La transformation numérique du monde agricole est-elle à part ?

OPINION. Capteurs connectés, équipement agricole intelligent, réseaux sociaux, applications mobiles et encore outils de gestion numérique, les nouvelles technologies transforment les métiers de l'agriculture tout en apportant des solutions. Quid des solutions de vente en ligne ? Par Jean-Paul Crenn, fondateur et dirigeant de VUCA Strategy.
(Crédits : Reuters)

Alors qu'environ 4 entreprises sur 10 réalisent plus de 50% de leurs achats sur internet et que ces habitudes d'achat en ligne devraient encore augmenter au cours des 2 prochaines années pour la majorité des entreprises (1), le secteur agricole ne fait pas exception et aujourd'hui plus de 70% des agriculteurs achètent déjà en ligne. La digitalisation est donc un véritable enjeu pour les acteurs agricoles historiques, challengés par les pure players, qui prennent à bras le corps ces problématiques afin de proposer à leurs clients les meilleurs services.

C'est notamment le cas de InVivo, premier groupe coopératif agricole français, qui a développé la plateforme de e-commerce aladin.farm afin d'allier la force des équipes terrain au digital et d'impulser de nouvelles habitudes d'achat en ligne auprès des agriculteurs. Pour la coopérative La Flandre, utilisatrice de la plateforme, cela a eu un impact direct et significatif sur son chiffre d'affaires (+ de 1 million d'euros/mois de CA via aladin.farm) (2). Le digital permet ainsi une augmentation des capacités business mais aussi et surtout du relationnel et du serviciel en tant qu'appui pour la force commerciale qui demeure indispensable. L'enjeu de la digitalisation est finalement de redonner un certain pouvoir aux agriculteurs, leur permettant de mieux communiquer sur leurs pratiques auprès du consommateur final tout en optimisant ses coûts, sans pour autant tirer un trait sur sa force commerciale.

Le multicanal devient ainsi une évidence et dans le monde de l'approvisionnement de matières premières que ce soit dans la cosmétique, dans l'hygiène ou encore la maison, les problématiques sont les mêmes et les comportements évoluent. Il n'est pas rare de voir de grandes multinationales passer commandes sur des sites de e-commerce, tout simplement parce que cela est plus pratique et qu'il n'y a pas d'enjeux très importants à commander en ligne.

Dans le monde agricole la fourniture est largement liée aux réglementations, ce qui peut parfois sembler être un frein dans la digitalisation. C'est un métier réglementaire dont l'information doit être mise à jour en temps réel et adaptée aux clients, un point pour lequel le digital est plébiscité et auquel il peut répondre. Pour autant le secteur agricole n'abandonne pas sa force de vente axée sur l'expertise et la personnalisation.

Le véritable enjeu de l'évolution des comportements et la digitalisation du secteur demeure dans l'évolution de la force de vente : la digitalisation transforme tout de même en profondeur le métier de commercial. D'une part car le client se renseigne avant de se rendre en magasin et aura tendance à être plus exigeant face aux vendeurs, d'autre part parce qu'il est désormais difficile de réorienter le choix des consommateurs qui viennent dans un but bien précis. Les outils digitaux permettent au vendeur de se centrer sur son expertise, les informations de base, liées à l'automatisation de l'information, sont digitalisées tandis que l'interprétation et l'adaptation à chaque cas sont laissées au vendeur. Ce dernier n'est plus là juste pour guider le client dans ses choix mais pour apporter un élément différenciant.

Dans cette nouvelle ère numérique, l'humain demeure au centre et son rôle évolue pour aller au-delà de ce qui est exprimé par l'acheteur, ce que l'informatique ne peut inventer.

C'est d'ailleurs le constat de nombreux acteurs du secteur agricole, dont le réseau de négoces agricoles indépendants et de coopératives Actura qui, par la voix de leur Directeur Général, Eric Barbedette (2), s'accordent à dire qu'il y a une nécessité de réfléchir en matière de création de valeur de ces nouveaux comportements de l'agriculteur et non seulement en la création d'outils puisque ce dernier point n'est pas une fin en soi.

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(1) Etude réalisée par VUCA Strategy en septembre 2021.

(2) Source : Table ronde réalisé par VUCA Strategy en avril 2022 avec Eric Barbedette, Directeur Général du Groupe Actura, Stéphane Marcel, CDO d'InVivo et CEO d'aladin.farm, et Pierre-Benoît Decool, Responsable du développement commercial de la Coopérative La Flandre.

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Commentaire 1
à écrit le 20/07/2022 à 10:38
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Sur le même principe que l'I.A.; moins on a d'intelligence est plus elle est artificielle! Quand il s'agit de vouloir transformer le plomb en or, de la nourriture en argent, on utilise "la bassesse" de la simplicité innovante!

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