La contribution ambiguë du capital-investissement à l'économie française

La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui, contribution ambiguë du capital-investissement à l'économie française.

Les levées de fond dans le capital investissement ont atteint un record en 2016 et au premier semestre 2017. Est-ce le nouveau témoignage de la vitalité entrepreneuriale française, d'une French Tech qui défierait la morosité de la crise et promettrait le renouveau productif pour la France ?

A 14,7 milliards d'euros en 2016 et plus 8 milliards au premier semestre 2017, la collecte efface son précédent record de 2005. Et chaque cycle haussier propulse le capital investissement toujours plus haut. Cela signifie qu'il existe bien un trend favorable sur longue période, sur ce segment de financement de l'économie. Un marché attractif porté aussi par l'étranger, puisque 45% des fonds levés viennent du reste du monde.

Les taux bas expliquent en partie l'envolée

Derrière ce mouvement, il y a le contexte de très faible rendement des actifs classiques, qui pousse de plus en plus d'investisseurs à miser sur le non-côté. Le capital investissement demeure l'un des rares segments sur lequel un investisseur peut encore retirer des rendements à deux chiffres. Il y aussi toutes les opportunités de levier générées par les très faibles taux d'intérêt.

Or, si l'on regarde la destination des fonds levés, c'est justement le compartiment du capital transmission qui a repris son envol ces dernières années. Il s'agit d'opérations qui, par le truchement d'une holding, consistent à acquérir une société par endettement et à faire remonter du dividende pour rembourser l'emprunt. Une restructuration du capital qui permet de dégager de hauts rendements pour l'investisseur et fait jouer au maximum les possibilités d'optimisation fiscale, mais qui n'est pas nécessairement adossée à un vrai projet de développement. Pour dire les choses crûment, il s'agit plutôt de faire juter financièrement des pépites déjà existantes, avec des retombées plus qu'ambiguës pour l'économie réelle.

Un constat encourageant pour la vitalité de l'écosystème français

Mais il ne faut pas s'arrêter à ce constat. Si le « capital-risque » au sens strict, qui s'investit dans la création, ou le « capital développement » des startups demeurent minoritaires et supplantés par les opérations de transmission, moins risquées, il n'en reste pas moins que ces deux segments ont connu une progression quasi constante depuis 2005, avec un niveau de financement qui a plus que triplé depuis cette date.

Autre constat encourageant, si 45 % des fonds sont levés auprès d'investisseurs étrangers, 71 % des fonds investis ciblent des entreprises résidentes. Certes, il s'agit de données centrées sur les acteurs français du capital-risque dont la vocation est de privilégier les investissements de proximité. Cependant, les données EVCA au plan européen nous livrent deux informations utiles de ce point de vue :

  • 1/ 24,1 % des fonds levés par l'industrie européenne du capital investissement étaient d'origine française en 2016. C'est beaucoup.
  • 2/ Dans le même temps, 34% des investissements étaient centrés sur la France et le Benelux. Ce qui fait de cette zone la principale destination du capital investissement, loin devant le Royaume-Uni ou l'Allemagne. Seconde industrie européenne du capital investissement derrière le Royaume-Uni, l'écosystème France-Benelux constitue le vrai pôle de levée de fond et d'investissement en Europe. C'est le résultat bien tangible de la mise en place d'un double paradis fiscal : ciblé sur les startups  tech côté français (avec le crédit impôt recherche notamment), et favorable aux holdings et au capital côté Benelux.

C'est aussi toute l'ambiguïté de la réussite hexagonale. La France dispose bien d'un vivier de pépites qui bénéficient largement aujourd'hui des fonds levés par le capital investissement européen. Mais à travers des montages financiers à plusieurs étages, qui passent par le Benelux et sèment le trouble sur la nationalité et le véritable contrôle de ces entreprises.

>> Plus de vidéos sur le site Xerfi Canal, le médiateur du monde économique

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