La déroute des théories économiques et monétaires dominantes

La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui, la déroute des théories économiques et monétaires dominantes
(Crédits : DR)

VIDEO

La déroute paraît totale. C'est tout l'appareillage théorique des économistes qui sombre tel le Titanic après l'impact de la crise de 2007-2008. L'orchestre des experts continue à jouer durant le naufrage. Mais quel que soit le marché vers lequel on se tourne, les anomalies, les paradoxes s'accumulent. Un à un, chacun de ces phénomènes peut trouver éventuellement une explication a posteriori. Mais mises bout à bout, ces explications partielles forment un puzzle qui défie les cohérences doctrinales habituelles.

Taux longs négatifs : une bizarrerie

En numéro un des bizarreries : les taux longs négatifs. Ce régime de taux très bas dans lequel s'installent les économies développées bouscule bien des préconçus. Il se produit alors même que l'endettement des États a bondi avec la crise. Il s'amplifie en France au moment même où le gouvernement annonce une nouvelle dérive du déficit. Au moment même aussi où a volé en éclat l'idée selon laquelle les États étaient à l'abri du risque de défaut. Où est donc cette fameuse remontée des taux que pronostiquaient tant d'économistes, la pointant comme un risque majeur en sortie de crise. Un retour à la normale inévitable, puisque l'économie a vocation à revenir sur ses valeurs centrales à long terme. Une vision de la normalité qui oublie au passage que historiquement des taux d'intérêt inférieurs au taux de croissance nominale sont la normalité. Et que la fameuse règle d'or, qui veut qu'à l'équilibre le taux d'intérêt s'égalise au taux de croissance, n'est qu'un mythe.

Ces taux historiquement faibles ne seraient que le reflet d'un déséquilibre plus profond entre l'épargne mondiale et le besoin d'investissement. La loi de l'offre et de la demande vient toujours à la rescousse des économistes. Et les raisons d'imaginer les sources d'un tel déséquilibre ne manquent pas. Ben Bernanke les a énumérées dans son célèbre discours global saving glut de 2005, pointant notamment la prégnance du vieillissement et du ralentissement démographique.

Un régime permanent

Certes, mais comment se fait-il que le régime devienne permanent. La baisse des taux aurait dû modérer la propension à épargner des agents. Rétablissant l'équilibre à terme. Sauf à imaginer que le rendement du capital productif est tellement faible en face, que la baisse des taux ne crée aucune opportunité d'investissement. Panne du progrès technique, baisse de la productivité marginale du capital, ce sont les tentatives d'explications avancées par les tenants de la stagnation séculaire. Mais, il y a deux gros hic à cette version des choses. Si tel est le cas, comment se fait-il que le rendement moyen du capital soit aussi élevé ? Autrement dit, les bénéfices rapportés aux immobilisations des entreprises ? Comment expliquer aussi le ralentissement de la productivité, alors même que la robotisation et la digitalisation créent tant d'opportunités d'automatisation.

Face à cela, les tombereaux de monnaie injectés par les banques centrales n'ont réanimé ni la croissance ni l'inflation. L'équation de Fisher et la doxa monétariste sont à ranger au magasin des antiquités. Trappe à liquidité nous répondent les keynésiens. L'activisme des banques centrales a fait baisser les taux à un plancher. À ce niveau, plus personne ne prend le risque de s'exposer sur des titres dont la valeur dégringolera inévitablement dès que les taux remonteront. L'interprétation est séduisante. Et la préférence pour les encaisses liquides est forte aujourd'hui. À cela près que cette liquidité n'est pas thésaurisée. Elle alimente les marchés d'actifs, mobiliers et immobiliers, sur lesquels les perspectives de plus-values demeurent l'aiguillon de l'activisme des acteurs financiers. Et au final, l'environnement de taux zéro produit un rendement des actifs financiers et mobiliers élevé, par le truchement des plus-values. Bref, les bribes d'explication sont soit non démontrables, soit partiellement convaincantes.

La courbe de Phillips à l'agonie

Sur le marché du travail, même constat. La courbe de Phillips est à l'agonie. Les salaires restent étrangement inertes. Les tensions sont elles-mêmes de plus en plus difficilement identifiables, tout comme le concept de plein emploi. Les taux de chômage refluent, enfoncent leurs planchers dans certains pays, sans explication convaincante. Les taux d'emplois battent des records, au moment même où se déploie tout le discours sur la fin du travail. La productivité tendancielle ralentit, ce qui devrait augmenter le taux de chômage d'équilibre de long terme, selon les approches les plus orthodoxes... Mais rien de tel n'est observé.

Que dire encore de l'approche ricardienne du commerce international. De ce credo si largement partagé selon lequel l'ouverture des échanges ne peut que déboucher sur un jeu gagnant-gagnant pour toutes les nations. Le credo commençait à être sévèrement écorné avec la prise en compte des phénomènes d'agglomération industrielle. Avec le constat de l'impact des échanges sur les inégalités.

Mais voici que les États passent à l'acte. Un acte de défiance, à la hauteur de la crise de crédibilité des économistes, et du défi qui les attend pour refonder leur science.

