L'Allemagne au bord de la récession

La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui, l'Allemagne au bord de la récession
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Allemagne et Récession, ces deux mots ne semblent pas coller. Pourtant, après l'avoir évitée d'un cheveu en 2018, la question se pose à nouveau pour l'économie allemande. Il faut se rendre à l'évidence, l'Allemagne n'est pas bloquée par une simple panne conjoncturelle, mais souffre aujourd'hui de ce qui faisait sa force hier: sa puissance industrielle et son ouverture à l'international. Techniquement parlant, c'est-à-dire deux trimestres consécutifs de repli de la valeur ajoutée, l'industrie manufacturière allemande est en récession depuis le 4e trimestre 2018 et compte tenu de l'évolution de la production manufacturière et des carnets de commandes, indicateur avancé de l'activité industrielle, nul espoir d'amélioration à court terme.

Baisses des immatriculations autos dans le monde

Le retournement du cycle manufacturier mondial pèse de tout son poids notamment sur la demande de biens d'équipements adressée à l'Allemagne. Il y a donc une composante cyclique dans les déboires actuels de l'industrie allemande. Mais le mal est plus profond encore, car il touche aussi l'automobile dont la descente ne semble pas transitoire. Le nombre de véhicules qui sort des chaines de production outre-Rhin est inférieur de 17% à ses derniers pics de 2016-2017. Longtemps mis en avant, l'argument des difficultés spécifique des constructeurs allemands dans la mise en œuvre de nouvelles normes réglementaires ne tient pas. S'ils avaient été confrontés à un problème particulier, alors les constructeurs allemands auraient vu, au moins temporairement, chuter leurs parts de marché. Or rien de tel.

En fait, si leur production baisse, c'est que les immatriculations mondiales ont violemment décroché, notamment dans les pays émergents : c'est le cas de la Chine mais aussi depuis peu de l'Inde. Dans ces pays, la voiture est le marqueur de l'émergence de la classe moyenne, une classe moyenne dont l'essor est aujourd'hui bien plus chaotique qu'anticipé et sur laquelle les industriels allemands comptaient pourtant bien assoir leur croissance. Mais ce n'est pas beaucoup mieux du côté des États-Unis où les ventes automobiles plafonnent et où les industriels allemands sont, en plus, dans le collimateur de l'administration Trump. Quant à l'Europe, que ce soit dans la Zone euro ou au Royaume-Uni, les immatriculations reculent depuis plusieurs mois maintenant.

Géographiquement étendue, le malaise de l'auto, qui pèse un cinquième de l'industrie allemande, parait durable et la spécialisation internationale de l'Allemagne dans les biens d'équipement et l'automobile, notamment adaptée aux pays émergents, est devenue un handicap.

Des pressions sur le budget des ménages

C'est donc la demande domestique qui tient encore la croissance, mais c'est un fil très fragile. D'abord parce que, côté revenu, la tendance de fond reste à la modération salariale, une anomalie soulignée par Rexecode : faiblesse de la hausse du coût du travail bloquée à 1,8% l'année dernière dans l'industrie et les services ce qui est peu dans une économie proche du plein emploi avec un taux de chômage descendu en dessous de 3,5%.

Ensuite, parce qu'une part croissante du budget des ménages prend la direction du logement et alimente ce qui s'apparente de plus en plus à une bulle. Depuis 2010, les prix de l'immobilier ont flambé de 65%, ce qui correspond à une progression de 5,7% en moyenne par an, alors qu'ils n'avaient quasiment pas bougé durant les années 2000. Les loyers ne sont pas en reste, avec un doublement en 10 ans à Berlin, par exemple, avec une nette accélération en fin de période. Cela grève bien évidemment le budget des ménages et ampute leur capacité à dépenser plus. C'est la fin de la pierre angulaire de la compétitivité allemande : la sagesse de l'immobilier comme contrepartie rendant acceptable les faibles revalorisations salariales.

