L'impatience de notre jeunesse est la clé du monde de demain

Plus de 40% des moins de 34 ans n'ont pas voté au premier tour de la présidentielle le 10 avril dernier. Une partie de la jeunesse ne se retrouve pas dans une offre politique jugée déconnectée de ses préoccupations. Pour lutter contre les discriminations, le travail doit continuer, en particulier dans les quartiers populaires et les zones rurales. Après le Contrat d'Engagement Jeunes et la relance massive de l'apprentissage voulu par Emmanuel Macron, il faut lutter contre l'autocensure et les stéréotypes de genre dont souffrent en particulier les jeunes femmes dans des métiers d'avenir comme l'industrie ou la tech.
(Crédits : DR)

Ce n'est hélas pas une surprise : plus de 40% des moins de 34 ans n'ont pas voté au premier tour des élections présidentielles le 10 avril dernier. Loin de l'idée selon laquelle la jeunesse se soit détournée de la chose publique, celle-ci, au contraire, s'y intéresse sans pouvoir parfois se retrouver avec l'offre politique actuelle qu'elle considère comme "déconnectée" de ses préoccupations, au premier rang desquels l'emploi.

Nombreux sont effet les jeunes qui peinent à s'insérer durablement sur le marché du travail alors même que le taux de chômage des jeunes est retombé à son plus bas depuis 40 ans. Par méconnaissance des dispositifs en place parfois, par manque d'identification souvent, par rejet, aussi.

Endiguer le déterminisme social et l'autocensure

"Ce n'est pas pour moi", "je n'y arriverai jamais". Cette rengaine latente, il faut qu'elle disparaisse. Que l'on vienne d'un milieu modeste ou non, d'une zone urbaine ou rurale, on ne peut plus concevoir qu'un jeune puisse s'interdire de rêver son avenir en fonction de l'environnement dont il est issu. Cette autocensure résulte souvent d'un déterminisme social banalisé et accepté.

Trop nombreux sont les jeunes qui n'osent pas entamer un cycle d'études par manque de moyens financiers ou qui n'hésitent pas à gommer leur adresse postale sur un CV pour éviter d'essuyer un refus.

Alors oui, il faut le reconnaître et c'est une réalité : dans les zones rurales, l'accès à certains services aussi essentiels que les transports en commun ou encore les nouvelles technologies pose problème. Quant aux quartiers populaires, souvent stigmatisés à tort, l'existence de discriminations et le manque de moyens financiers constituent des obstacles majeurs.

Mis en place par le Gouvernement le 1er mars 2022, le Contrat d'Engagement Jeunes vise justement à offrir une allocation de 500 euros par mois pour tout jeune de moins de 25 ans sans emploi ni formation, en contrepartie d'un accompagnement intensif de 15 à 20 heures par semaine. Et parce que la construction d'un parcours se joue dès le plus jeune âge, Emmanuel Macron propose par ailleurs la mise en place dès la classe de 5ème de demi-journées "Avenirs" pour réfléchir à son orientation.

Lutter contre l'autocensure, c'est aussi et surtout lutter contre les stéréotypes. Prenons l'exemple du secteur de l'automobile où la part de femmes se situe entre 1 et 2% dans les métiers de la mécanique ou de la carrosserie. Au Campus des métiers et de l'entreprise de Bobigny, en Seine-Saint-Denis, Sofia, 20 ans, actuellement en formation en CAP "peinture en carrosserie" peut témoigner des remarques sexistes auxquelles elle a eu le droit alors qu'elle recherchait un garage dans le cadre de son apprentissage. "Vous postulez pour un poste de secrétaire ?", "Vous savez, c'est un métier physique...". On ne peut tolérer en France, en 2022, que certains corps de métiers soient genrés. C'est le cas dans les nouveaux jobs de l'industrie comme dans ceux du numérique.