>> Plus de vidéos sur le site Xerfi Canal, le médiateur du monde économique

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 18
à écrit le 30/07/2019 à 9:16
Signaler
On "paye" les emprunteurs pour permettre une création monétaire, alors qu'il y en a déjà trop en circulation ralentie par le manque de confiance en l'avenir!

à écrit le 29/07/2019 à 22:38
Signaler
capitalisme ; le travail est le vrais capital :le capital est le pouvoir mort: ce qui veut dire que si le travail diminue :, le capitalisme vas mourir, ,peut-être et ont a un Laube dune autre revolution sur le sens de notre société, en Cros doit...

à écrit le 29/07/2019 à 16:57
Signaler
Il y aurai bien des choses a raconter la dessus. Les limites de la notion de pib, l'indefinie concept d'inflation (la base de toute notre econometrie), l'interventionnisme public dans la formation des prix l'orientation de la demande, le role des act...

le 29/07/2019 à 17:44
Signaler
Mais ne paniquons pas, la zone euro a encore une chance de s'en sortir, il faut que Lagarde nous fasse un HHQE HouseHold Quantitative Easing, le QE de la menagere (sur la commode), que la BCE achete dans chaque pays ce que consomme localement la mena...

à écrit le 29/07/2019 à 16:26
Signaler
World3 Est-ce que nos économistes connaissent ce modèle? Est-il abordé dans l'instruction de nos élites? https://fr.wikipedia.org/wiki/World3 Troc = Check Féodalité = Check Communisme = Check Capitalisme = Check La suite ??? Merci

le 30/07/2019 à 7:37
Signaler
Parce que tu crois qu'il y aura une suite avec la catastrophe climatique qui arrive ?

à écrit le 29/07/2019 à 16:06
Signaler
Nous faire croire que "des théories économiques et monétaires dominantes" font faire croître l'alimentation et le bien-être que l'on retrouve dans nos jardins, n'est qu'arnaque pour de "simple" d'esprit !

à écrit le 29/07/2019 à 15:53
Signaler
Simples questions : l'économie est-elle une science ? Pourquoi cette demande du retour à l'inflation ? Pour créer de la monnaie de singe...

à écrit le 29/07/2019 à 14:11
Signaler
Comme si nous avions affaire à des phénomènes "naturels" ! Il y a des gens aux commandes des banques centrales qui ont de leur propre aveux accomplis des politiques non conventionnelles ( qui dérogent à leur convention normalement établis par les ét...

à écrit le 29/07/2019 à 14:08
Signaler
Pas facile d'expliquer une économie soumise à des forces contraires. D'un côté le pessimisme envers l'avenir (retraites, santé, chomage, etc.), qui pousse à épargner. D'un autre coté l'argent à taux négatif destiné justement à contrer ce pessimisme...

à écrit le 29/07/2019 à 13:53
Signaler
D'un côté des banques paradisiaques fiscales qui dégueulent de capitaux et de l'autre leurs filiales légales qui sont en difficulté, s'il n'y avait qu'une seule explication partons déjà de là... L'argent c'est fait pour être utilisé, point. "«Seu...

le 29/07/2019 à 16:43
Signaler
@citoyen blasé J'aime bien, venant de vous l'expression "Si l'argent importe quelque peu, l'esprit importe bien davantage" Ceci me fait penser à une boutade de Coluche à propos d'un " doyen de faculté qui n'avait même pas un échantillon sur lui....

le 29/07/2019 à 19:14
Signaler
@ multipseudos: Que tu ne m'aimes pas vu que j'ai un niveau bien meilleur que le tiens je le comprends maintenant as tu au moins compris ce texte de Nietzsche stp ? Parce que ce que tu dis là c'est complètement nul ! -_-

le 12/08/2019 à 13:37
Signaler
@ multipseudos: "Citer Nietzsche ne fait pas de vous quelqu'un bien meilleur que les autres. Croire l'inverse est dangereux. " Citer non, comprendre oui, j'aimerais donc, s'il te plait, que tu fasses l'effort de le comprendre avant de troller...

à écrit le 29/07/2019 à 13:23
Signaler
Démonstration si besoin que l'économie n'est vraiment pas une science et que les économistes sont des escrocs L'économie c'est une escroquerie qui permet de faire croire au troupeau qu'il broutera mieux demain si il accepte de se faire tondre d...

le 29/07/2019 à 16:08
Signaler
l’Économie est une Science Molle, comme l'histoire, la sociologie, la psychologie, la politique ... on retrouve par ailleurs toutes ces composantes en macroéconomie. Ces sciences sont peu adaptées à des théorisations parce qu'elles s'adressent à d...

à écrit le 29/07/2019 à 12:07
Signaler
"la prégnance du vieillissement et du ralentissement démographique" Un phénomène qui à mon avis explique pas mal de choses et qui est sous-estimé.

à écrit le 29/07/2019 à 11:49
Signaler
l'Anglo-Amérique a reçu 70% des "prix Nobel" en Economie. alors que ces pays sont un désastre. d'ou le bazar actuel. quelle mascarade. quel monde de charlatans.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.