La bombe à retardement du boom des fusions-acquisitions

La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui, la bombe à retardement du boom des fusions-acquisitions
Olivier Passet, directeur des synthèses économiques de Xerfi. / DR

2015, année record pour les fusions acquisitions, les FUSACs comme on dit. Je ne reviens pas ici sur les chiffres, très largement médiatisés de Thomson Reuters, qui battent tous les records depuis 1980. Je voudrais ici me concentrer sur les raisons qui sous-tendent cette tendance forte, qui n'est pas près de se tarir, et sur ses implications. Je ne m'attarde pas ici, sur ce qui appartient au cours normal des choses.

Voilà trois ans que nous soulignons que les phases de sorties de crises sont propices à ce type d'opération. Tout simplement, parce qu'après un longue phase d'attentisme stratégique, la revalorisation des cours et la restauration des trésoreries redonnent aux groupes les moyens de financer leurs opérations de restructuration, et de consolider leurs secteurs sur le dos des perdants. Mais ce à quoi on assiste aujourd'hui, avec des méga deals qui dépassent l'imagination, comme celui de Pfizer et Allergan, par exemple, révèle à la fois la puissance de feu financière de certains groupes, après des années de sous-investissement, et surtout l'hyperabondance des liquidités auxquelles les fonds de capital investissement et les banques d'investissement ont aujourd'hui accès.

Une quête éperdue de rendement

Cela renvoie au contexte très particulier créé par le niveau exceptionnellement bas des taux d'intérêt et du rendement de la plupart des produits financiers. La quête éperdue de rendement ouvre aujourd'hui un gigantesque sas en faveur de jeux financiers exploitant à plein le levier d'endettement. Dans un monde où la rentabilité économique du capital productif est élevée, et où le coût de la dette est très faible, la manière la plus évidente pour produire de hauts rendements est de jouer sur le levier, via des LBO ou des FUSACS notamment. Mais, le problème, lorsqu'un jeu est trop facile, gagnant en apparence à tous les coups, c'est qu'il risque de ne plus être sélectif. On fusionne par opportunisme financier, fiscal, aussi, comme dans la mégafusion que je viens de citer...et/ou avec pour seule ligne de conduite de jouer les cost-killers à la Drahi, pour doper les effets du levier. Les aspects stratégiques plus fondamentaux passant au second plan. Et l'on touche là l'un des points sensibles de cette période qui n'en finit pas d'être de sortie de crise.

Les fonds d'investissement se refont, après des années de vache maigre sur le dos des entreprises, et jouent les pousses au crime. Si vous cherchez le point de vulnérabilité, qui pourrait être à l'épicentre d'une prochaine défaillance systémique du système financier, ne le cherchez pas beaucoup plus longtemps. Il est là.

Une vulnérable générée par le FUSACs

L'ampleur exceptionnelle de la vague de FUSAC actuelle revoie ensuite au contexte de faiblesse des débouchés de l'économie mondiale. Au rang des mégafusions, que voyons-nous ? Des secteurs matures, dans la pharmacie, la bière, la chimie, etc. Lorsque votre marché ne croît pas et que vous ne cherchez plus à le réinventer, que faites-vous ? Vous le consolidez, à votre avantage, en phagocytant ou en recherchant des synergies avec la concurrence.

Cela permet de mettre le doigt sur une deuxième vulnérabilité de cette époque. Les FUSACs tendent à détruire de l'emploi et du capital. Et lorsque l'on voit la taille des opérations actuelles, on peut douter de la capacité des startups technologiques, même foisonnantes, à contrebalancer le mouvement.

Notre croissance est molle en dépit de taux d'intérêt très faibles ... n'en cherchez  pas là non plus beaucoup plus longtemps l'une des causes essentielles. Certains voient dans ce retour des FUSACs la trace d'un retour de confiance, et d'une canalisation de la liquidité sur les entreprises. Ce n'est pas entièrement faux. Mais à cette échelle, ce qu'il faut craindre, c'est qu'elles soient avant tout un symptôme de plus de notre croissance molle et une bombe à retardement au plan financier.

>> Plus de vidéos sur le site Xerfi Canal, le médiateur du monde économique

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Commentaire 1
à écrit le 20/01/2016 à 11:40
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