Redorer l'image de la formation en apprentissage

Le parcours de Sofia est un succès parmi tant d'autres qui prouvent que l'apprentissage est un tremplin efficace vers l'emploi salarié et l'entrepreneuriat. En intégrant les réalités de l'entreprise, cette formation accorde davantage d'importance aux "soft skills", les compétences humaines et relationnelles, et aux réalités du monde de l'entreprise. Pourtant, dans l'opinion publique, le raccourci entre apprentissage et élèves décrocheurs reste une évidence alors même que les chiffres parlent d'eux-mêmes. Près de 720.000 contrats d'apprentissage ont été signés en 2021 et près de 6 jeunes sur 10 sont employés à l'issue de leur formation.

Redonner ses lettres de noblesse à l'apprentissage, c'est mettre sur un même pied d'égalité l'intelligence conceptuelle et l'intelligence manuelle. Celle de l'esprit et celle du geste. On sous-estime par ailleurs le pouvoir attractif de ce mode de formation pour les 1,5 million de jeunes français actuellement sans emploi, sans étude et sans formation. Les jeunes "invisibles" n'ont souvent qu'une connaissance partielle, tronquée voire inexistante des dispositifs d'insertion professionnelle. C'est précisément à ce niveau que le tissu associatif joue un rôle central pour identifier les jeunes sur le terrain, les informer puis les orienter vers des structures d'accompagnement et de formations dédiées (missions locales, écoles de la 2ème chance ou encore Pôle Emploi). Certains clubs sportifs ont ainsi fait le choix de faire des éducateurs sportifs de véritables travailleurs sociaux pour créer des vocations et orienter vers les métiers en tension.

Faire émerger des rôles modèles

Pour trouver sa voie, la jeunesse doit pouvoir se dire « c'est possible ». Elle doit pouvoir s'identifier à des choix de carrière. Elle doit pouvoir se reconnaître dans des parcours de vie atypiques et inspirants. Toutefois, ne nous méprenons pas. L'appréciation d'une figure comme rôle modèle est purement subjective. Pour certains, il s'agira du footballeur dont la notoriété n'est plus à prouver. Pour d'autres, il s'agira davantage de l'agriculteur passionné qui vit de son exploitation au quotidien. Un rôle modèle, c'est une espérance conjuguée au futur. Il inspire en même temps qu'il fait tomber les barrières qu'on s'impose parfois à nous-mêmes.

Croyons en nous. Croyons en notre jeunesse et en ses talents. Osons, entreprenons, innovons. Laissons place à la méritocratie. N'ayons pas peur de l'échec. Prenons des risques. Car il n'est de grande réussite qui ne se forge dans la difficulté et à force de persévérance.

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Conseillère municipale de la majorité présidentielle à Rosny-sous-Bois, Shannon Seban est née et a grandi en Seine-Saint-Denis, département le plus jeune d'Île-de-France où 36% de la population a moins de 25 ans. Elle est particulièrement impliquée sur la question de l'insertion professionnelle des jeunes et de l'égalité entre les femmes et les hommes.

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Commentaires 3
à écrit le 19/04/2022 à 10:27
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Le choix actuel entre le cancer et alzheimer leur fait beaucoup de mal aux jeunes dans cette dictature financière des vielles feignasses de rentiers. Comment leur faire aimer le travail dans ce monde possédé par des incapables ? Une pensée en tout ca...

à écrit le 16/04/2022 à 3:20
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Beaucoup de voeux pieu. Pas de debouches possible puisque l'industrie a disparue. CQFD. On ne parle pas des charges dans l'entreprise, bref du vent tant qu'une refonte totale ne sera faite, rien ne changera. C'est cela un etat jacobin.

à écrit le 15/04/2022 à 15:41
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La réalité sur le terrain est toute autre car l'entonoir que constitue pôle emploi biaise le marcher du travail , regarder comme la poste il n'y a plus de sélection pratiquement on n'y met d'office un tas de gens qui n'ont pas le profil et se service...

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