
Nous avons publié un essai récent sur la thématique de l'hystérisation de la société (La société hystérisée aux éditions de l'Aube), phénomène particulièrement d'actualité.
La société hystérisée, c'est une société polarisée et radicalisée. Une société marquée par une certaine violence des rapports sociaux, sans mesure, sans nuance ; prise par une sorte de folie et d'emballement qui lui font perdre la raison. Une société marquée par l'affadissement et la dégradation du débat public. Une société marquée, par des discours de plus en plus tranchés, notamment sur les réseaux sociaux. Une société marquée par le diktat de l'opinion, où l'adversaire se transforme en ennemi : l'opinion est même devenue identitaire (« On s'attaque à moi si on la conteste »).
Les médias et les écrans en particulier sont les principaux vecteurs de cette hystérisation actuelle. S'il y a un sujet médiatique qui crée de la tension et de l'opposition, c'est bien le climat et l'énergie.
Nucléaire, éoliennes, énergies renouvelables au sens large : ces sujets donnent lieu à des discussions enfiévrées qui flirtent avec l'hystérisation. Colère, énervement, dénégation, tout y est. Il est rare d'avoir un débat constructif sur le nucléaire : entre les anti et les pro, il n'y a pas de demi-mesure. Même combat pour les éoliennes. Bataille rangée d'arguments sur les éoliennes sur terre ou en mer, leur recyclage, leur intermittence, la dégradation des paysages, le bruit, les multinationales qui en profitent... Dans les magazines, documentaires, sur les chaînes d'information, il est difficile d'avoir les idées claires tant le débat est rendu impossible.
Pour retrouver calme et nuance, une expérience a été menée aux États-Unis par deux professeurs en communication de Stanford (James Fishkin et Larry Diamond), « America in One Room ». Pour pallier le déclin de la délibération informée dans les nouveaux médias, ils ont conçu l'une des plus grandes expériences sociales de l'histoire américaine. A été regroupé un échantillon représentatif de la population américaine pour le faire délibérer et s'enrichir de rapports d'experts durant plusieurs jours, autour des questions clés de la campagne présidentielle américaine de 2020.
Résultat ? Après un week-end d'échange, des groupes initialement très opposés dans leurs points de vue se sont finalement rejoints sur 22 propositions sur 26. « Lorsque les discussions sont suffisamment approfondies, les citoyens se dépolarisent », conclut James Fishkin. La même expérience a été reproduite sur la thématique brûlante du climat et de l'énergie en 2021. Alors que très opposés en arrivant, les participants se sont finalement rejoints sur 66 propositions sur 72, concernant la lutte contre le réchauffement climatique et la réduction des gaz à effet de serre.
Neuf participants sur dix ont trouvé l'expérience particulièrement utile !
Preuve qu'avec une information dépassionnée et du temps pour échanger, on peut s'entendre, même sur l'énergie...
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* Ecrivain et directeur général adjoint des programmes du Groupe M6, Jonathan Curiel est l'auteur de Génération CV (Favard, 2012), Le Club des pauvres types (Fayard, 2015), Vite ! - Les nouvelles tyrannies de l'immédiat ou l'urgence de ralentir (Plon, 2020) et de La société hystérisée (L'Aube, 2021).
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