Dernier sujet de préoccupation, l'amoncèlement de créances douteuses des banques allemandes, signe que les excédents ont été placés parfois de façons hasardeuses et font de moins en moins office de matelas de sécurité. La Deutsche-Bank, proche de la perdition, marque l'échec de l'industrie bancaire allemande.

Bloquée à l'international, très fragile à l'intérieur, la probabilité d'une Allemagne en récession est un risque à intégrer, concrétisant ce que l'on pressentait depuis longtemps : le pire ennemi de l'Allemagne, c'est son succès, l'incapacité à se remettre en cause, lorsque le système est à son apogée, mais proche de l'épuisement.

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Commentaires 28
à écrit le 25/07/2019 à 6:52
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Ne vous inquiétez pas... L économie allemande est beaucoup plus robuste que vous ne le croyez. En Allemagne , out le monde a du travail et la transition écologique est bien plus avancée qu en France ...

à écrit le 24/07/2019 à 8:00
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Vu la charge de junk bond et autres hypotheques pourries qui sont a l'acatif de la DB, grosses repercussions sur toutes les banques en Europe. BNP, en particulier.

à écrit le 24/07/2019 à 7:15
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IL est temps pour l'Allemagne d'augmenter ses bas salaires et le smic pour relancer sa consommation et celle de l'Europe !

à écrit le 23/07/2019 à 23:29
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"l'Allemagne est le malade de l'Europe", il y a plusieurs paires d'années, je lisais un tel titre. Je ne sais plus ce que j'ai lu, mais si j'ai retenu le titre, c'est que le contenu devait être intéressant.

à écrit le 23/07/2019 à 20:10
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Le principal problème est la démographie, une sorte de parallèle avec le Japon. Penser que l'Allemagne n'est pas capable de muter est une erreur. J'y ai vécu longtemps. Nous français, on peste pour les places en crèche, ...

à écrit le 23/07/2019 à 19:52
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L’Allemagne c’est la valeur la plus sur après la Suisse, Danemark et Pays - Bas. Les Allemands sont sérieux mais il manque un souffle nouveau pour les représenter au niveau Politique , Mme Merkel a fait «  son temps » il faudrait d’autres moteurs pou...

à écrit le 23/07/2019 à 14:07
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"Depuis 2010, les prix de l'immobilier ont flambé de 65%, ce qui correspond à une progression de 5,7% en moyenne par an, alors qu'ils n'avaient quasiment pas bougé durant les années 2000. Les loyers ne sont pas en reste, avec un doublement en 10 ans ...

le 24/07/2019 à 14:10
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Les salaires dans l industrie allemnde ont augmente à un rythme de plus de 3% depuis 2015 soit nettement plus qu en france. Ces augmentations sont ete possibles grâce à l excellente santé des exportations rendues effectives par les lois hertz dues au...

à écrit le 23/07/2019 à 12:24
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Ils sont pas assez compétitifs, il faut fluidifier le marché du travail et réduire la hausse des salaires, encourager les heures sup et le travail de nuit et du dimanche

le 23/07/2019 à 21:19
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Cela n'aura aucun effet : ils sont en plein emploi et l'économie est compétitive, ils font juste face à une économie mondiale en ralentissement alors qu'ils sont largement exportateur. Toute la différence de la France avec son chômage, son carcan soc...

à écrit le 23/07/2019 à 11:25
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Et si on demandait à Mme Lagarde de diminuer notre dette du montant de notre investissement militaire depuis 2000 , et du malus infliger pour nos emprunts , et du trop verser à Bruxelles pour soutenir les nouveaux entrants . Allez voir ... on sera...

le 23/07/2019 à 18:01
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Cher Monsieur, sachez que le budget militaire, au-dela de faire vivre de nombreux fonctionnaires, contribue a la recherche et developpement (qui peuvent utilises dans le civil apres), a la protection et l'influence de la France dans le concert des na...

