être comme les autres ! La France est dépendante des marchés pour sa dette; et la RFA pour ses exportations... Quelle différence ? Quant à s'engager sur 4 ans, pour complaire à la commission, c'est risible. Les aléa...

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