Innovation : nouvelles étoiles dans la course à l'alpha

OPINION. Les résultats du début d'année pour les géants du numérique nous laissent la même combinaison d'admiration, de curiosité et d'anxiété que fin avril lorsque nous avons assisté au lancement de la mission Alpha (terme qui désigne aussi la surperformance boursière) dirigée par notre héros national (et maître d'Instagram) Thomas Pesquet. (*) Par Jean-Christophe Liaubet, associé chez Fabernovel.
(Crédits : Dado Ruvic)

En publiant des résultats financiers records, de nombreuses grandes entreprises technologiques - les GAFA en tête - ont défié la loi des grands nombres qui veut que la croissance d'une entreprise ralentit à mesure qu'elle grandit. Ils ont notamment bénéficié de la crise du Covid puisque de nouveaux usages se sont accélérés avec le numérique on l'a vu notamment dans le divertissement, le e-commerce ou encore le travail. Ces résultats financiers ont dépassé les attentes des analystes sur les trois critères principaux traditionnellement scrutés par Wall Street : la croissance, la rentabilité et la génération de cash.

Le chiffre d'affaires des géants de l'indice qu'analyse le nouveau rapport Gafanomics Quarterly atteint en moyenne une croissance de 25% et de 74% pour les résultats opérationnels des entreprises de l'indice avec un EBIT positif. Quant à la génération de trésorerie, elle suit cette même tendance, Apple a par exemple généré à lui seul plus de 60 milliards de dollars sur les 6 derniers mois.

Un pavé dans la mare de Wall Street

Cependant, ces chiffres surprenants n'ont pas envoyé ces géants sur orbite pour une nouvelle "mission alpha" réussie ce trimestre, car la plupart de leurs actions se sont dégonflées. Si les résultats financiers affichent donc des records, la performance boursière s'avère elle, inhabituellement sous pression. Plusieurs raisons peuvent expliquer cette frilosité du marché. Tout d'abord, le PIB américain, qui a grimpé de 6%, fait craindre aux investisseurs une résurgence de l'inflation aux États-Unis et donc d'une remontée des taux, préjudiciable aux valeurs de croissance les mieux valorisées. Mais c'est aussi Joe Biden qui, en annonçant vouloir augmenter l'impôt sur les sociétés et l'impôt sur la fortune, a jeté un pavé dans la mare de Wall Street. Les valorisations extrêmement élevées sont de facto celles de ces actifs technologiques qui en ont pâti les premiers, ces entreprises n'ayant d'autre choix que de viser la lune au risque d'une douche froide au moindre faux pas. Ce risque-récompense qui tend plus côté risque que récompense les rend aujourd'hui moins attrayants auprès des investisseurs. D'autant que la menace antitrust plane fortement sur leurs modèles quand on voit les nombreuses audiences de Facebook au congrès américain, ou encore l'affaire Jack Ma chez Alibaba, de l'autre côté du Pacifique.

Pour étudier ces entreprises depuis de nombreuses années, nous avons aussi le sentiment que leurs stratégies d'innovation s'avèrent moins créatives et agiles aujourd'hui. Youtube Short d'Alphabet n'est qu'une version améliorée de TikTok. Apple ne transcende plus non plus par ses innovations produits et s'appuie côté software sur les meilleures applications de son AppStore pour créer des concurrents. Facebook cherche à créer sa brique de paiement pour se lancer dans le e-commerce avec Diem, anciennement appelé Libra pour se rapprocher du succès de la super-app chinoise WeChat. L'innovation chez les Big Four se diffuse surtout en fait dans les nombreux rachats qu'ils opèrent. Depuis 3 ans, les Big Four ont fait l'acquisition de 59 entreprises avec des achats moyens de plusieurs centaines de millions de dollars quand une entreprise du S&P500 ne fait que 3 transactions de plus de 10 millions de dollars en l'espace de 3 ans en moyenne.

Et si les cas de capital-innovation les plus attrayants en termes de génération d'alpha étaient désormais entre les mains des entreprises historiques qui se présentent à la fois avec une valorisation plus abordable et des leviers de valeur plus forts issus de l'innovation ? Des entreprises comme Disney, Walmart, Nike, L'Oréal, Schneider Electric, Volkswagen ou Edenred ont commencé à ouvrir la voie en attaquant ces géants sur leur propre planète en affutant leurs armes historiques. Une page de l'histoire qui se tourne, avec plus de Thomas Pesquet à la clé ?

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 31/05/2021 à 15:35
Signaler
D'un côté la réalité des chiffres, extraordinaires, inimaginables, on comprend parfaitement la terreur de l'ancienne ploutocratie, de l'autre la logique des marchés financiers tandis qu'on n'arrive de moins à moins à en caractériser le fonctionnement...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.