le 23/07/2019 à 18:31
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Nicolas je vous dois donc de préciser . Que je n attaque pas les dépenses militaires , mais ne fait que remarquer que nos amis européens , n ont pas les mêmes dépenses ( arme nucléaire ) . Ceci dit accepter de recevoir mes civilités .

le 24/07/2019 à 9:57
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@nicolas donnez ne serait-ce qu'un exemple pour appuyer vos affirmations !

le 25/07/2019 à 9:02
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@Alban qui ne sait visiblement pas que les dépenses militaires financent la R&D qui peuvent se retrouver dans le civil, et créer dans emplois à posteriori. Un exemple: la fusée Ariane qui a bénéficié des dépenses dans les missiles balistiques. Les m...

à écrit le 23/07/2019 à 11:10
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le cocorico ? la FRANCE ! n est elle pas au niveau de l ITALIE ?

le 23/07/2019 à 17:15
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En parlant de l'italie Juillet 2019 Une bonne nouvelle sur le marché du travail italien. Le mois de mai 2019 a été marqué par une baisse du chômage, arrivé à 9,9% (2 millions 580.000 chômeurs), soit 0,2 points de moins qu’en avril. En passant s...

à écrit le 23/07/2019 à 10:18
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Voilà qui ne pousse pas l'Allemagne a sortir de l'UE mais bien au contraire a en prendre la tête pour s'assurer des clients captifs! Son "bonus" pour une relance est a base de dette des autres pays du club et de l'immigration! Une fois cette étape dé...

à écrit le 23/07/2019 à 9:49
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A tout prendre ne vaut il pas mieux une recession avec excedent budgetaire, commercial et des paiements que notre magnifique croissance bien chere payée?

le 23/07/2019 à 18:32
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Non:l'économie de l'allemagne disfonctionne.Celle de la France est plutot bonne.La raison en est simple:nous avons eu le courage d'entreprendre des réformes structurelles.L'allemagne s'est endormie sur son passé,les réformes Hartz sont dépassées dep...

à écrit le 23/07/2019 à 9:47
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Sauf que les caisses de l'Etat allemand sont pleines à craquer. Ils peuvent largement se payer un plan de relance (rénovation routes, écoles, investissements nouvelles technologies). Luxe que ne peut se payer la France en cas de coup dur...

le 23/07/2019 à 11:55
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L'Allemagne peut se payer un plan de relance, mais refuse de le faire. En fait ils refusent même les investissements minimaux qui devraient être fait... Et n’exagérons rien, la France a encore des capacités d'emprunt, on lui prete à taux négatif act...

le 23/07/2019 à 16:21
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J'aimerais voir les investissements minimaux. Les autoroutes allemandes sont un chantier, les batiments en bon état, ou faut-il investir. Parce que j'ai parfois comme le sentiment que ce que certains appellent investissement en France est plus une ...

le 24/07/2019 à 19:26
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"les caisses de l'état allemand sont pleines à craquer..' il ne faut rien exagérer l'allemagne avaiit encore 2063 milliards d'euros de dette souveraine en 2018 (contre 2093 milliards d'euros en 2017) source Wikipedia d'après eurostat

à écrit le 23/07/2019 à 9:27
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"l'incapacité à se remettre en cause" Bienvenu en UERSS, empire prévu pour durer mille ans.

à écrit le 23/07/2019 à 9:26
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J'adore l'expression, "au bord de la récession", comme si la récession était un trou horrible dans lequel on chute sans espoir de retour ... N'aurait-on pas pu titrer "L'Allemagne bientôt en récession", ça aurait été plus neutre, comme point de vue.

le 23/07/2019 à 10:33
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Personnellement je trouve le titre de l'article plus neutre que celui que vous proposé. Être au bord n'implique pas que l'on va tombé dans la dite récession alors que quand vous dites "L'Allemagne bientôt en récession" c'est que l'affaire est pliée. ...

à écrit le 23/07/2019 à 9:23
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L'avantage de l'Allemagne à la démographie déclinante, c'est que même une croissance nulle permet une amélioration du PIB/habitant.

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