Industrie française  :  passer de l'amélioration conjoncturelle à la croissance durable

On observe chez les dirigeants du secteur industriel un vrai changement de posture, depuis l'été 2017 : du fait de la conjoncture, mais aussi d'un « effet Macron », les modèles décisionnels ont évolué. Par Alexis Soudoplatoff, responsable de la practice industrie Robert Walters Management de Transition.
(Crédits : Philippe Wojazer)

C'est du jamais-vu depuis dix ans : en 2017, la France a ouvert plus d'usines qu'elle n'en a fermé(*). Et l'emploi dans le secteur retrouve des couleurs, même s'il s'agit, pour l'instant, essentiellement d'emploi intérimaire. Le redressement profite y compris à certaines régions jusqu'ici durement touchées par la crise : les Hauts de France, la Somme, les Pays de la Loire ou encore le Grand Est retrouvent, en partie, leur activité industrielle.

Surtout, on observe chez les dirigeants du secteur un vrai changement de posture, depuis l'été 2017 : du fait de la conjoncture, mais aussi d'un « effet Macron », les modèles décisionnels ont évolué. On ne recrute plus seulement parce qu'il le faut, mais aussi, à nouveau, dans la perspective d'un développement économique.

La preuve ? Les profils recherchés. Ils sont révélateurs, non seulement d'un niveau soutenu de la demande (avec une tension particulière sur les métiers de la qualité et de la logistique) mais également d'une anticipation à moyen et long terme d'une évolution de l'offre : ainsi, l'industrie cherche à recruter massivement des experts capables de mener à bien des projets de R&D, des programmes d'investissements et travaux neufs, ou encore le développement de nouveaux projets industriels. Enfin, bon nombre d'entités mènent des actions de repositionnement stratégique vers des activités plus porteuses.

Contexte passager ou vrai redémarrage ?

Alors, dans quel cycle sommes-nous en train d'évoluer ? Vivons-nous une simple amélioration conjoncturelle, ou ce climat peut-il se pérenniser en une véritable croissance durable pour l'industrie française ?

Pour certains observateurs, tout cela serait trop beau pour durer : la création nette d'emploi dans l'industrie ne progresse pas, notre compétitivité reste inférieure à celle de nos grands concurrents européens, et, surtout, nous n'avons toujours pas entrepris les grandes réformes nécessaires que tous les autres pays occidentaux ont déjà mises en œuvre. Nous assisterions à un rattrapage plutôt qu'à un vrai décollage.

En réalité, pour que ce moment de grâce se transforme en une tendance de fond, il faut plus qu'un contexte : il faut une stratégie. Une stratégie d'offre à moyen et long terme, seule solution pour que les entreprises n'agissent plus uniquement en fonction de l'optimisation des contraintes financières à court terme.

Pour définir cette stratégie d'offre, l'industrie doit se diriger vers les secteurs porteurs, dans lesquels elle dispose d'un avantage concurrentiel relatif. Et la France doit définir son positionnement par rapport à ses concurrents européens et mondiaux. C'est précisément ce qui a fait le succès de certains grands groupes, qui ont su choisir les bons pôles d'activité (défense) ou bien participer activement, par l'innovation, à la transformation de certains secteurs (automobile, transport, énergie renouvelable).

Mais ce ne sont pas les entreprises industrielles seules qui peuvent opérer ces choix stratégiques : c'est tout le pays qui a besoin d'une politique industrielle claire, volontariste, avec une vision et des engagements de la part de l'Etat. A lui de jouer un rôle de facilitateur, de créer un environnement -juridique, réglementaire, fiscal- qui définisse ses priorités, et encourage les industries les plus prometteuses. Certains secteurs comme la robotique, l'intelligence artificielle ou les transports recèlent d'immenses potentiels de croissance. Les récentes initiatives publiques (comme le plan Intelligence Artificielle, présenté en mars dernier) s'engagent déjà dans ce sens. C'est en les prolongeant, en les intensifiant, que nous passerons d'une reprise conjoncturelle à un redressement durable. Et que nous mettrons à profit tous nos atouts pour revenir, solidement, dans le « match » de l'industrie mondiale.

Par Alexis Soudoplatoff, responsable de la practice industrie Robert Walters Management de Transition.

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(*) Source : Observatoire de l'Investissement Trendeo, mars 2018

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Commentaire 1
à écrit le 29/05/2018 à 7:44
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Le chomage n'est pas lié à la croissance. On peut produire plus avec moins de travail; cela s'appelle "gains de productivité". Il faut réduire le cout du travail pour créer des emplois. Lire la note n°6 du CAE, et surtout l'appliquer. Qui le comprend...

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