Les « ordonnances Macron » du 22 septembre 2017 prévoyaient de modifier en profondeur le droit du travail français. D'une part, au niveau des relations collectives de travail avec, entre autres, la suppression du Comité d'entreprise et du CHSCT au profit du Comité social et économique (CSE). Et d'autre part, à celui des relations individuelles de travail avec une mesure phare : l'instauration de barèmes d'indemnités applicables en cas de contentieux devant le juge prud'homal. L'idée était d'encadrer les indemnités accordées par les juges en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Un barème est ainsi fixé en fonction de l'ancienneté et de la taille de l'entreprise avec une grille indiquant les montants minimum et maximum que les conseillers prud'homaux peuvent accorder aux salariés.
L'idée de départ: sécuriser la rupture des relations contractuelles
Ce « barème Macron » avait pour but de sécuriser la rupture des relations contractuelles aussi bien pour l'employeur que pour le salarié. En effet, le dirigeant d'une entreprise était sensé pouvoir anticiper les conséquences financières d'un licenciement requalifié par les juges comme étant sans cause réelle et sérieuse. Or, avant l'instauration du « barème Macron », le calcul de ce risque était impossible. Du côté du salarié, ce dispositif devait harmoniser les décisions prud'homales afin d'offrir plus d'équité dans les indemnités perçues par les salariés au niveau national.
Cependant, six Conseils de prud'hommes (CPH) ont refusé d'appliquer en 2018 le « barème Macron » en invoquant des textes européens. Selon le CPH de Troyes, le barème violerait la Charte sociale européenne et la convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail (OIT). Il ne permettrait pas « aux juges d'apprécier dans leur globalité les situations individuelles des salariés injustement licenciés et de réparer de manière juste le préjudice qu'ils ont subi ». Pour le CPH d'Amiens, l'indemnité accordée à un salarié injustement licencié « ne pourrait être considérée comme étant appropriée et réparatrice du licenciement sans cause réelle et sérieuse et ce, dans le respect de la convention n° 158 de l'OIT ». Dans la même veine, le CPH de Lyon énonce que « l'indemnisation du salarié est évaluée à hauteur de son préjudice », suivi en ce sens par le CPH de Grenoble.
Le problème : la situation du salarié pas suffisamment prise en compte
La réaction des juges prud'homaux est claire : l'instauration de ces barèmes ne leur permet plus d'apprécier le préjudice subi par les salariés au cas par cas. Ces derniers se retrouvent enclavés dans des barèmes trop restrictifs qui ne prennent pas suffisamment en compte la situation personnelle du salarié. De ce fait, ils en reviennent à la jurisprudence antérieure et indemnisent le salarié à hauteur de son préjudice. Les conseillers prud'homaux font ainsi fi de la législation française, pourtant validée par le Conseil d'État et le Conseil constitutionnel (CE, ord. réf., 7 déc. 2017, n° 415243 ; Cons. const., 21 mars 2018 n° 2018 761 DC).
C'est à Paris que l'application du barème prud'homal fait désormais le plus de bruit puisqu'une conseillère affiliée à la CGT a unilatéralement invoqué, en mars 2019, la Charte européenne et la Convention n° 158 de l'OIT alors qu'un accord existait lors du délibéré avec les trois autres conseillers prud'homaux. Dans ce contexte incertain et houleux, les praticiens et les chefs d'entreprise attendent avec impatience une position des plus hautes juridictions. Quand viendra-t-elle ?
Sujets les + commentés