La leçon Trump, ce que nous confirme la présidentielle américaine

L'élection américaine révèle un pays plus divisé que jamais, à l'avant garde macabre de la mondialisation. L'événement doit nous interpeller, sur la révolte des peuples: la situation européenne n'est pas si différente. Par Jean-Christophe Gallien, Professeur associé à l'Université de Paris 1 la Sorbonne

Au delà de l'emballement final, des vrais faux rebondissements et malgré la remontée réelle de Donald Trump dans plusieurs États clefs, Hillary Clinton devrait l'emporter et poursuivre l'écriture de la légende Clinton. Mais est-ce bien là l'essentiel ? Le pays saura-t-il digérer sereinement ce combat ultra-violent ? On a du mal à croire à un véritable coup de sifflet final à cette incroyable compétition.

En 2000, Al Gore s'était effacé d'un final chaotique « pour préserver l'unité du pays et la solidité de notre démocratie ». La légitimité présidentielle de George W. Bush et celle du système était sauvegardée. La candidature si peu Républicaine de Donald Trump s'est progressivement dirigée contre ce « système » pour faire écho à une exaspération sociale profonde, protéiforme mais si réelle que la moindre anomalie de fin de campagne pourrait transformer en incendie démocratique.

Une Amérique plus divisée que jamais

Pourtant crédité d'une cote de popularité record pour un chef d'État en fin de mandat, Barack Obama lègue une Amérique plus divisée qu'elle ne l'a peut-être jamais été depuis la guerre de sécession. Il ne s'agit pas de 2 Amériques, c'est une société multi-fracturée avec un seul point commun, la difficulté de choisir entre « le moins pire des deux ». La seule « colère de l'homme blanc » principale victime du déclin américain ne peut expliquer l'ampleur du phénomène. Une Amérique à la renaissance économique en trompe l'œil et si peu redistributrice, basée sur les pari énergétiques court termistes et la tiers-mondisation économique de sa classe moyenne post industrielle. Une société sans perspective comme peu souvent dans son histoire. Et surtout sans destin dans un Monde bouleversé. Il s'agit d'une tendance lourde et partagée par tous les pays dits développés.

La colère d'un peuple déclassé

Certes la base électorale de Donald Trump est plus masculine, plus rurale, plus âgée et ... plus blanche que celle d'Hillary Clinton, qui a misé sur la conquête du vote des femmes, des citadins, des jeunes et des ... minorités mais aussi des médias qui sauf Wikileaks la soutiennent, de la finance aussi. Donald Trump fait si peur à Wall Street. C'est bien la colère d'un peuple déclassé, d'un pays en ébullition, qu'en cavalier opportuniste Donald Trump s'est contenté de chevaucher qui a fait exploser les grilles des analyses traditionnelles et les vieilles frontières idéologiques. Le peuple rejette : « les Bush et les Clinton, c'est la même chose » !

On pourrait penser à un nouveau Andrew Jackson, planteur populiste du Tennessee, porté en, 1829 à la Maison-Blanche par ce qu'on qualifia de « révolution jacksonienne » et qui voulait « reprendre aux élites le contrôle du pays ».

Donald Trump, trop mauvais politicien

En fait Donald Trump, est trop mauvais politicien et surtout trop isolé, manquant de moyens, délaissé, pour ne pas dire flingué par les élites d'un Parti Républicain pas encore remis de leur défaite à la primaire, pour faire réellement écho à cette nouvelle vague de colère qui ne va pas refluer avec la fin de la campagne et que pour l'instant aucune organisation ne semble en mesure d'exploiter à son profit.

Car rien, même en cas de résultat clair et net pour Hillary, ne sera réglé le lendemain. Les 2 candidats portaient une telle dose d'impopularité, n'avaient en rien réellement expliqué encore moins incarné les raisons d'une candidature au delà d'un narcissisme affranchi pour l'un et d'une arrogante certitude en légitimité élective pour l'autre.

Un monde devenu tellement ouvert, complexe, injuste et violent à la fois

Que ce soit à la gauche du Parti Démocrate qui déteste tout de la ploutocratie conservatrice incarnée par les Clinton que chez la base républicaine plongée dans la détresse économique et la dépression identitaire, rien ne sera pardonné. Cette Amérique à l'avant garde macabre de la mondialisation qui crie son désespoir ne s'arrêtera pas là. Voilà une source mixte d'inquiétude et d'espoir selon d'où l'on écoute ce grondement, que l'on redoute l'incendie civil qui vient ou qu'on en espère grand jour social et citoyen.

Cette élection événement nous interpelle, nous devons la prendre comme une alerte : méfions-nous de la caricature simpliste, de la vision vue d'en haut et de loin à la fois, l'Europe et la France vivent sur le même bateau et affrontent les mêmes tempêtes d'un Monde devenu tellement ouvert, complexe, injuste et violent à la fois. Après le Brexit, entendrons nous ce nouveau signal ?

En France, notre réel social c'est 50 % des salariés qui gagnent moins de 1650 euros net par mois et qui vivent loin des centres urbains de la décision où se crée la richesse. Chez nous aussi, un grondement encore sourd monte peu à peu et la classe moyenne disparaît progressivement. Chez nous aussi les arguments de compétence voire d'autorité émis par les corps politiques, médiatiques et académiques qui façonnaient encore il y a 10 ans les comportements électoraux ne sont plus audibles. Les Français comme les autres européens et comme les américains qui votent demain n'acceptent plus le « tutorat » d'en haut. Ce qu'Horst Seehofer, leader de la CSU allemande exprimait avec justesse récemment : « Notre responsabilité ne peut être de dire : « Nous avons tous les droits et vous, les citoyens, vous n'avez pas compris » ».

 Jean Christophe Gallien, Professeur associé à l'Université de Paris 1 la Sorbonne. Directeur associé de Zenon7, Président de j c g a, Membre de la SEAP, Society of European Affairs Professionals

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Commentaires 5
à écrit le 09/11/2016 à 22:20
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Donald Trump a gagné dans une campagne de 33 millions contre Hilary Clinton avec ses 180 millions. Clinton, c'était plus d'état assurément, plus de directives économiques. MaisTrump c'est une espérance de plus de liberté et moins de bureaucratie, et ...

à écrit le 09/11/2016 à 17:03
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Alain Juppé sera notre Hillary Clinton il lui ressemble : hautain , égocentrique , méprisant pour les humbles, obséquieux avec les plus riches, 40 ans de politique , affaire des appartements parisiens, affaire des emplois fictifs de la mairie de Pari...

à écrit le 08/11/2016 à 9:32
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Entièrement d'accord avec votre conclusion merci pour cet article loin des analyses superficielles et criardes dont les médias de masse nous abreuvent à propos de ces élections gagnées d'avance par Clinton. Ceci étant dit il est évident que la cr...

à écrit le 08/11/2016 à 9:27
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La bas aussi, l'argent des impôts non payés par Apple et autres manque.

à écrit le 08/11/2016 à 8:53
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Avec Mme Clinton, les USA rejetteront la faute sur ceux qui refusent leur "nouvel ordre mondial" et leur feront payer!

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